Réduire l’inflation sans pousser l’économie droit dans le mur, est-ce possible? De moins en moins, selon l’humeur générale des marchés. Mais l’idée d’une troisième voie fait petit à petit son chemin. Un moindre mal que l’atterrissage forcé, mais un mal toujours. De quoi s’agit-il?
Les perspectives d’un atterrissage en douceur se réduisent, alors que le risque d’un atterrissage dur devient de plus en plus plausible, selon le monde économique. Mais de quoi parle-t-on exactement? Un atterrissage en douceur est la capacité d’une banque centrale, comme la Fed, à freiner l’inflation, avec des hausses des taux d’intérêt, sans plomber l’économie. L’atterrissage forcé a lieu lorsque l’inflation est freinée, mais que l’économie tombe en récession.
Une troisième option serait cependant possible. Alors que les chances pour la réussite d’un atterrissage en douceur semblent s’amenuiser, cette troisième option pourrait être la meilleure solution. Ou plutôt la moins mauvaise solution, rapporte CNN Business.
« Purgatoire »
Il s’agit d’une « récession avec croissance ». Un concept qui peut paraître contradictoire, car la définition technique d’une récession est justement la baisse du PIB. Mais nombre d’autres facteurs entrent en compte pour définir une récession. La récession avec croissance serait ainsi caractérisée par une hausse du chômage – alors qu’il est actuellement historiquement bas aux États-Unis, contribuant à l’inflation – et une croissance assez faible.
Lors des deux premiers trimestres de 2022, le PIB était négatif, même si de nombreux autres indicateurs étaient encore au vert, pour mémoire.
Ce ne serait pas une option sans douleur. Le média économique américain parle d’un « purgatoire ». Il s’agirait d’une période plutôt longue, et qui donnerait l’impression d’être en récession (sans que l’économie entière se contracte cependant).
À la fin du passage dans le purgatoire et après une correction (des péchés), on accèderait au ciel, si on veut poursuivre la métaphore.
Désormais l’option numéro 1 de la Fed?
Ce scénario commence à être envisagé non seulement par de plus en plus d’observateurs, mais aussi par la Fed. Lors de la conférence de presse où il a annoncé la hausse des taux d’intérêt de 75 points de base, la semaine passée, le président de l’institution monétaire, Jerome Powell, a également revu les prévisions économiques.
L’atterrissage en douceur, scénario normalement privilégié par la Réserve fédérale, ne semble plus atteignable. « La réduction de l’inflation nécessitera probablement une période prolongée de croissance inférieure à la tendance. Il y aura très probablement un certain assouplissement des conditions du marché du travail », expliquait Powell.
De quelle ampleur serait cet « assouplissement des conditions du marché du travail »? Joe Brusuelas, économiste en chef de RSM, estime que cinq à six millions d’emplois devraient être perdus pour venir à bout de l’inflation. Mais après, cela pourrait aller mieux. « A court terme, c’est douloureux. Mais à long terme ? C’est un processus de guérison et un processus qui prépare le terrain pour une économie et des marchés plus sains », réfléchit Brad McMillan, investisseur en chef pour Commonwealth Financial Network.
Et en Europe?
L’inflation américaine et l’inflation européenne sont différentes, même si une des raisons de l’inflation est commune aux deux continents : la planche à billets. L’inflation américaine est plus provoquée par la demande (où il est généralement plus facile d’intervenir), alors que l’inflation européenne est provoquée par l’offre, et en particulier par les prix de l’énergie.
Or, les banques centrales et les hausses des taux d’intérêt n’ont pas vraiment d’impacts sur les prix de l’énergie. L’Europe se dirigerait ainsi vers une véritable récession. Des boulangers à la sidérurgie, tous les secteurs sont impactés par les prix exorbitants de l’énergie, et contraints de réduire ou d’arrêter leurs activités.