Le plus important détaillant des Etats-Unis, Walmart, doit brader les prix pour se débarrasser de ses stocks excessifs et s’attend à une importante baisse du chiffre d’affaires. Avec la baisse du pouvoir d’achat, les consommateurs réduisent leurs dépenses concernant les produits non alimentaires. Plus globalement, cette tendance comporte des risques de cycles de déflation et de récession.
La demande de biens sera en chute à cause de l’inflation des prix de l’énergie et des aliments, notait il y a quelques semaines l’investisseur Michael Burry, connu sous le nom de « The Big Short » pour avoir prédit l’effondrement des subprimes en 2007. Comme les consommateurs réduisent leurs achats de produits non alimentaires, notamment les vêtements, les détaillants se retrouvent avec des stocks excessifs, et doivent brader les prix pour se débarrasser de tous ces produits.
Or, cette baisse de ces prix pourrait avoir un effet positif sur l’inflation, ce qui pourrait pousser la Fed à réduire ses hausses des taux d’intérêt. Mais les magasins s’approvisionneraient alors à nouveau en masse, et le scénario se répéterait ainsi en boucle. Voilà l’effet « bullwhip » ou « de fouet », qui pourrait avoir des conséquences déflationnistes sur l’économie.
Le gestionnaire de fonds semble avoir vu juste. Lundi soir, Walmart, le plus grand détaillant des Etats-Unis, a annoncé ses résultats trimestriels. Il constate une baisse des ventes de produits non alimentaires, à cause des hausses des prix des denrées alimentaires et des prix de l’énergie qui érodent le pouvoir d’achat des consommateurs, comme Burry l’avait prédit. Le groupe annonce faire des promotions pour liquider ses stocks excessifs, tout comme Burry l’avait aussi envisagé.
Et ce n’est pas sans conséquence : le groupe s’attend à une baisse du chiffre d’affaires pour l’année 2022, à hauteur de 11 à 13%. En mai encore, il s’attendait à une baisse d’uniquement 1%, ce qui était déjà perçu comme une très mauvaise nouvelle, pour le prix de son action, mais aussi pour l’économie en général. Walmart, aux Etats-Unis, est à lui seul un indicateur. De manière générale, les détaillants sont une jauge de l’économie : si les achats baissent, cela veut dire que le pouvoir d’achat est en baisse. Cette baisse des dépenses et ce report d’achats sont souvent vus comme un signal d’alarme d’une récession.
Récession
On parle d’une situation de récession quand le PIB est en baisse pendant deux trimestres de suite. Or, au premier trimestre, le PIB des Etats-Unis était en baisse de 1,6%. Quant au deuxième trimestre, les premières données sont attendues ce mercredi. Si le taux de croissance est en baisse (ce qui serait probable, selon la Fed d’Atlanta), l’économie des Etats-Unis serait alors dans une situation de récession « technique ». Mais d’autres signes comptent également pour évaluer si une récession a lieu, comme le marché de l’emploi (qui est toujours en position de force), la production manufacturière (qui est encore en expansion), et les réserves de liquidités des consommateurs (il en reste, mais ils deviennent plus réticents à les dépenser, comme dit plus haut).
Or, tous les acteurs ne sont pas d’accord avec le fait qu’une véritable récession arrive, et si oui, quelle en serait sa sévérité. Pour la secrétaire du Trésor (ministre des Finances des Etats-Unis) Janet Yellen, il n’y aurait qu’un ralentissement temporaire de l’activité. « Ce n’est pas une économie qui est en récession, mais nous sommes dans une période de transition où la croissance ralentit ».
En somme, il y a de nombreux indicateurs. Pour Cathie Wood par exemple, le fait que les emplois domestiques sont en baisse est une preuve que les Etats-Unis se trouvent déjà en situation de récession. L’effet « bullwhip » de Burry pourrait aussi être un indicateur : avec la déflation, les entreprises gagnent moins et pourraient aussi devoir réduire leurs activités.
Bref, l’annonce de ce chiffre (lors d’une semaine cruciale pour l’économie et les marchés boursiers) sera déjà un élément intéressant pour voir où se situe l’économie américaine. Il est certain qu’une baisse drastique provoquerait des sueurs froides. Une stagnation, comme les 0,3% de croissance que plusieurs banques de Wall Street attendent, provoquera un peu de répit, mais pas forcément des effusions de joie non plus.