Même les Suédois remettent en cause l’État-providence

Les Suédois avaient toujours trouvé normal jusqu’ici de payer des impôts conséquents pour bénéficier de l’un des systèmes de protection sociale les plus élaborés du monde. Mais des changements commencent à se faire sentir, et ils sont de plus en plus nombreux à remettre en cause ce système.

La Suède a accueilli 600 000 immigrants entre 2015 et 2016, un nombre énorme pour un pays de 10 millions d’habitants. Cet afflux de personnes exerce une pression supplémentaire sur le système social du pays, déjà mis à l’épreuve par le vieillissement de la population.

Des services publics de plus en plus restreints

Mais le pays souffre aussi de la vétusté de ses services, et de son incapacité à assurer pleinement les fonctions du service public. La criminalité est en forte hausse, et dans les zones très faiblement peuplées du pays, les permanences policières sont très réduites. Dans les hôpitaux, des maternités ferment, en raison du manque d’effectifs, et les sage-femmes enseignent maintenant aux femmes enceintes à accoucher dans leur voiture. Le nombre de personnes qui attendent plus de 3 mois pour une opération ou un traitement spécialisé a triplé au cours des quatre dernières années. Des plaintes ont également été enregistrées dans le domaine de l’éducation.

De plus en plus de Suédois estiment qu’ils n’en ont pas pour leur argent

“Le contrat social suédois doit être réformé”, ont écrit une douzaine de chefs d’entreprises, dont Bjorn Wahlroos, président de Nordea Bank AB, et Peje Emilsson, fondateur de Kreab, dans un billet d’opinion publié le 31 mai dans le journal Dagens Industri. Malgré les impôts élevés, la politique n’assure plus sa part du contrat dans des domaines importants. Le rapport qualité-prix n’est pas bon”.

Même si la plupart des Suédois sont satisfaits de ce qu’ils obtiennent pour leurs impôts, un sondage réalisé par Demoskop publié en février montre que la proportion des mécontents est passée de 27 % en 2014 à 45 %.

Ils sont aussi de plus en plus nombreux à juger qu’en dépit des hausses d’impôts sur les dernières années, le système social du pays se dégrade. “Le problème de l’immigration est que notre État-providence n’est pas assez dimensionné pour cela. Bien sûr, qu’il faut aider les gens, et nous avons une bonne situation, ici en Suède, mais nous ne pouvons pas gérer un nombre illimité de personnes”, affirme Carl-Fredrik Bothen, un père de famille de la capitale Stockholm.

L’émergence des partis populistes

La Grande-Bretagne, ou le Royaume-Uni, fournissent autant d’exemples éclairant de ce qui se produit lorsque les dirigeants ne tiennent pas compte de la colère populaire vis à vis de l’immigration, et de l’affaiblissement des services publics. En Suède, on assiste aussi à l’ascension des partis populistes. Des élections doivent avoir lieu le 9 septembre, et les enquêtes d’opinion témoignent de la popularité toujours grandissante des Démocrates de Suède, un parti d’extrême droite aux racines néo-nazies. Certains sondages les créditent même de plus de 25 % d’opinions favorables, un taux supérieur à celui des sociaux démocrates au pouvoir depuis 2014.

Pourtant, le pays a des finances saines, et la croissance du pays a été de 3,3% sur une base annuelle au premier trimestre, l’un des rythmes les plus soutenus d’Europe de l’Ouest. Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement a remis en cause des réductions d’impôts qui avaient été accordées par son prédécesseur, et a pu présenter un budget de l’État excédentaire. La charge fiscale totale en Suède se montait à 44,1 % du PIB en 2016, contre 42,6 % en 2014. C’est le cinquième niveau le plus élevé parmi les 35 pays de l’OCDE.

Fredrik Olovsson, dirigeant social-démocrate et président du comité des finances du Parlement,  à Stockholm, ne croit pourtant pas que le niveau des impôts pose problème : “Je ne crois pas que le niveau des impôts que nous avons aujourd’hui soit le plus élevé que nous puissions avoir”.

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