Face aux évolutions sociétales fondées technologiquement, comme celles portées par la blockchain, les parlements et les gouvernements ont tendance à subir le changement, a regretté le président du cdH, Maxime Prévot, qui exhorte les décideurs politiques à soutenir l’écosystème belge.
Un intrus ? Tout le monde dans l’assemblée se demandait pourquoi le président du cdH participait à la Brussels Blockchain Conference ce mercredi midi. Un participant de l’événement n’a d’ailleurs pas hésité à lui demander de vive voix. Mais Maxime Prévot a assumé et même joué de sa présence déconcertante.
« J’en suis assez fier d’être un ovni ici. Parce qu’il y a peu de femmes et d’hommes politiques qui ont la capacité actuellement d’expliquer ce qu’est la blockchain et qui même, je le crois, en aient entendu parler », a-t-il affirmé en préambule. « Sur les 150 parlementaires fédéraux, je pense que nous aurons assez des doigts d’une main pour compter le nombre d’entre eux capables d’exprimer une opinion sur cette technologie. »
L’homme aux trois casquettes –bourgmestre de Namur, député fédéral et président de parti– intervenait pour aborder l’importante thématique du rôle politique face à l’innovation blockchain. Pourquoi lui ? Détenteur d’un master en sciences politiques suivi d’une spécialisation en droit des nouvelles technologies, Maxime Prévot revendique une sensibilité plus grande à tous ces enjeux que d’autres parlementaires de longue date.
L’ignorance est mauvaise conseillère
Il s’est néanmoins défendu de vouloir prendre une attitude vaniteuse, confessant qu’il y a quelques mois, il ne connaissait pas non plus grand-chose sur la question avant que son homologue, le député bruxellois cdH et co-organisateur de la conférence Christophe de Beukelaer, ne l’initie à la crypto.
« Il faut qu’on ait l’humilité du côté du politique de reconnaître qu’il y a face à nous des enjeux que nous n’avons pas encore correctement cernés. Cette modestie impose de pouvoir accompagner et favoriser, plutôt que d’avoir le réflexe tribal politique que nous avons régulièrement qui est de cadenasser, réfréner, quelque chose qu’on ne comprend pas et qu’on catégorise mal », a plaidé le président démocrate-humaniste.
Maxime Prévot a épinglé le risque du biais de perception dans le monde politique, celui qui consiste à penser que la blockchain et les cryptomonnaies sont des technologies destinées au mieux à maximiser le profit, éluder l’impôt et encourager la fraude. Un biais qui ne peut conduire les décideurs qu’à lutter contre la chaîne de blocs et ses applications.
« C’est un des risques que j’identifie dans le cénacle politique aujourd’hui, c’est l’absence de maîtrise du concept, l’ignorance –appelons un chat, un chat– qui alors amène une démarche régulatoire excessive. Plutôt qu’en saisir l’opportunité pour transformer et faire société », a insisté le mandataire, rappelant que face aux évolutions sociétales fondées technologiquement, les parlements et les gouvernements ont tendance à subir, à réagir a posteriori et donc pas souvent adéquatement).
Le rêve d’une Blockchain Valley belge
Le président du cdH ambitionne que les décideurs politiques favorisent l’éclosion de nouvelles opportunités, opportunités business, d’emplois, de formation. En changeant leur perception face à cette révolution numérique qui n’est pas celle d’une frange de geeks ou d’une simple niche. La blockchain a le potentiel de fédérer et mobiliser tout un territoire.
« Bruxelles, capitale européenne, deuxième ville la plus cosmopolite au monde après Dubaï, compte des jeunes qui ne disposent pas des diplômes classiques auxquels nos parents ont aspiré mais sont dans une effervescence extraordinaire sur le plan des nouvelles technologies. Pourquoi demain ne pas vouloir faire de Bruxelles, voire de la Belgique, la Silicon Valley de la Blockchain », a affirmé Maxime Prévot.
Le député-bourgmestre exhorte à aligner les politiques publiques pour soutenir le développement des initiatives en matière de blockchain, aligner les universités et hautes-écoles pour dispenser les formations appropriées, concentrer les soutiens aux projets dont on constate la créativité…
À la crainte de favoriser alors l’éclosion d’emplois pour élites, il est bon de se remémorer que chaque invention a d’abord mobilisé ingénieurs et informaticiens mais après l’opérationnalisation, la mise en œuvre, cela profite plus largement.
Le réflexe conservateur alimenté par les craintes
S’il devait débattre face à des parlementaires, Maxime Prévot anticipe une réplique où l’enjeu du développement durable serait utilisé comme contre-argument au soutien de la technologie blockchain.
« À l’heure où la croissance des ressources n’est peut-être plus compatible avec la préservation du climat et de la biodiversité, certains plaidant même pour la décroissance, de quelle manière va-t-on rendre intellectuellement compatible pour des élus ce phénomène d’aspiration à la croissance grâce à des technologies qu’ils ne maîtrisent pas ? », a-t-il lancé à la cantonade ce questionnement, sans réponse.
Autre crainte, le nouveau schéma financier rendu possible par la blockchain risque d’anéantir les fondements traditionnels de notre économie, les budgets de l’État, le fonctionnement des banques centrales. Et ainsi fragiliser les mécanismes des finances publiques, dans une perspective de grande fragilité de surcroit.
« Ces craintes suscitent des réflexes de conservatisme, tous partis confondus. C’est pour cela qu’il est essentiel d’en débattre. Je ne veux pas jouer au gourou de la peur mais nous devons collectivement réfléchir à ces questions pour rassurer. Parce que sinon certains décideurs vont s’appuyer sur ces craintes, en tirer prétexte pour réfréner le développement de la blockchain », a assuré Maxime Prévot.
En synthèse, le rôle du politique face aux défis de la blockchain consiste à avoir des propos qui rassurent objectivement et permettent ainsi de créer la condition de la confiance. Confiance qui permettra à son tour l’éclosion d’écosystèmes. Mais également de faire de la blockchain une priorité face aux enjeux sociétaux.
« Les partis politiques en Belgique et même en Europe incarnent beaucoup plus les enjeux d’hier que de demain. Je crois en l’apport technologique, je crois en la capacité de faire société autrement grâce à cette technologie, et je crois que pour en saisir les opportunités de la blockchain, il faut accompagner avec volontarisme et créer des projets à l’initiative des gouvernements et parlements, avec les financements adéquats, avec des expériences-tests. Cela peut être très matérialisable localement comme dans ma petite ville de Namur où la bonne gestion des déchets récompense en cryptomonnaies », a ponctué le président du cdH, pour éviter le danger de rejeter ce qu’on ne comprend pas.
Unir décideurs politiques et entrepreneurs autour de la blockchain
Convaincus d’être « à l’aube d’une révolution du même ordre que ce qu’on a connu avec Internet il y a 30 ans », Raoul Ullens, entrepreneur qui a récemment rejoint le fonds de capital-risque luxembourgeois dédié à la crypto Noia Capital, et Christophe De Beukelaer, entrepreneur et député bruxellois cdH, ont lancé la « Brussels Blockchain Conference » première du nom.
« On pense que c’est notre rôle d’homme politique et d’entrepreneur engagé de conscientiser les dirigeants sur ces changements sociétaux qui arrivent. On ne peut plus rester dans l’ignorance de ce nouveau monde! C’est un peu comme s’accrocher à la calèche ou à la bougie alors qu’apparaissent les voitures et les ampoules électriques. L’adoption va être exponentielle », affirment en choeur les deux organisateurs.
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