Magnette relance la taxe sur le patrimoine à l’approche du 1er mai, et le PS dispose d’un nouvel allié : pression maximale sur les libéraux (et en particulier le MR)

Alors que le Premier ministre Alexander De Croo s’est dit ouvert à prolonger les mesures de soutien au pouvoir d’achat, le PS voit plus loin et remet sur la table sa taxe sur « les 1% les plus riches ». Les socialistes peuvent compter sur l’appui des écologistes, mais aussi du CD&V, qui a opéré un tournant en la matière. À l’approche du 1er mai et de la fête des Travailleurs, les socialistes se montrent logiquement à l’offensive. La pression est mise sur les libéraux et en particulier le MR, qui peut s’attendre à quelques mois difficiles, suite à la menace, en coulisses, de se faire éjecter des majorités wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Dans l’actu: Paul Magnette remet sur la table sa taxe sur les riches. Une nouvelle taxe contre les 1% les plus riches en vue d’une baisse d’impôt pour les bas et les moyens revenus.

  • Trouver des recettes pour soulager les bas et moyens revenus dans un contexte inflationniste. Selon le président du PS, ce matin sur La Première, cela passe par les surprofits de l’État, mais aussi d’Engie, conséquents suite aux prix élevés de l’énergie.
  • S’il reconnait d’emblée qu’aller chercher de l’argent dans les poches d’Engie « sera difficile pour la ministre Van der Straeten » alors qu’elle négocie de l’autre côté une prolongation du nucléaire, c’est une nécessité selon le socialiste.
  • Une autre recette pourrait être ciblée sur les 1% les plus riches. Une sorte de taxe progressive sur le patrimoine (hors domicile et outil de travail) de plus d’un million d’euros. Selon Magnette, cette taxe pourra être redistribuée à 50% de la population – les bas et moyens revenus » – sous forme de baisse d’impôt qui pourrait « rapporter 100 euros nets par mois ». Une « simple mesure de justice sociale », appuie le socialiste.
  • Une taxe de plus dans la mesure où il existe déjà une taxe sur les comptes-titres pour les personnes détenant plus d’un million d’euros sur un compte. Les revenus sur le capital sont aussi taxés et cela a même rapporté 4,8 milliards d’euros l’année dernière, rappelle L’Echo. En outre, cette taxe dite sur les riches a suscité le rejet des libéraux au moment des négociations et ne fait donc pas partie de l’accord de gouvernement.
  • Mais les socialistes ne sont plus seuls: les Verts, mais surtout le CD&V, tant le président de parti Joachim Coens que le ministre des Finances Vincent Van Peteghem, se sont dits ouverts à plusieurs reprises de taxer davantage les 1% les plus riches.
  • Il s’agit certainement d’un point de basculement pour le CD&V qui en début de législature formait une alliance de principe avec l’Open VLD sur ce qu’on pourrait résumer par « la bonne tenue du budget de la Vivaldi ».
  • Mais l’analyse de la situation a changé chez les chrétiens-démocrates: avec l’inflation et les prix de l’énergie, ce sont les classes moyennes qui ont trinqué le plus. Il fallait leur porter beaucoup plus d’attention. Devant la difficulté d’élaborer sa grande réforme fiscale, notamment parce que le MR lui mettait systématiquement des bâtons dans les roues, Vincent Van Peteghem s’est tourné du côté du pouvoir d’achat, travaillant sur une TVA intelligente sur le gaz et l’électricité, ainsi qu’une réduction des accises à la pompe. L’idée d’une réforme fiscale qui prendrait aux plus riches pour redistribuer à la classe moyenne en est la suite logique.
  • De son côté, le président de Vooruit, Conner Rousseau, a proposé dans Humo une mesure quelque peu noyée par ses propos polémiques sur Molenbeek: les socialistes flamands lancent la piste d’une taxation sur les sociétés qui passerait de 25 à 35% pour les entreprises ayant fait le plus de bénéfices.
  • La question reste de savoir comment met-on en place de telles taxes et viseront-elles juste ? Toute forme d’impôt sur la fortune nécessite forcément l’introduction d’un véritable registre de la fortune. Le fisc en sait davantage sur nous, mais pour les libéraux, un tel registre est un tabou absolu.
  • L’autre question est inhérente à la Belgique: reste-t-il encore de nouveaux impôts à mettre en place dans un des pays qui taxe le plus au monde le travail ? La Belgique se situe certainement dans le top 10 des pays industrialisés en termes de richesse, mais on l’a vu précédemment, le capital est déjà taxé.

L’écran de fumée: un « groupe de travail » composé de spécialistes sera mis en place pour « fournir des solutions ».

  • Au sein de la Vivaldi, tous les regards se tournent forcément vers les libéraux. Le Premier ministre s’est dit ouvert à prolonger les mesures de soutien au pouvoir d’achat, révèle Le Soir, on imagine jusqu’à la fin de l’année, alors que les discussions d’une éventuelle prolongation ne devaient pas intervenir avant septembre. « Je salue cette position », commente Paul Magnette, « il est en effet peu pertinent de faire bénéficier un rabais de la TVA sur l’énergie quand on consomme le moins. C’est à l’automne et à l’hiver prochain que se situera le vrai défi ».
  • Du côté libéral, on anticipe un peu les traditionnelles revendications des partis de gauche à l’occasion du 1er mai. En effet, plutôt que des prolongations perpétuelles, le PS aimerait instituer certaines réformes sur le long terme, comme la transformation de la TVA en accises ou l’extension du tarif social.
  • Mais le Premier ministre veut donner du temps à son équipe, et il y a une manière très classique de faire cela, rue de la Loi: la création d’un groupe de travail. Un comité d’experts, qui sera en mesure de donner au gouvernement « des recommandations et des pistes concrètes » dans un contexte d’inflation qui est, semble-t-il, de moins en moins temporaire.
  • Le Comité sera composé selon les courants qui traversent la Vivaldi:
    • Il y a le libéral Pierre Wunsch, le président de la Banque Nationale.
    • Mathias Dewatripont de l’ULB est certainement la figure du PS.
    • Philippe Defeyt, de l’Université de Namur, est l’un des fondateurs d’Ecolo.
    • Paul De Grauwe, de la London School of Economics, était autrefois un libéral, mais il est aujourd’hui partisan d’une théorie monétaire très à gauche.
    • Sofie Geeroms, spécialiste du commerce électronique, est issue d’un milieu libéral.
    • Koen Schoors (UGent), Sarah Vansteenkiste (KULeuven) et Bertrand Candelon (Louvain School of Management) font également partie du groupe de travail.
  • Cet après-midi, le Comité se réunira pour la première fois. Le groupe de travail aura peut-être aussi le courage de se demander pourquoi l’inflation est si exceptionnellement élevée en Belgique.

Le contexte: une fois de plus, la pression est maximale sur le MR. La sortie de route de trop pour le président Georges-Louis Bouchez ?

  • Au fédéral, c’est le MR qui aboie le plus et rabroue le plus ces propositions de gauche ou de centre-gauche. Un chien de garde utile pour Alexander De Croo, qui peut ainsi se montrer au-dessus de la mêlée, tout en disposant d’un garde-fou libéral. C’est donc le MR, mais il est vrai que Georges-Louis Bouchez le cherche bien, qui cristallise le plus de critiques.
  • Du côté francophone, le débat entre Georges-Louis Bouchez et le président de parti d’extrême droite Tom Van Grieken a suscité beaucoup de remous. En interne, le président du MR semble être passé une nouvelle fois entre les gouttes d’une crise, en promettant qu’on ne l’y reprendrait plus.
  • Mais ce nouvel épisode avec en premier rôle le Montois, adepte de la particip-opposition, a eu le don – une énième fois – d’énerver ses partenaires qui ne s’en cachent plus vraiment en coulisses: « La question n’est plus de savoir si c’est possible qu’un changement de majorité ait lieu, la question c’est de savoir quand et pour quel motif », a confié un président de parti à Bertrand Henne, éditorialiste de La Première.
  • A ce titre, la réponse collective du PS, d’Ecolo et des Engagés, qui ont adressé la semaine dernière une forme d’ultimatum au MR et à son président, a été agrémentée ce matin, dans Le Soir, d’une nouvelle mouture des textes qui ont fondé le cordon sanitaire.
  • L’important n’est pas vraiment son contenu, qui est quelque peu actualisé à la réalité du 21e siècle et de ses réseaux sociaux. Ainsi, le texte, qui a été adressé au MR, à DéFI et au PTB, appelle « les partis signataires, leurs mandataires, leurs candidats, leurs militants » à « refuser de participer à tout débat télévisuel ou radiophonique, audiovisuel ou organisé par des sites internet, des influenceurs ou par des comptes sur les réseaux sociaux auquel un mandataire, un candidat ou un militant issu de ces partis [‘extrême droite] participerait. »
  • Non, l’important est que le MR n’ait pas été directement associé au processus et soit uniquement appelé à réagir. Une collaboration entre les trois partis de l’Olivier soulève forcément le soupçon d’une exclusion des libéraux de la majorité wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
  • « Je ne réagis jamais à ce qui se dit en coulisses », a balayé d’un revers de main Paul Magnette sur La Première, sans toutefois nier les discussions entre les trois partis. Il reconnait que la cohabitation avec les libéraux est « compliquée ». « Je n’ai jamais caché que ce n’est pas ma préférence de gouverner avec un parti de droite. Qu’à chaque fois qu’on le peut, on gouverne sans. »
  • Bien sûr, il pourrait tout simplement s’agir d’une simple menace de la part du PS et d’Ecolo pour mettre la pression sur les libéraux et faire rentrer son président dans les rangs.
  • Mais plusieurs arguments plaident en faveur d’un scénario de changement de majorité: le blocage permanent de la Vivaldi sur ses grandes réformes, la pression des syndicats et en particulier de la FGTB qui poussent à fond pour abroger la loi de 1996, mais aussi bien sûr la montée constante du PTB dans les sondages. Gouverner avec un parti de droite reste difficile à expliquer aux sympathisants de gauche. Une nouvelle majorité pourrait créer un nouvel élan à 2 ans de la fin de la législature.
  • Dans L’Avenir, ce weekend, Magnette a rappelé que l’indexation automatique des salaires ne suffisait pas, et que les syndicats devraient avoir la liberté « de négocier des augmentations salariales supplémentaires dans certains secteurs – et ils sont nombreux – où les marges et les bénéfices sont suffisants ». Plus qu’un clin d’oeil à la FGTB.
  • Coup de bluff ou pas, une exclusion des majorités pourrait être le dérapage de trop pour Georges-Louis Bouchez, en interne. Se mettre à dos des ministres qui perdent leur portefeuille n’est jamais évident pour un président de parti.
  • GLB était pourtant sorti renforcé de l’affaire Crucke qui a vu ce poids lourd du MR, en désaccord avec son président, faire un pas de côté au moment de la présentation d’une réforme fiscale « plus juste » pour la Wallonie.
  • Le Montois, qui n’a, au final, jamais vraiment été surveillé par ses belles-mères, semble prendre la mainmise sur son parti et même son programme qu’il veut refonder et mettre en application en 2030. C’est que le jeune loup qui a fait son trou voit loin. Trop loin ?
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