Comme redouté, la Vivaldi n’a pas de marge de manoeuvre pour taxer les suprofits d’Engie

Comment renégocier à la hausse une taxe sur le nucléaire d’un côté, et convaincre Engie de prolonger le nucléaire de l’autre, alors que l’énergéticien français n’y est pas favorable ? C’est le dilemme dans lequel s’est placée toute seule la Vivaldi en prenant une décision très tardive. Avec la montée des prix de l’énergie, Engie comme l’État s’en sont mis vulgairement plein les poches. L’État a sorti par la suite trois aides pour un montant de 3 milliards d’euros, la Vivladi attend désormais un geste similaire d’Engie. La grande question est de savoir comment.

L’actualité : La ministre de l’Énergie Tinne van der Straeten (Groen) a demandé a un cabinet d’avocats d’établir les possibilités juridiques pour renégocier la taxe nucléaire.

Le détail : il existe plusieurs régimes de taxation en fonction de l’ancienneté des réacteurs.

  • Le Soir a pu se procurer une copie de l’étude juridique. Et sans surprise, la marge de manoeuvre du gouvernement fédéral est limitée, dans la mesure où la précédente renégociation avait enterré certains litiges qui pourraient refaire surface.
  • Pour comprendre, il faut se replonger quelques années en arrière. On distingue trois taxes nucléaires différentes.
    • D’abord, une taxe qui concerne les réacteurs les plus récents et fixée à 38% de bénéfices. Cette contribution s’applique à Doel 3, Doel 4, Tihange 2 et 3.
    • Une autre taxe concerne les réacteurs plus anciens, Doel 1 et 2, sous forme de redevance annuelle de 20 millions d’euros. Un montant fixé lors des négociations qui ont suivi la prolongation pour dix ans de ces deux réacteurs, en 2015, sous le gouvernement Michel.
    • Deux ans plus tôt, en 2013, le gouvernement Di Rupo avait renégocié la prolongation de Tihange 1, avec une taxe de 70%, mais ce réacteur, dans la réalité, a connu de nombreux problèmes et ne s’est jamais montré rentable ces dernières années, si bien qu’Engie n’a rien dû payer.
  • Avec les prix de l’énergie en hausse, ces différentes taxes devraient rapporter à l’État belge entre 523 (selon la Creg) et 680 millions d’euros (selon le gouvernement) en 2023 sur base des bénéfices de 2022. À titre de comparaison, même si 2020 était une année très spéciale, ces taxes ont rapporté 98 millions d’euros en 2021.
  • Le nucléaire belge est donc une activité toujours rentable. Au niveau d’Engie, l’activité nucléaire a rapporté 970 millions d’euros au géant énergétique français en 2021. Pour ce qui est de 2022, la Creg table sur des bénéfices compris entre 1,26 et 1,44 milliard d’euros.
  • Du côté de l’État belge, on s’est servi de cette manne financière pour lancer trois plans de soutien aux ménages sur l’énergie: l’extension du tarif social, la baisse de la TVA sur le gaz et l’électricité et enfin les chèques énergie.
  • Mais que faire avec les surprofits d’Engie désormais ? Il ressort de l’étude juridique que « modifier le régime fiscal serait périlleux », rapporte Le Soir, notamment par rapport au fait que renégocier les taxes pourrait réouvrir des plaies refermées en 2015 suite à des recours déposés par Engie contre les taxes nucléaires entre 2008 et 2014.
  • La ministre de l’Énergie Van der Straeten a sollicité la Banque nationale belge pour envisager les pistes « d’une contribution de crise », car on estime du côté de la ministre que « personne ne devrait être autorisé à s’enrichir grâce à la crise ». Politiquement, on comprend la démarche de la ministre écologiste, mais dans les faits, s’agit-il d’un motif qui a une valeur juridique suffisante ?
  • Restent les négociations avec Engie, pour lui faire entendre raison dans le cadre de la prolongation de deux réacteurs nucléaires. Mais depuis longtemps maintenant, on dit qu’Engie est dans une position de force. Car l’énergéticien français a affirmé dans toutes les langues qu’il n’était plus favorable à une prolongation du nucléaire, suite à la décision trop tardive de la Vivaldi.
  • À charge pour la ministre de l’Énergie et le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD), en charge des négociations, de trouver des arguments pour convaincre une entreprise privée à poursuivre une activité économique rentable sur notre territoire. Le gouvernement peut jouer sur l’exploitation de centrales au gaz, mais dans ce dossier, on l’a vu, rien n’est simple non plus.

Communautaire: la Belgique lance sa grande consultation pour l’avenir de la Belgique.

  • Dès la formation de la Vivaldi, un portefeuille remis à Annelies Vanderlinden (CD&V), ministre de l’Intérieur, et David Clarinval (MR), ministre des Classes moyennes, a attiré l’attention: celui des « des Réformes institutionnelles et du Renouveau démocratique ».
  • L’analyse politique, reconnue à l’intérieur même de la Vivaldi, était qu‘il fallait apaiser les tensions communautaires et calmer la colère au nord du pays. La raison ? Avoir laisser dehors les deux plus grands partis du pays – la N-VA et le Vlaams Belang.
  • Un moyen pour les quatre partis flamands au sein de la Vivaldi – l’Open VLD, le CD&V (surtout), Vooruit et Groen – d’adresser un message à leur circonscription électorale : on vous a entendu et pas oublié.
  • Bref, se préparer pour éviter un grand affrontement communautaire en 2024. Le tout devait déboucher sur une grande consultation populaire, mais sans valeur contraignante. La Vivaldi en fera ce qu’elle veut: une boite à outils ou un beauty-case.
  • Concrètement, toute personne âgée de plus de 16 ans peut donner son avis autour de 6 grands thèmes sur unpayspourdemain.be jusqu’au 5 juin, sous l’onglet « Démarrer la consultation ». Les 6 thématiques mènent ensuite à 5 enjeux. Il faut s’enregistrer via eiD ou Itsme mais le gouvernement promet bien sûr l’anonymisation des réponses.
  • Première constatation: il faut du temps et s’intéresser de près à la chose publique. Le site, qui est plutôt bien foutu, regroupe un tas d’informations plus ou moins complexes sur nos institutions qui demandera une démarche proactive. Le positif, c’est que cette consultation ne sera sans doute pas prise à la légère par ceux qui l’entreprennent. Ceux qui cherchent à donner leur avis comme on le ferait au café du commerce passeront leur chemin. Par contre, le tout peut en rebuter plus d’un au travers d’une démarche fastidieuse.
  • Deuxième constatation: la consultation donne lieu à des questions très ouvertes. Un exemple sur la thématique « Comment organiser le pays? ». On retrouve les questions :
  1. Selon vous, quelle serait la structure idéale pour votre pays pour demain ? Que proposeriez-vous ?
  2. Pourriez-vous nous expliquer votre réponse ? Pourquoi pensez-vous que c’est une bonne proposition ?
  • D’ores et déjà bonne chance pour les politologues qui devront résumer tout ça. Des idées de citoyens sont proposées et peuvent être consultées, mais il faut un certain bagage et beaucoup de temps.
  • Bref, à voir si cette initiative restera de lettre morte à la fin de la la législature, même si le Premier ministre et les ministres concernés ont bien sûr montré, lundi en conférence de presse, un grand enthousiasme, parlant de « démocratie 2.0 » ou de moyen de « combler le vide entre politiques et citoyens ».

Au sein du MR, la tempête autour du cordon sanitaire n’a pas affecté le leadership de Georges-Louis Bouchez.

  • Pour preuve deux soutiens de poids: d’abord Denis Ducarme, ancien adversaire de Bouchez à la présidentielle, et qui tentait d’organiser, encore début janvier, la riposte « d’une candidature démocrate-libérale » en 2023 suite aux remous de l’affaire Crucke.
  • Le Carolo est sorti du silence dans La DH sur le débat que le président du MR a mené avec l’extrême droite sur la VRT. Il n’a pas apporté de soutien direct à Bouchez, mais a attaqué son adversaire, Paul Magnette (PS), pour qui le président du MR avait fauté: « Le président du parti socialiste belge est très mal placé pour donner des leçons de morale, lui qui a failli faire entrer le PTB dans la majorité à Charleroi. Il ne cesse de dire que son rêve absolu, c’est d’avoir une majorité à gauche sans le MR. Il le dit, mais sans exclure le PTB. »
  • Ducarme verrait volontiers le cordon sanitaire médiatique et politique s’étendre « aux bolchéviques du PTB dont le programme vise clairement à mettre à bas notre démocratie« .
  • Ce lundi, lors du bureau politique du MR, il n’y a pas eu de bronca contre GLB. Il a, à tout le moins, été demandé au président du MR d’avertir le parti si des sujets aussi importants que le cordon sanitaire devaient être abordés.
  • Il faut dire que la polémique avait été éteinte dès le week-end. Le parti a réagi samedi, indiquant qu’il allait respecter le cordon sanitaire à l’avenir. Le président du MR a aussi constaté les remous qu’a provoqués son débat avec Tom Van Grieken et n’a pas voulu en rajouter (de trop), ce lundi matin sur Bel RTL.
  • En outre, il a été convenu officiellement par le MR que les textes qui fondent le cordon sanitaire et qui ont plus de 20 ans seront discutés. Le parti libéral, sous l’égide du député fédéral Benoît Piedboeuf, s’engage à formuler des propositions aux autres partis d’ici la mi-mai.
  • La volonté de certains libéraux est d’étendre le cordon sanitaire au PTB, mais dans les faits, les présidents du PS et d’Ecolo ont déjà rejeté cette idée: « Bouchez tente de noyer le poisson », a expliqué Magnette lundi sur Bel RTL. Pour Jean-Marc Nollet (Ecolo), « c’est une tentative de diversion ». Rappelons que les deux protagonistes, en compagnie des présidents de DéFI et des Engagés, avaient adressé dans un courrier commun un ultimatum au MR. Certains y ont vu une menace directe pour les libéraux de se faire éjecter des majorités wallonne et de la FWB.
  • Mais au sein de son parti, Bouchez n’est pas isolé, au contraire. Celui qui a amené le Montois à la politique, Louis Michel, pourtant instigateur du cordon sanitaire, a apporté son soutien ce matin sur La Première à son jeune poulain. Selon Louis Michel, Bouchez n’a pas commis de faute: « Il n’a pas débattu sur l’espace francophone, donc il n’est pas en contradiction avec ce qui a été décidé. »
  • Si Louis Michel concède qu’il n’aurait pas débattu avec l’extrême droite, car il a « une position radicale à ce sujet », il estime aujourd’hui que la situation est « différente ». GLB « a débattu avec ce personnage de l’extrême droite, il a démonté son discours. Il ne s’est pas privé de le dire devant l’opinion flamande dans un espace où il n’y a pas de cordon sanitaire. »

Molenbeek: Conner Rousseau (Vooruit) en roue libre, pour le plus grand bonheur des détracteurs de Bruxelles

  • Dans une interview publiée ce mardi par Humo, le président des socialistes flamands a des propos à tout le moins surprenants sur Molenbeek: « Quand je roule dans Molenbeek, moi non plus je ne me sens pas en Belgique. Mais la plupart de ces personnes sont nées ici. Le plus important est qu’elles parlent notre langue et qu’elles travaillent. À Bruxelles, à cause de la pénurie d’enseignants, des gens donnent cours en arabe en classe, parce qu’ils ne parlent pas français. Inacceptable. Et que fait le gouvernement flamand ? Il augmente le coût des cours de langue pour réduire les listes d’attente. »
  • Tollé général à Bruxelles, comme le montrent ces différentes réactions politiques:
    • Le ministre flamand en charge de Bruxelles, Benjamin Dalle (CD&V): « Ce que Conner Rousseau déclare aujourd’hui dans Humo n’est pas seulement indigne, c’est aussi totalement faux. Les cours de langue et le parcours de citoyenneté sont gratuits à Bruxelles. Quant à prétendre que des cours seraient donnés en arabe ? Qu’il me montre seulement une telle école de la Communauté néerlandophone! »
    • Jef Van Damme, échevin Vooruit à Molenbeek:  « Remarque très déplacée de Conner Rousseau. Molenbeek, c’est tout autant la Belgique que Saint-Nicolas (ville où Rousseau est né). Qu’il s’arrête [à Molenbeek] la prochaine fois qu’il y passe, je serais heureux de lui faire visiter les lieux en 2022 »
    • Côté socialiste, le chef du PS à Bruxelles, Ahmed Laaouej est outré: « Ces propos sont intolérables, stigmatisants et xénophobes. Bruxelles est une région cosmopolite avec des quartiers connaissant une grande diversité de population. Ils méritent mieux qu’un mépris digne d’une discussion de bistrot. Lamentable et insupportable. »
    • La co-présidente d’Ecolo, la Bruxelloise Rajae Maouane: « Jamais venu à Molenbeek, (Conner Rousseau) se met de manière caricaturale dans la roue de la droite extrême, méprisant par là 100.000 Molenbeekois. »
  • Depuis l’opposition, cette sortie du socialiste flamand, qui ce matin, à la radio publique flamande, explique qu’il plaidait en fait pour une meilleure mixité et cohésion sociale, notamment sur le marché de l’emploi, on n’en attendait pas tant:
    • Georges-Louis Bouchez, président du MR, avec une pointe de cynisme: « Avec lui, je peux débattre ou pas ? Ça doit être sympa la cohabitation dans les locaux du PS… »
    • Bart De Wever, président de la N-VA: « La ségrégation réelle dans des endroits comme Molenbeek ne peut tout simplement pas être ignorée. L’indignation post-moderne qui suit toujours cette analyse évidente est en contradiction avec la réalité. C’est typique de la bêtise idéologique de l’élite intellectuelle. »
    • Théo Franken, député N-VA: « Les socialistes votent depuis des années contre un durcissement de la politique migratoire. Ils n’ont conquis la Bruxelles libérale que grâce à l’immigration de masse qu’ils ont tant défendue et défendent encore. La famille PS Moureaux dirige Molenbeek depuis des décennies, laissez-moi rire. »
    • Pour Tom Van Grieken, président du parti d’extrême droite du Vlaams Belang, c’est du pain béni: « Il y a cinq ans, notre ami Geert Wilders disait déjà ce que Conner Rousseau dit aujourd’hui. Les socialistes sont juste un peu plus lents que les autres. Geert enverra-t-il une facture pour plagiat à Vooruit ? »

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