L’AIE tacle la dépendance de la Belgique aux énergies fossiles et en particulier au gaz, le MR repart à l’offensive sur le nucléaire

La Belgique est trop dépendante des combustibles fossiles, note l’Agence internationale de l’énergie dans son nouveau rapport. L’AIE épingle notamment la sortie partielle du nucléaire qui va augmenter mécaniquement notre consommation de gaz. Sur le plan politique, le MR lance une nouvelle charge pour prolonger plus de deux réacteurs nucléaires et empêcher la construction de deux centrales au gaz.

Dans l’actu : l’AIE n’est pas tendre avec la Belgique quant à sa dépendance aux combustibles fossiles.

Le détail: pour l’heure, l’agence ne voit pas comment notre pays pourrait atteindre les objectifs européens du green deal, à savoir la réduction de nos émissions de CO2 de 50% d’ici 2030 et le zéro-carbone d’ici 2050.

  • Selon l’AIE, la Belgique dépend encore des énergies fossiles à hauteur de 71% de l’approvisionnement.
  • Outre une meilleure coordination entre le fédéral et les Réfions, l’agence pointe du doigt la sortie partielle du nucléaire, qui ferait augmenter la part du gaz dans le mix énergétique de 24,4% en 2020 à 38,9% en 2030.
  • L’agence s’inquiète donc de la capacité de la Belgique « à baisser ses émissions de gaz à effet de serre », mais aussi de notre approvisionnement. L’AIE enjoint notre pays à constituer une réserve stratégique dès cette année.
  • Plus positivement, l’AIE félicite la Belgique pour ses capacités en éoliennes offshores, mais tacle les éoliennes terrestres, dont l’implémentation au niveau procédurale devrait être facilitée.
  • L’AIE estime enfin que la Belgique devrait agir au plus vite pour permettre la prolongation de deux réacteurs nucléaires, comme décidé dans l’accord de gouvernement du 18 mars.
  • Or, dans les négociations avec Engie, rapporte l’Echo, on voit au mieux un aboutissement « pour l’été », alors que De Croo (Open VLD) et la ministre de l’énergie Van der Straeten (Groen) affirmaient au départ une issue favorable « avant le mois de juin ».
  • Aucune information du premier tour des négociations n’a filtré pour le moment, mais on sait que les discussions ont porté et porteront sur la capacité des centrales à être actives dès l’hiver 2025-2026. L’autre pan des discussions se situera sur une éventuelle taxe nucléaire, renégociée à l’aune des nouveaux prix de l’énergie. Mais le tout devra bien sûr être avant tout un projet rentable pour Engie qui doit couvrir ses investissements.
  • Outre ces négociations, il y a un cahier des charges à remplir et il n’est pas mince: commande de combustible, processus législatif, étude d’incidence, travaux de mise à niveau, discussions avec les pays voisins…

Le contexte: le MR en profite pour lancer une nouvelle offensive sur le nucléaire avec une approche anti-gaz.

  • Pour ne rien faciliter au débat, même si c’était attendu, le MR de Georges-Louis Bouchez n’a pas été rassasié par l’accord du 18 mars. Dès le départ, on a bien senti que le président libéral n’allait pas lâcher le morceau: il veut prolonger plus de deux réacteurs – Doel 4 et Tihange 3 – mais aussi empêcher la construction de deux centrales au gaz, prévue par le mécanisme du CRM pour compenser la sortie partielle du nucléaire et faire face potentiellement à une non-prolongation pour l’hiver 2025-2026.
  • La question est extrêmement sensible, et il reste difficile, techniquement et politiquement, de déterminer si la construction de deux centrales au gaz est nécessaire. Le scénario qui semble se dessiner pour le moment est que Doel 4 et Tihange 3 ne seront pas prêts pour 2025-2026 mais pour 2026-2027.
  • Mais le président du MR profite de chaque occasion pour montrer à quel point ces deux centrales sont un « non-sens écologique ». À Bruxelles par exemple, le gouvernement bruxellois est plongé dans un exercice de réflexion (et de cohésion) pour dégager certaines priorités pour la seconde partie de la législature. Parmi les mesures phares se dégage l’interdiction d’installer une nouvelle chaudière au gaz dès 2025.
  • « Donc les Ecolos ne veulent plus de chaudières au gaz… Mais leur dogmatisme va amener à construire deux nouvelles centrales au gaz. Qui a dit que l’on se moque du monde ? », s’interroge le président du MR sur les réseaux sociaux ce jeudi.
  • Mercredi, son parti a de nouveau mis la question du gaz sur la table du kern, interrogeant les partenaires sur ce qu’il y aurait comme alternative en cas de coupure du gaz russe – dont la Belgique dépend très peu, en tout cas directement.
  • Du côté d’Ecolo et du PS, on balaye d’un revers de main ces nouvelles « agitations » du président du MR. Les deux partis de gauche « s’en tiennent à l’accord de gouvernement », expliquent-ils dans Le Soir. Du côté du PS, en particulier, on parle très peu des émissions de CO2 mais davantage de la sécurité d’approvisionnement. Et si cela passe par la construction de centrales au gaz, il ne faut pas s’en priver, il faut assurer à tout prix ses arrières.
  • Et puis il y a la réalité du terrain. Si Georges-Louis Bouchez crie sur tous les toits, et dans SudInfo, « que les écologistes veulent faire de la Wallonie une usine à CO2 », dans les faits, les permis des centrales au gaz de Seraing et des Awirs ont été accordés, avec la bénédiction de Willy Borsus (MR), ministre libéral de l’Economie.
  • Quant à la prolongation de plus de deux réacteurs nucléaires, le MR a dans le viseur Doel 3 et Tihange 2. Le sort de Doel 1 et 2, ainsi que Tihange 2 semble scellé, car il s’agit de centrales d’ancienne génération et elles ont déjà fait l’objet d’une prolongation en 2015 pour dix ans. Les remettre en route une deuxième fois pour 10 annnées supplémentaires constituerait un investissement trop important pour Engie.
  • Doel 3 et Tihange 2 sont les fameuses centrales aux « micro-bulles » dont la dangerosité est contestée par certains experts et défenseurs du nuke.
  • Mais leur prolongation se heurte à deux difficultés: convaincre Engie et surtout dégager une unanimité au sein de la Vivaldi. D’ores et déjà bonne chance, à moins que le contexte international – coupure du gaz russe – vienne à nouveau jouer les trouble-fêtes ?

Ailleurs: le mal du marché de l’emploi belge (et surtout francophone), ce n’est pas le chômage mais l’inactivité.

  • Une mise à jour des chiffres de Statbel, relayés par La Libre, nous fait (re)découvrir une douloureuse réalité en Belgique. Sur un marché de l’emploi total de 6.704.000 personnes, il y a 1.667.000 personnes inactives. On ne parle pas ici des chômeurs mais des personnes bénéficiant de l’assurance-maladie, de prépensionnés ou de bénéficiaires de revenus d’intégration sociale (CPAS).
  • Et rappelons-le d’emblée, il s’agit surtout d’un mal francophone. Il y a 130.000 chômeurs en Wallonie pour 605.000 personnes inactives. À Bruxelles, il y a 66.000 chômeurs pour 220.000 personnes inactives.
  • Dans une étude qui date de mars 2021, Randstad a tenté de comprendre cette particularité belge. « La Belgique affiche un taux élevé (6,4%) d’inactifs pour cause de maladie et/ou d’invalidité. La moyenne européenne s’élève à 4,3% », constate Ransdtat. L’écart s’est creusé ces dix dernières années, passant de 0,7% à 2,1%.
    • L’hypothèse selon laquelle ce taux élevé s’expliquerait par le vieillissement de la population « ne tient pas la route » selon l’étude, qui constate des taux élevés dans des pays à la population encore relativement jeune en Europe. C’est aussi vrai à l’échelle de la Belgique avec un taux d’invalidité plus important au sud et au centre, où la population est plus jeune, qu’au nord du pays.
    • L’étude réfute aussi une politique d’activation plus ferme du chômage qui pousserait des chômeurs vers un autre régime. « En Europe, le chômage a diminué nettement plus fort que la part de malades et invalides n’a augmenté », constate Randstad.
    • Finalement la raison la plus probable à ce mal belge, selon l’étude, est que « les autres pays ont mieux contrôlé la fonction garde-fou du régime de maladie-invalidité que la Belgique ». Un régime plus facilement accessible chez nous en d’autres termes.
    • L’étude conclut: « En combinant taux d’emploi inférieur à la moyenne et taux de maladie et invalidité supérieur à la moyenne, la Belgique fait figure de cas relativement unique en Europe. »
  • Au niveau du taux d’emploi justement, il est de 65,2% en 2021 en Wallonie, de 62,2% à Bruxelles et de 75,3% pour la Flandre. Soit un écart de 10% en faveur du nord du pays, qui dépasse la moyenne européenne de 3%. Cet écart avec la Wallonie et Bruxelles ne cesse de se creuser depuis les années 80.
  • La Libre énumère quelques explications à un tel écart, mais cela reste bien mince par rapport au problème structurel du taux d’emploi francophone. La démographie, plus jeune, peut expliquer un taux d’emploi inférieur en Wallonie à hauteur de 1%, selon Philippe Defeyt, économiste à l’Institut du développement durable.
  • Le taux d’emploi ne différencie pas non plus le travail partiel ou à temps plein. Or, le temps partiel est plus élevé en Flandre, à 18% contre 15% en Wallonie.
  • Mais on l’a vu, le nombre de chômeurs est finalement une goutte d’eau par rapport au nombre d’inactifs. C’est sur ce groupe de personnes que la Vivaldi doit principalement agir pour atteindre un taux d’emploi de 80%, l’objectif annoncé d’ici la fin de la législature.

Choc à la Rue de la Loi: Sophie Wilmès (MR) quitte temporairement la scène politique : David Clarinval (MR) la remplace dans sa fonction de ministre des Affaires étrangères.

  • Une nouvelle fracassante, que Sophie Wilmès a elle-même diffusée ce matin : la vice-première ministre et ministre des Affaires étrangères du MR prend du recul. Elle démissionne de toutes ses fonctions « au moins jusqu’à l’été », sans rémunération, afin de s’occuper de son mari, atteint d’un cancer.
  • Les deux autres responsables MR de l’équipe fédérale lui succèdent dans ses fonctions : David Clarinval prendra le relais en tant que vice-premier ministre, et reprendra tous les principaux portefeuilles de Wilmès. Mathieu Michel, actuellement secrétaire d’État à la numérisation, reprendra les institutions culturelles fédérales, comme le Bozar.
  • L’intention est que ce recul soit temporaire : jusqu’à l’été, Wilmès devrait rester à l’écart de la vie politique.
  • Reste à savoir si ce changement est idéal : le poste des Affaires étrangères est particulièrement crucial à l’heure où une véritable guerre fait rage en Europe et où des consultations internationales et européennes ont lieu presque quotidiennement. Mais cette tâche incombe désormais à Clarinval.
  • « La vie prend parfois des tournants douloureux, malheureusement. Aujourd’hui, la maladie s’est invitée brusquement dans nos vies et, en particulier, dans celle de mon mari, Christopher. Comme beaucoup trop d’hommes, de femmes et même d’enfants, il doit entamer un combat contre un cancer agressif du cerveau », écrit-elle.
  • « Cette difficile épreuve ne sera pas sans conséquences pour ma famille, et donc sur mon rôle au sein du gouvernement belge. Être ministre exige rigeur, disponibilité et un engagement total qui ne permettrait pas d’apporter l’aide et le réconfort dont Christopher et nos enfants ont besoin en cette période difficile. Je veux être présente auprès de lui comme il l’a toujours été pour nous et mener ce combat avec lui et nos enfants », a-t-elle expliqué. « Prenez soin de vous ».
  • Le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) a également réagi : « Mes pensées vont aujourd’hui à Sophie, son mari Chris et leurs enfants. C’est tout à l’honneur de Sophie d’avoir fait le choix explicite de soutenir son mari et d’être là pour ses enfants. Son choix suscite mon plus grand respect. Dans un moment difficile comme celui-ci, vous êtes avant tout une partenaire et une mère. Je souhaite à Sophie, Christopher et leurs enfants beaucoup de courage et de force. »
  • En Belgique francophone, Wilmès est devenue très populaire en tant que Premier ministre lors de la crise corona. Cette popularité continue de se répercuter jusqu’à aujourd’hui : elle est numéro un dans tous les sondages. Son geste très humain, qui consiste à se retirer temporairement de la vie politique, correspond parfaitement à l’image de la vice-première ministre, plus posée, qui contre-balance le tempérament plus fougueux, du président de parti, Georges-Louis Bouchez.
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