On l’oublie parfois face à l’omniprésence médiatique de la NASA et de la Roscosmos – voire ces derniers temps des Chinois – mais la France est une puissance spatiale à part entière, et l’un des piliers les plus importants des ambitions orbitales de l’Europe. Le thème de l’espace s’invite toutefois traditionnellement assez peu dans les enjeux d’une élection présidentielle, en particulier quand celle-ci est dominée par des questions socio-économiques. Pourtant, dans ce domaine, Emmanuel Macron bénéficie d’un bilan très positif, face auquel son opposante Marine Le Pen peine à se positionner.
Si l’on prend comme repère la fondation du Centre national d’étude spatiale, le CNES, alors le programme spatial français fête ses 60 ans cette année, rappelle l’Express. Or celui-ci est toujours autant d’actualité : l’Europe se défie de plus en plus des USA sur les questions ayant trait à la défense, en particulier depuis l’affaire AUKUS, véritable insulte, justement, à la France. De plus, la guerre en Ukraine et les sanctions à l’égard de la Russie mettent hors jeu l’autre grand pays des lancements en orbite. Dans ce contexte, l’Europe semble s’orienter vers la recherche d’une plus grande autonomie, que ça soit dans le domaine spatial civil ou dans celui de la défense.
La France au centre du programme spatial européen
Or dans ce domaine, le président sortant pourrait se vanter d’avoir remis la France au centre des enjeux. Dans son pays d’abord, en plaçant le développement spatial dans les compétences du ministère de l’Économie et des Finances, pour son aspect industriel, permettant ainsi un meilleur dialogue avec l’Allemagne, où c’est le ministère équivalent qui est en charge. Macron a aussi bétonné que la France garderait la main sur les lanceurs européens avec le programme Ariane, dont la nouvelle incarnation, la fusée Ariane 6, devrait voler pour la première fois d’ici la fin de l’année.
Du côté de la collaboration européenne, Macron s’est fait le chantre à la fois du projet de constellation pour les télécommunications sécurisées européennes, et du renforcement de l’infrastructure de surveillance de l’espace en vue du contrôle du trafic orbital. Le président français s’est aussi positionné comme contournable au sein d’une réflexion européenne sur la possibilité de développer des moyens propres pour envoyer des astronautes dans l’espace, indépendamment des Russes et des Américains. En résumé, le président a développé une politique spatiale basée à la fois sur l’autonomie nationale et la coopération européenne, et celle-ci a apporté des résultats tangibles.
Le Pen, peu à l’aise en altitude
Que peut avancer Marine Le Pen face au bilan du président sortant ? Dans ce secteur, pas grand-chose. D’abord parce que son électorat la porte sur des questions socio-économiques (même si l’immigration et l’identité françaises restent des sujets présents en sous-main), et ne semble pas attendre d’elle qu’elle prenne un peu de hauteur. Et ensuite, car elle n’a pas grand-chose de neuf à proposer, à part la surenchère.
Marine Le Pen ne considère ainsi l’espace que sous le prisme de la défense du pays : ce n’est que dans le cadre de la révision de la loi de programmation militaire qu’elle aborde l’orbite. Mais dans ce domaine, rien n’est trop beau pour la France : outre l’accent sur une augmentation des capacités de renseignement spatial, la candidate d’extrême-droite estime que la France devra disposer de l’ensemble des moyens d’action dans l’espace : satellites, lanceurs réutilisables, et même un avion spatial.
Soit plusieurs premières pour un pays européen, même si la force aérienne allemande planche effectivement sur un avion orbital, dans un avenir plus ou moins proche. Par ailleurs, la filière Ariane, liée à la dissuasion, devra être particulièrement soutenue, et son accès aux marchés commerciaux assuré.
Une élection qui se jouera au ras du sol
Mais on cherchera en vain dans les 19 livrets thématiques ou les 22 propositions de la candidate une ébauche de politique industrielle ou de recherche scientifique dans lesquelles pourrait apparaître un volet spatial, résume le quotidien français l’Express. Car le développement industriel et scientifique n’est globalement pas un cheval de bataille du Rassemblement national, anciennement le FN.
Mais il est vrai qu’une élection présidentielle ne se décide pas sur des sujets de haute altitude ; c’est sur l’économie, le coût de l’énergie, et l’âge du départ en retraite que sera mené ce scrutin. Des préoccupations aussi légitimes que terre-à-terre, mais pour lesquelles un grand nombre de Français ne semble se retrouver dans aucun des deux derniers candidats.