Lyft, le rival américain d’Uber, a annoncé jeudi suspendre son populaire service de courses avec chauffeur à partir de 23H59 en Californie, après la décision d’un tribunal ordonnant de requalifier les conducteurs en employés dans cet Etat du sud-ouest, le plus peuplé et le plus riche des Etats-Unis.
La cour californienne, en application d’une loi en vigueur depuis janvier, avait laissé dix jours, soit jusqu’à vendredi, aux deux leaders de la réservation de voitures avec chauffeur (VTC) pour se mettre en règle. Les deux plateformes ont fait appel, mais Lyft est passée à l’action sans attendre une éventuelle extension du délai.
Une annonce similaire de la part d’Uber est attendue dans la journée, sauf rebondissement judiciaire.
« Ce n’est pas quelque chose que nous voulions faire, parce que nous savons que des millions de Californiens dépendent de Lyft pour des déplacements quotidiens et essentiels », déclare l’entreprise dans un communiqué publié sur son blog.
‘Pas le choix’
Elle fait valoir qu’elle n’a pas le choix, parce qu’un changement de statut « nécessiterait une refonte complète du modèle économique – ce n’est pas un interrupteur qui peut être basculé en une nuit ».
La loi AB5, entrée en vigueur le 1er janvier, a été rédigée avec en ligne de mire les deux plateformes, afin de les forcer à accorder des avantages sociaux (assurances maladie et chômage, heures supplémentaires, etc) à leurs dizaines de milliers de chauffeurs californiens, considérés comme des travailleurs indépendants.
Uber et Lyft assurent de leur côté que l’écrasante majorité des conducteurs (« 4 sur 5 ») préfère le modèle de la « gig economy » (économie à la tâche), pour la flexibilité de l’emploi du temps. Si les chauffeurs deviennent des salariés, « les passagers auront un service réduit, surtout dans les banlieues et zones rurales », et les prix des courses augmenteront, argumente Lyft. « 80% des chauffeurs perdront du travail et les autres auront des vacations avec des horaires, et des revenus à l’heure plafonnés ».
Se mettre hors-jeu plutôt qu’obtempérer
Les deux sociétés basées à San Francisco ont dépensé des dizaines de millions de dollars pour organiser début novembre un référendum appelant les citoyens de l’Etat à soutenir leur « Proposition 22 », un compromis qui garantirait la flexibilité et certains avantages sociaux aux conducteurs indépendants.
« C’est honteux que des entreprises préfèrent arrêter les opérations au lieu de se conformer aux lois du travail », avait déclaré mercredi Jim Hoffa, le président du syndicat américain Teamsters.
Les élus et syndicats favorables à la loi AB5 estiment que Lyft et Uber avaient le temps de régulariser leur situation depuis le mois de janvier. « Nous sommes aux côtés des travailleurs dans la lutte contre (…) les tactiques d’intimidation de corporations cupides », a ajouté M. Hoffa.