LK-99 : où en est-on avec ce supraconducteur qui pourrait complètement changer le monde tel qu’on le connait ?

« Si ça fonctionne, on connait déjà les futurs prix Nobel », « si cette découverte peut être reproduite, les auteurs seront les prochains Einstein ou Bohr » : le monde scientifique n’a plus que deux lettres et deux chiffres à la bouche : LK-99, un nouveau matériau supraconducteur à température ambiante qui a encore tout à prouver.

De quoi parle-t-on ? Au moins deux chercheurs coréens (il y a déjà des disputes sur la paternité de la découverte) ont prétendu avoir créé un matériau supraconducteur fonctionnant à température ambiante qu’ils ont appelé LK-99. Leur étude a été diffusée en preprint, c’est-à-dire qu’elle n’a pas encore été publiée dans une revue scientifique et n’a donc pas été relue par des pairs, mais leur trouvaille reste très prometteuse et soulève un énorme enthousiasme dans la communauté scientifique mondiale. LK-99 est le fruit de 20 ans de recherche au Centre des Nanosciences Quantiques de Séoul.

Qu’est-ce qu’un supraconducteur ? La supraconductivité concerne des matériaux qui n’opposent aucune résistance électrique. Ce qui veut dire qu’il n’y a aucune perte d’énergie. Ces matériaux existent déjà, mais leur supraconductivité s’opère à des températures très basses, proches du zéro absolu (-273,15°C). Aujourd’hui, on en connait des dizaines, avec des températures de supraconductivité différentes. La révolution, ici, c’est que le LK-99 serait un matériau supraconducteur à des températures ambiantes, ce qui permettrait un déploiement facile et surtout rentable. Le LK-99 est basé sur une modification d’une structure de plomb et de l’apatite. Au sein du plomb, les chercheurs ont remplacé une petite part par des ions de cuivre. Cela crée des « puits quantiques supraconducteurs » dans le LK-99. Le but maintenant est de reproduire ce matériau tout en prouvant qu’il possède les propriétés d’un supraconducteur à température ambiante.

À quoi le reconnait-on ? Il faut observer un effet Meissner, un phénomène qui expulse tout champ magnétique d’un supraconducteur, ce qui entraine une sorte de lévitation du matériau par rapport à un aimant. Il y a toutefois un piège. Certains matériaux dits « diamagnétiques » peuvent léviter sans qu’ils soient supraconducteurs, comme l’eau, voire même une grenouille. La différence est qu’il faut un champ magnétique monstrueux pour faire léviter quelques gouttes d’eau. Le supraconducteur peut lui léviter avec un simple aimant.

Quelles sont les récentes avancées ? Elles sont de deux ordres. D’abord d’ordre théorique. Deux autres pré-publications ont pu montrer que les chercheurs coréens ne disaient pas n’importe quoi. Il ne s’agit en aucun cas d’une preuve que leur matériau répond bien aux propriétés annoncées, mais que c’est « possible ». L’une vient du Laboratoire national de science des matériaux de Shenyang et l’autre de Sinéad Griffin du laboratoire Lawrence-Berkeley. Les explications techniques sont assez complexes, mais une tentative de vulgarisation a été publiée sur le site science.org. D’autres chercheurs n’arrivent toutefois pas aux mêmes conclusions (en Inde et en Chine). Enfin, il y a aussi des avancées en termes de reproduction du matériau. Au moins trois reproductions sérieuses ont été faites sans convaincre totalement la communauté scientifique. Là encore, il ne s’agit pas encore de preuves tangibles et vérifiées, mais tout avance très vite, d’heure en heure.

Pourquoi faut-il être prudent ? En 2020, des chercheurs de l’université du Nevada ont annoncé et publié dans la revue Nature avoir découvert le premier matériau supraconducteur à température ambiante. Ils se sont finalement rétractés, ce qui a créé une certaine méfiance à l’égard de cette branche de la recherche. Beaucoup d’experts restent très sceptiques d’ailleurs face au LK-99.

En quoi serait-ce une véritable révolution ? On considère généralement que le transport d’électricité dans les lignes à haute tension engrange une perte d’énergie de l’ordre 10 à 20%. Avec un matériau qui n’oppose pas de résistance électrique et facilement reproductible, on pourrait faire des économies d’électricité considérables. Or, l’électricité est l’énergie de demain pour décarboner notre planète. D’autres applications dans les ordinateurs quantiques, les batteries, les trains à lévitation magnétique ou encore dans la fusion nucléaire sont possibles et constitueraient une véritable révolution.

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