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Livraison de F-16 à l’Ukraine : des poids lourds européens montrent leurs muscles, mais ils ne pourront rien faire sans le feu vert américain

Livraison de F-16 à l’Ukraine : des poids lourds européens montrent leurs muscles, mais ils ne pourront rien faire sans le feu vert américain
Les dirigeants britannique, français, américain et ukrainien (Rishi Sunak, Emmanuel Macron, Joe Biden et Volodymyr Zelensky) et des F-16 danois. (GONZALO FUENTES/POOL/AFP via Getty Images, Ukrainian Presidential Press Office via Getty Images, HENNING BAGGER/Ritzau Scanpix/AFP via Getty Images)

En début de semaine, le Royaume-Uni a annoncé vouloir mettre sur pied, avec l’aide des Pays-Bas, une « coalition internationale » visant à aider l’Ukraine à obtenir des avions de combat F-16. Quelques dizaines d’heures plus tard, on se rend compte qu’il ne s’agit pas d’une mince affaire… et que les principaux lanceurs de l’initiative n’ont pas nécessairement les cartes en main pour être maîtres de la situation.

Pourquoi est-ce important ?

En général, une guerre se joue en bonne partie dans les airs. Dans le conflit russo-ukrainien, la situation est un peu plus complexe : la petite armée de l'air ukrainienne a été rapidement surclassée par la russe, beaucoup plus importante. Elle reste donc largement clouée au sol. La défense des forces terrestres et des infrastructures repose entièrement sur les systèmes anti-aériens, beaucoup moins mobiles que les avions de combat.

Dans l’actu : vers une coalition internationale pour apporter des F-16 à l’Ukraine ?

  • Mardi, le Royaume-Uni a annoncé qu’il souhaitait mettre en place une coalition internationale visant à aider l’Ukraine à obtenir des avions de combat F-16.
  • Une initiative lancée suite à une réunion entre les Premiers ministres britannique et néerlandais, Rishi Sunak et Mark Rutte.
  • « Un bon début pour la coalition ! », s’est réjoui le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui fait pression en ce sens depuis des mois.

Les Pays-Bas plus prudents qu’annoncé

Les déclarations : ce qui a vraiment été annoncé par les deux pays concernés.

  • L’information a été annoncée par Downing Street, avec un certain enthousiasme. Sunak et Rutte « ont convenu qu’ils allaient travailler ensemble pour bâtir une coalition internationale pour fournir à l’Ukraine des capacités aériennes de combat […], en allant de la formation à la livraison d’avions F-16 », indiquait le communiqué britannique.
  • Mouillés directement par Londres, les Pays-Bas ont préféré se montrer plus prudents. Un porte-parole de Rutte a rapidement tenu à préciser qu’il n’y avait encore eu aucun « accord concret » entre les deux pays pour « l’achat ou la livraison » de F-16.

Les explications : que peuvent réellement faire Britanniques et Néerlandais ?

  • Si c’est le Royaume-Uni qui s’est montré le plus vigoureux dans cette initiative, le pays n’a pourtant aucun F-16 à envoyer à l’Ukraine. Il n’en a pas, tout simplement. Londres ne compte pas non plus puiser dans ses propres Eurofighter Typhoon pour aider l’Ukraine, a fait savoir son ministre de la Défense, Ben Wallace. Ils ne seraient pas appropriés.
  • Du côté néerlandais, en revanche, les possibilités sont là. Une bonne vingtaine de F-16 ont été récemment remplacés par des F-35 : ils restent en assez bon état que pour être utiles à l’Ukraine. Encore faut-il que le gouvernement soit prêt à franchir le pas.
    • « Nous ne pourrons nous prononcer que lorsque tout le chemin aura été parcouru. Je pense également qu’il n’est pas judicieux, compte tenu de toutes les sensibilités et de tous les alliés, de faire une déclaration plus tôt », a déclaré Wopke Hoekstra, le ministre des Affaires étrangères.

La Belgique et la France prêtes à former, l’Allemagne dit non

Et maintenant : qui d’autre pour intégrer la coalition ?

  • La Belgique fait partie des pays à avoir rapidement réagi à l’annonce. Envoyer ses propres F-16 en Ukraine, ce sera très difficile. La cinquantaine d’avions qu’elle possède sont actuellement tous déployés dans le cadre de l’OTAN. Ils seront bientôt progressivement remplacés par des F-35 (plus tard que les Pays-Bas, donc), mais ils seront alors en fin de vie.
    • Les F-16 belges pourront, au mieux, servir comme pièces détachées et à la formation des pilotes ukrainiens. Et pour le coup, le gouvernement fédéral est partant. Tout porte donc à croire que la Belgique intégrera la coalition internationale en question.
  • De son côté, la France avait en quelque sorte anticipé la sortie britannique. Lundi, Emmanuel Macron avait fait savoir que son pays avait « ouvert la porte pour former des pilotes » de chasse ukrainiens « dès maintenant ».
    • De là à ce que la France annonce qu’elle livrera des avions de combat (Mirage ou Rafale) à l’Ukraine, il y a un pas que le président n’a pas franchi. Il s’agit toujours pour l’instant d’un « débat théorique », selon ses termes.
    • On notera tout de même que l’argument du manque de formation des pilotes ukrainiens avait jusqu’ici été utilisé pour justifier l’absence d’envoi d’avion vers Kiev. Cet obstacle devrait donc tomber dans les mois – voire quelques années, selon le temps que cela prendra – à venir.
  • Pour l’autre poids lourd européen, l’Allemagne, les choses sont bien différentes : Berlin n’entrera pas dans la coalition. « Il n’y a aucune demande à notre égard », a précisé le chancelier Olaf Scholz.
    • « Nous ne pouvons pas jouer un rôle actif dans une telle alliance, dans une telle coalition, car nous n’avons ni les capacités de formation, ni les compétences, ni les avions », a expliqué le ministre de la Défense, Boris Pistorius.
  • Notons enfin que le Danemark n’a pas encore officiellement réagi à l’annonce de la création de cette coalition internationale. Sa réaction est attendue car, ces derniers mois, son gouvernement avait ouvert la porte à la livraison de certains de ses F-16 à l’Ukraine.

Le vrai maître du jeu : Washington.

  • Du propre aveu du Royaume-Uni, ce sont surtout les Etats-Unis qui ont les cartes en main, en réalité.
    • « C’est à la Maison Blanche de décider si elle veut libérer cette technologie », a ainsi déclaré Wallace.
  • Le F-16 étant un avion développé par la firme américaine Lockheed Martin (anciennement General Dynamics), c’est Washington qui peut autoriser – ou non – la livraison à l’Ukraine d’engins appartenant à d’autres pays.
  • En outre, ce sont les États-Unis qui disposent de la flotte la mieux garnie, avec environ 1.300 F-16 en stock.
  • La question est d’autant plus sensible que la livraison d’avions de chasse pourrait être perçue par la Russie comme une escalade supplémentaire dans le soutien apporté par les alliés occidentaux à l’Ukraine. Après tout, c’est l’ennemi qui décide si une ligne rouge est franchie… et si un pays devient cobelligérant.
  • Pour toutes ces raisons, le Royaume-Uni, la France et les autres laissent reposer toute la pression sur les États-Unis. Cela leur permet de ne pas trop se mouiller eux-mêmes pour l’instant.
    • Les tractations sont en cours… et comme l’a confié le ministre néerlandais des Affaires étrangères, « tout est mis sur écoute, y compris par la Russie ».
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