A l’approche de la COP26, l’Europe montre les dents. Après avoir lancé un appel à la Chine pour des actions menant à la neutralité carbone plus précises, elle harponne la Russie. Dans le même temps, enlisée dans une grave crise énergétique, elle quémande son charbon. Et rien ne dit qu’elle en obtiendra en suffisance.
Mardi, Frans Timmermans, vice-président exécutif de la Commission européenne pour le Green Deal européen, a mis la pression sur la Chine en vue de la COP26. Plus que des mots, il veut que Pékin présente des actes susceptibles de mener le pays vers son objectif de neutralité carbone, fixé à 2060. Il a également déclaré espérer faire changer les plans de la Chine, qui a annoncé qu’elle atteindrait son pic d’émissions d’ici 2030. Il veut que cela se fasse « bien plus tôt ».
« Nous devons nous pencher sur les émissions. L’Europe est responsable d’environ 8% des émissions mondiales – nous prenons un engagement très, très sérieux et nous allons très loin. Les États-Unis sont revenus dans le jeu, ils sont responsables, je pense, d’environ 16% des émissions, mais nous devons parler à la Chine, qui est responsable d’environ 28% des émissions mondiales », a déclaré M. Timmermans auprès de la CNBC.
La Russie doit « saisir l’occasion » de la COP26 pour préciser ses plans
Ce jeudi, c’est au tour de la Russie d’être mise sous pression par l’Europe. Par les ambassadeurs de l’Union européenne, de l’Italie et du Royaume-Uni, plus précisément. Ils viennent de signer une tribune dans le Kommersant, un grand quotidien économique russe.
« Nous invitons la Russie à prendre des engagements encore plus ambitieux pour parvenir à des émissions nettes de carbone nulles d’ici 2050, en nous rejoignant ainsi que de nombreux autres pays qui ont déjà déclaré des objectifs similaires », écrivent-ils.
Les représentants européen, italien et britannique invitent la Russie à « saisir l’occasion » que constitue la COP26 pour développer les énergies renouvelables et les technologies vertes et de protéger les forêts qui consomment du carbone, afin de stimuler son économie et de créer des emplois dans des secteurs à faible émission de carbone.
« Si nous ne parvenons pas à maîtriser le changement climatique, nous risquons d’aggraver des phénomènes tels que les incendies de forêt et les inondations dévastatrices que la Russie a connus cet été », ajoutent-ils pour tenter de sensibiliser encore un peu plus le pays.
L’Europe a besoin du charbon russe
En parallèle, l’Europe est actuellement en proie à une grave crise énergétique. Les prix du gaz atteignent des sommets et le renouvelable n’a pas les reins assez solides pour y parer: elle doit se retourner vers le charbon, bien plus polluant. Et vers… le charbon russe, en particulier, rapporte Bloomberg, se basant sur les dires de deux sociétés charbonnières locales.
Une information corroborée par une source européenne anonyme. « Les compagnies d’électricité européennes ont désespérément besoin de mettre la main sur davantage de charbon, a déclaré un stratège d’une compagnie européenne », confirme-t-elle.
Mais la demande européenne risque de ne pas être satisfaite. La Russie, troisième exportateur mondial de charbon, vise principalement les ventes aux plus gros acheteurs d’Asie.
« La Russie a réduit ses exportations de charbon vers l’Europe pendant des années, alors que l’Union européenne fermait des centrales thermiques au charbon », a souligné Kirill Chuyko, responsable de la recherche chez BCS Global Markets. Il sera difficile de réacheminer le charbon vers l’Europe « car il existe des contrats avec des clients asiatiques. De plus, la capacité de transport est de toute façon limitée. »
Sans oublier les (strictes) normes environnementales de l’Europe en matière de combustion du charbon, qui compliquent également les choses. Bref, les entreprises charbonnières russes ont beaucoup moins d’intérêt à approvisionner l’Europe que l’Asie.
« Si tous les services publics européens passent au charbon, il en résultera un énorme pic de la demande de charbon que la Russie seule ne pourra pas satisfaire dans un délai aussi court », a confirmé Natasha Tyrina, analyste principale de recherche chez Wood Mackenzie Ltd. à Houston. « Cela nécessiterait l’approvisionnement d’autres pays également, des États-Unis par exemple, mais la situation là-bas est similaire à partout ailleurs. »
D’après les estimations, malgré une demande nettement en hausse, l’Europe recevra cette année grosso modo la même quantité de charbon russe qu’en 2020. C’est-à-dire environ 48 millions de tonnes, a déclaré une porte-parole du ministère ruse de l’Énergie.
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