Seuls 11% de la population mondiale a voyagé en avion en 2018, et seulement 4% pour se rendre à l’étranger, selon une étude européenne. Ces chiffres montrent un gros problème d’égalité, mais aussi de responsabilités face aux changements climatiques. Les ‘super-émetteurs’, ceux qui voyagent le plus en avion, ne représentent qu’un pour cent de la population mondiale et pourtant ils sont responsables de la moitié des émissions de CO2 de l’aviation.
En Europe, les vols low cost laissent penser que l’aviation n’est maintenant plus un luxe et que tout le monde peut désormais prendre l’avion pour se rendre à sa destination. Et pourtant, cela reste encore un privilège au niveau mondial. Selon une étude publiée dans la revue Global Environmental Change, seuls 11% de la population mondiale a eu accès à un voyage en avion en 2018. ‘Les avantages de l’aviation sont plus inéquitablement partagés à travers le monde que probablement toute autre source d’émission majeure’, explique Daniel Rutherford, membre du conseil international pour des transports propres.
Les pays riches sont évidemment ceux qui recensent le plus de voyages par avion. Les voyageurs américains ont parcouru 50 fois plus de kilomètres en avion que les Africains et 10 fois plus que les Asiatiques. Les Européens voyagent un peu moins, mais la distance totale parcourue est 25 fois plus grande que celle des populations d’Afrique.
Et ce ne sont pas seulement les habitants des pays les plus pauvres qui sont exclus de ce mode de transport. En Occident, une large partie des citoyens ne voyagent pas en avion chaque année. 53% des Américains, 65% des Allemands ou encore 48% des Britanniques.
Les ‘super émetteurs’
L’étude se concentre surtout sur l’impact climatique de l’aviation. Le secteur est responsable chaque année des émissions de près d’un milliard de tonnes de CO2, alors qu’il continue de recevoir des milliards de dollars de subventions et ne paie absolument aucune taxe pour leurs dégâts sur l’environnement, s’exclament les chercheurs. Le pire est qu’un pour cent de la population mondiale a provoqué, par leur voyage, la moitié des émissions de l’aviation. Les chercheurs les appellent les ‘super émetteurs’. Ces voyageurs parcourent environ 56.000 kilomètres par an en avion, selon l’étude.
L’un des deux auteurs de l’étude, Stefan Gössling, a déclaré : ‘Si vous voulez résoudre le changement climatique et que nous devons repenser [l’aviation], alors nous devrions commencer par le haut, où quelques ‘super émetteurs’ contribuent massivement au réchauffement climatique’. Toutefois, il ne considère pas qu’il faudrait taxer ces voyageurs fréquents, comme le proposait Rutherford, car pour Gössling, ces personnes sont souvent très riches et des billets plus chers ne les dissuaderaient pas de voyager.
‘Les riches ont eu beaucoup trop de liberté pour concevoir la planète selon leurs souhaits. Nous devons voir la crise comme une opportunité de réduire le système de transport aérien’, propose le chercheur suédois. Il propose notamment d’augmenter progressivement la part de carburant synthétique jusqu’à atteindre 100% en 2050. Il note également qu’il est certainement possible de voler moins souvent, affirmant que la moitié des vols de loisirs n’étaient pas ‘important’ pour les voyageurs. Ils prennent simplement l’avion parce que c’est moins cher.
Des idées qui ne plaisent pas énormément à l’IATA, l’association du transport aérien international, qui espère voir le secteur atteindre à nouveau les niveaux d’avant la crise en 2024. Son porte-parole explique d’ailleurs au journal The Guardian que les compagnies se sont engagées dans la neutralité carbone cette année, au plus fort de la crise. Mais Gössling n’y croit pas : ‘Je pense qu’elles n’ont aucun intérêt pour le changement climatique’.