‘Les trois facteurs qui menacent la domination américaine dans le monde’

Aux Etats-Unis, les chiffres de l’emploi décevants de la semaine dernière (126.000 nouveaux emplois alors qu’on en attendait 245.000) ont relancé le débat sur ​​la robustesse de l’économie américaine. Certains analystes voient dans ces chiffres un ralentissement temporaire de la croissance qui s’explique principalement par l’hiver rigoureux que les États du Nord ont connu; d’autres pensent que les chiffres marquent le début d’un véritable ralentissement, parce que les fondamentaux ne sont toujours pas sains.

Malgré la baisse du chômage, la croissance économique américaine au premier trimestre s’est établie autour de 1%. Ceci est principalement dû à un dollar fort, dont la valeur a augmenté  de 25% au cours des 9 derniers mois, et dans l’industrie, les effets positifs des faibles cours du  pétrole ont été complètement rognés. Ce dollar fort n’a pas seulement une incidence sur les exportations, mais il grignote aussi les marges dans d’autres industries.

Les optimistes pensent que l’économie devrait être meilleure au deuxième trimestre 2015, parce que la situation des consommateurs s’améliore de plus en plus.

La bourse américaine stagne à nouveau depuis le début de cette année. Même si elle a atteint des niveaux record, on a rarement observé un écart aussi spectaculaire avec les bourses européennes. Au cours du premier trimestre, les actions américaines ont enregistré des performances inférieures de 20% à celles des actions européennes.

La parité de l’eurodollar quant à elle s’est fixée à près de 1,08 dollar contre un euro, contre 1,05 dollar à la mi-mars.

Selon Larry Summers, l’ancien ministre des Finances des Etats-Unis (1999 – 2001) sous Bill Clinton, il est temps que l’Amérique comprenne que le monde économique a changé. Dans une lettre ouverte – intitulée « Time US leadership woke up to new economic era » (‘Il est temps que les dirigeants américains s’éveillent à la nouvelle ère économique’), il observe que les Etats-Unis se sont montrés incapables de convaincre leurs alliés traditionnels, y compris le Royaume-Uni, ne pas s’associer à la création de l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB), une banque de développement créée par la Chine, vouée à devenir une rivale de la Banque mondiale. Depuis les Accords de Bretton Woods, il n’y avait jamais eu un tel évènement pour témoigner du déclin de l’influence des Etats-Unis dans le monde, note-t-il. Or, avec la Chine qui s’impose de plus en plus comme une concurrente des Etats-Unis en matière d’influence, et l’arrivée des pays émergents qui représentent maintenant la moitié de la production mondiale, l’architecture économique nécessiterait  un ajustement important.

Mais selon Summers, trois autres facteurs menacent la domination américaine dans le monde:

– L’éternelle fracture entre républicains et démocrates, qui bloque toute nouvelle avancée en matière de législation commerciale et de financement d’organisations internationales, qui empêche les Etats-Unis d’être en position de jouer un rôle décisif dans la construction du système économique international.

– Les intérêts de la classe moyenne, qui reste le moteur de l’économie, ont été négligés. « Il semble parfois que l’ordre du jour -international combine les inquiétudes de nos élites concernant des sujets tels que la propriété intellectuelle, la protection des investissements et l’harmonisation des réglementations avec les préoccupations morales concernant la pauvreté mondiale et la postérité, tout en offrant très peu pour ceux qui se situent au milieu. »

– Nous pourrions désormais vivre dans un monde où le capital est abondant, et les pressions déflationnistes, importantes. Summers pense que les taux d’intérêt resteront proches de 0% jusqu’en 2020, avec une demande qui pourrait rester anémique pendant un certain temps. Les États-Unis doivent donc  se tourner vers des politiques destinées à favoriser les investissements, et non pas l’austérité, conclut-il. Dans le système actuel, la pression s’exerce sur les pays emprunteurs, mais la nouvelle situation exige que les pays qui enregistrent des excédents fassent leur devoir.

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