Les NFT du Club de Bruges vaudront-ils plus qu’un « pet en pot » ?

De la pure arnaque, du charlatanisme. Data News prononce un jugement plutôt abrupt contre le projet blockchain des « Bleus et Noirs » et leurs futurs actifs numériques à collectionner. Ça ne vaut même pas un pet, assure le média spécialisé. Contre-analyse.

Un avis qui ne manque pas d’air. Un journaliste qui en fait des caisses. Les adeptes des cryptos pourraient ainsi s’émouvoir du long édito signé par Pieterjan Van Leemputten sur Data News. Notre confrère juge durement le projet blockchain dévoilé il y a quelques jours par le club de football flamand. Il tire à boulets rouges sur la place de marché numérique où devraient être proposés sous forme de NFT à la fin de la saison des photos, vidéos et autres moments forts de la vie sportive.

L’attaquant médiatique classe cette affaire parmi « les moyens éhontés de se faire de l’argent sur le dos de supporters naïfs ». Visiblement inspiré par le coup de com fumeux d’une égérie de la télé réalité (qui a vendu ses émissions de gaz intestinaux dans des bocaux), le commentateur estime, avec tout le sérieux qu’exige l’exercice, que les NFT du Club de Bruges auront moins de valeur que cette « expérience unique » unique et tangible offerte par la starlette…

Nouvelle dimension de la propriété

Avant de nous lancer dans une brève contre-analyse de cette pétulante opinion de Data News, un petit rappel technique : pour décrire simplement un NFT (token non fongible), il s’agit d’un identifiant unique basé sur la blockchain (généralement Ethereum), qui enregistre les données du propriétaire d’un actif numérique ou physique. Autrement dit, cela fonctionne comme un acte chez le notaire mais digitalisé.

Alors certes, ça peut surprendre et même paraître illogique de payer pour le NFT d’une vidéo de foot. Surtout pour la vidéo d’un but marqué par un joueur des Blauw en Zwart, clip qui a déjà pu être regardé, enregistré et partagé gratuitement partout ailleurs. Sans rentrer dans la psychologie des collectionneurs ou des supporters, le NFT réponde à notre nouveau rapport à la propriété, la possession, à une époque où on peut tout streamer. L’application technologique cherche à créer un lien digital authentique, en simplifiant le concept de preuve de propriété.

« Les marques avisées reconnaissent que les NFT les plus réussis et les plus pertinents à long terme seront ceux qui ont une valeur et une utilité permanentes. Par exemple, les NFT peuvent mieux relier les supporters à leurs équipes préférées en proposant un vote sur les décisions, un accès à des offres exclusives et la possibilité de gagner des récompenses », analyse le géant des paiements Visa dans son rapport « Engaging Today’s Fans in Crypto and Commerce« .

Rencontre de la culture, de la blockchain et les cryptomonnaies, le NFT est ainsi devenu un véritable phénomène en 2021, à tel point que même le dictionnaire anglophone Collins a déclaré l’abréviation « mot de l’année ». Les marchés ont suivi et des milliards de dollars ont afflué.

Les maisons d’enchères n’ont pas attendu les NFT (même si elles profitent du crypto momentum) pour vendre à prix fort des actifs sans valeur intrinsèque. Il s’est trouvé des acheteurs qui accordaient une certaine valeur en fonction de la demande, de la rareté et de leur lien personnel avec l’oeuvre.

Les NFT auraient généré plus de 12 milliards de dollars de ventes, rien que sur la seule blockchain Ethereum, estiment les analystes de Kraken Intelligence. Des collections de NFT notables ont amené les utilisateurs à explorer des plateformes alternatives, à l’instar de la blockchain Solana pour le Monkey Business. En dépit de cette croissance exponentielle, la connaissance générale demeure limitée.

Nouveaux services, nouveaux revenus

Pourtant, l’un des segments les plus animés du marché des NFT est celui des éléments à collectionner liés au sport. Ayant ouvert la voie à plusieurs autres projets de premier plan, les NBA Top Shot, écosystème d’interaction avec les fans proposant notamment des replays d’actions spectaculaires, ressemblent sensiblement aux « Moments » que souhaite développer le Club de Bruges.

Les NFT ne constituent pas qu’une fraude marketing pour transformer des fans en vaches à lait. La technologie fait ainsi son chemin dans industries souvent contrôlées par des intermédiaires ayant une part plus importante des bénéfices et un contrôle sur la la diffusion du contenu. Les NFT peuvent être programmés pour reverser une commission au créateur d’origine pour chaque vente secondaire. Les footballeurs, leurs clubs, les acteurs des contenus ont un nouveau moyen de mobiliser l’engagement et le soutien de leur communauté en dépendant moins d’un tiers.

Selon le géant du conseil stratégique Deloitte, 5 millions de fans de sport dans le monde auront acheté ou reçu un NFT d’ici la fin de l’année. « En 2022, l’application la plus courante et la plus lucrative des NFT dans l’industrie du sport sera probablement la vente de clips vidéo en édition limitée de moments sportifs ou de cartes de joueurs », notaient les analystes de Deloitte.

Maladies de jeunesse

Les plateformes et les créateurs de droits continueront à tester différents modèles pour trouver l’équilibre entre la demande des consommateurs et les droits de propriété intellectuelle. Jusqu’à présent, le manque de cadre légal n’a pas refroidi les ardeurs des collectionneurs de NFT sportifs. Malgré des piratages, des contrefaçons.

Le manque de maturité des NFT en fait un domaine à améliorer sur le long terme. Ne serait-ce que développer des solutions pour conserver ces « tokens irremplaçables » en sécurité, en réduisant le risque de vol, de reproduction « illégale » ou d’obsolescence des plateformes.

« L’innovation digitale, c’est oser faire le grand saut avec une nouvelle technologie. Nous sommes convaincus que la blockchain et les NFT finiront par faire partie de la vie quotidienne. En tant que club, nous voulons ainsi apprendre rapidement ce nouveau monde. Plus vite nous le maîtriserons, plus vite nous pourrons améliorer les possibilités offertes à nos fans et partenaires, en ligne et dans notre stade, à tous les niveaux », avait expliqué Bob Madou, Chief Business Officer du Club de Bruges. Il conviendrait sûrement d’accorder le bénéfice du doute. Et de juger sur pièce… digitale.

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