« Les erreurs factuelles donnent de mauvaises lois »: le Parlement européen s’attaque à nouveau aux cryptos

On prend les mêmes et on recommence. Après avoir évité de peu l’exclusion du bitcoin dans l’Union européenne, les parlementaires remettent le couvert. Une proposition de réglementation « orwellienne » sera soumise au vote ce jeudi.

Il y a deux semaines, le Parlement européen avait déjà dangereusement flirté avec l’interdiction du bitcoin dans l’Union. Non contents d’éviter, par chance, un séisme d’intensité Minitel sur l’échelle de l’innovation, les législateurs européens réitèreront ce jeudi un « vote critique ».

« Les erreurs factuelles donnent de mauvaises lois. Nous le voyons dans des juridictions de partout dans le monde, spécifiquement lorsqu’il est question d’actifs digitaux. Malheureusement, nous sommes sur le point de l’observer à nouveau au niveau de l’Union européenne », a regretté Paul Grewal, Chief Legal Officer de Coinbase, dans un billet de blog signé pour l’occasion.

Une révision discutable de la réglementation européenne en matière de transfert de fonds est effectivement au menu. Si la proposition de travail est adoptée en l’état, l’industrie crypto s’accorde à dire que l’Europe déclencherait une « régime de surveillance », étoufferait l’innovation et saperait les portefeuilles non hébergés. C’est-à-dire les wallets dont les clés privées sont conservées par les utilisateurs pour des transactions pair-à-pair.

Cure de désintoxication

Bien placé pour mesurer l’importance des mesures anti-blanchiment, le responsable juridique de Coinbase rappelle que le moyen de loin le plus populaire pour dissimuler une activité financière illicite reste… l’argent liquide.

« Contrairement à l’argent liquide, les forces de l’ordre peuvent suivre et retracer les transferts d’actifs numériques grâce à des outils d’analyse avancés. Rien de tout cela ne nécessite de bouleverser les attentes établies en matière de confidentialité des détenteurs de portefeuille, car l’architecture ouverte sous-jacente aux actifs numériques est publique et offre une transparence sans précédent dans les détails des transactions », insiste Paul Grewal.

Sans oublier que, blockchain oblige, les enregistrements sont aussi réputés permanents. Le Chief Legal Officer force le trait mais espère ainsi que l’euro tombe dans l’esprit des législateurs : « ni les entreprises crypto, ni les gouvernements, ni même les acteurs malveillants, personne ne peut détruire ou modifier les informations ».

Formulé autrement, actifs numériques et nature immuable de la technologie améliorent la capacité de détecter et de dissuader les activités illicites.

Mais plutôt que d’exploiter les avantages qui découlent de ces outils numériques, l’UE préfèrerait porter atteinte à la vie privée des utilisateurs.

Traitement de défaveur

Car en imposant de renseigner toute transaction, comme suggèrent certaines dispositions, la crypto se retrouverait traitée différemment des monnaies fiduciaires (traveling rule). Ce qui établit un net avantage pour les fournisseurs de services financiers traditionnels par rapport aux nouvelles technologies et aux nouveaux acteurs, avec des implications anti-concurrence et anti-innovation considérables, s’inquiète-t-on chez Coinbase.

Parmi les pires des dispositions proposées, le géant américain des échanges crypto pointent une disposition exigeant que les plateformes collectent non seulement des données personnelles sur les utilisateurs de portefeuille qui ne sont pas leurs clients, mais vérifient également l’exactitude des données avant d’autoriser un transfert vers l’un de leurs clients.

« Ce qui va à l’encontre des principes fondamentaux de l’UE en matière de protection des données, à savoir la minimisation des données et la proportionnalité », souligne le CLO.

Plusieurs acteurs de l’industrie du bitcoin ont partagé leurs craintes sur ces dispositions « dangereuses », osant sans détour la comparaison avec un régime de surveillance orwellien. Il est effectivement proposé que les plateformes informent les autorités compétentes de chaque transfert depuis un wallet non hébergé d’un non-client égal ou supérieur à 1.000 euros, indépendamment de tout soupçon de mauvaise activité. Une proposition laisse même la porte ouverte à une interdiction totale des transferts vers lesdits portefeuilles numériques.

« Même s’il n’y a aucune preuve qu’une telle interdiction aurait un impact sur les activités illicites », ponctue le Chief Legal Officer de Coinbase.

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