Les effets pervers de l’aide au développement

Le professeur britannique Angus Deaton, qui a récemment reçu le prix Nobel d’économie, avait expliqué en 2013 pourquoi l’aide au développement n’était pas ce qui manquait le plus aux pays du Tiers monde, dans un article publié par Project Syndicate:

“Dans la plupart des pays d’Afrique et d’Asie, les Etats n’ont pas la capacité de lever des impôts ou de fournir des services. Le contrat entre le gouvernement et ses assujettis – imparfait dans les pays riches – est souvent totalement absent dans les pays pauvres. (…) Dans une grande partie du monde, la police abuse des gens qu’elle est censée protéger, les malmenant pour en obtenir de l’argent, ou les persécutant pour le compte de donneurs d’ordres puissants.

Même dans un pays à revenu intermédaire, comme l’Inde, les écoles et les cliniques publiques sont confrontées à un absentéisme de masse (non sanctionné). Les médecins privés donnent aux gens ce qu’ils veulent – des injections, des intraveineuses et des antibiotiques – mais l’Etat n’exerce aucun contrôle sur eux, et beaucoup d’entre eux ne sont pas du tout qualifiés.

Partout dans le monde en développement, des enfants meurent parce qu’ils sont nés au mauvais endroit, non de maladies exotiques et incurables, mais de maladies infantiles que nous savons soigner depuis plus d’un siècle. (…)

L’absence de capacité étatique, c’est à dire, des services et protections que les gens des pays riches prennent pour acquis, est l’une des plus importante cause de pauvreté et de privation du monde. Sans des Etats efficaces collaborant avec des citoyens actifs et impliqués, il y a peu de chance que la croissance puisse abolir la pauvreté dans le monde.

Malheureusement, actuellement, les pays riches du monde aggravent la situation. L’aide extérieure – les transferts d’argent en provenance des pays riches vers les pays pauvres – comporte de nombreux aspects positifs, en particulier dans le domaine des soins de santé, ce qui signifie qu’il est devenu possible de sauver de nombreuses vies. Mais l’aide étrangère sape aussi le développement des capacités étatiques du pays bénéficiaire.

Ce phénomène est le plus visible dans les pays où le gouvernement perçoit l’aide directement, en particulier en Afrique, et où ces mouvements d’aide sont importants par rapport aux dépenses fiscales (souvent plus de la moitié du total). Ces gouvernements n’ont plus besoin de passer un contrat avec leurs citoyens, ils n’ont plus besoin de parlement, ni de système pour collecter les impôts. (…)

L’aide sape ce dont les pauvres gens ont le plus besoin: un gouvernement efficace qui travaille avec eux pour le présent, et pour l’avenir.

Réduire l’aide extérieure est une première étape, tout comme la réduction de la vente d’armes, l’amélioration les relations commerciales et des politiques de subventions avec les pays riches, la fourniture d’une assistance technique qui ne soit pas liée au développement, et le développement de meilleurs traitements contre les maladies qui n’affectent pas les gens riches.

Nous ne pourrons pas aider les pauvres en affaiblissant encore davantage leurs gouvernements déjà faibles ».

 

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