Le secret honteux de la classe moyenne américaine

Disposez-vous d’une réserve de 400 $ (350 euros) que vous pourriez utiliser immédiatement en cas d’urgence ? Même si une telle somme ne semble pas insurmontable, des chiffres récents de la Réserve fédérale américaine (FED) montrent que plus de 47% des Américains devraient emprunter ou vendre quelque chose pour disposer de cette somme. Cette incertitude financière est évoquée par le journaliste, historien et critique de cinéma Neal Gabler dans un article du magazine The Atlantic intitulé « The secret shame of middle class Americans” (la honte secrète de la classe moyenne américaine). Il sait de quoi il parle : Gabler fait lui-même partie de ces 47%. Bien qu’il semble être un écrivain à succès qui possède une maison dans les Hamptons, ses finances sont dans un état déplorable, en raison d’une série de mauvais choix faits sur plusieurs années. Comme beaucoup d’Américains, Gabler a constamment souhaité que des jours meilleurs arrivent : “Je n’ai jamais imaginé que je ne gagnerais pas assez.” Des millions d’Américains sont tombés dans le même piège. Le “rêve américain” voudrait vous faire croire que ceux qui travaillent dur grimperont toujours plus haut. Ajoutez à cela un diplôme d’université et vous avez tout ce qu’il vous faut. Mais pour une grande partie du pays, cette automaticité ne fonctionne plus. Non pas parce que les Américains n’épargnent plus suffisamment, ou qu’ils dépensent trop (les deux sont souvent le cas), mais tout simplement parce que de moins en moins d’opportunités se présentent. Presque toute la richesse qui a été créée au cours des dernières années n’a bénéficié qu’à 10% des salariés. Une famille de la classe moyenne gagne aujourd’hui 7% de moins qu’il y a 15 ans, en tenant compte de l’inflation. Pas étonnant que la reprise économique semble être un mensonge pour de nombreux Américains. Le taux de chômage n’est que d’environ 5%, et il n’y a jamais aussi peu de chômeurs depuis 1973. Mais ces chiffres cachent “une histoire dévastatrice” de perte de salaire et la situation précaire dans laquelle des millions de personnes, qui travaillent moins qu’elles ne le souhaiteraient, sont tombées. En 2008 67,3% des Américains travaillaient, mais ce chiffre est tombé aujourd’hui à 62,6%. En d’autres mots, des millions de personnes ont renoncé à chercher un emploi, même si elles seraient trop heureuses d’en trouver un. En outre, ce n’est plus le nombre d’emplois qui compte, mais la qualité de ces emplois. Le nombre de personnes qui sont entrées dans la “1099 Economy”, c’est à dire les freelances et autres personnes à leur compte, a augmenté depuis 2005 pour passer de 10% à 16% aujourd’hui. Ces gens tombent dans la catégorie des “personnes au travail”, même si la nature de ce travail est extrêmement précaire et imprévisible. De tous les nouveaux emplois qui ont été créés entre 2008 et 2012, 44% entrent dans la catégorie des emplois peu rémunérés du secteur des services. Parmi les millions de personnes qui peuvent se revendiquer de ce que l’on appelle “la réussite à l’américaine” très peu se sentent aussi prospères. Elles ne parviennent à conserver leur place sur l’échelle de carrière qu’au prix d’un dur labeur. Et il suffirait de très peu pour les en faire tomber.

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