Le Premier ministre albanais Edi Rama s’est déclaré en faveur d’un référendum pour lier le sort des deux pays sous un même drapeau. Une pique envers Belgrade, pour qui le Kosovo est une région séparatiste. Et un pavé de plus dans une mare balkanique dont les vagues font encore et toujours peur au reste de l’Europe.
Et si le grand chamboulement des frontières provoqué par l’éclatement de la Yougoslavie, puis les différents conflits entre les pays qui lui ont succédé, n’avait rien de définitif ? C’est ce que le Premier ministre albanais Edi Rama a fait bien plus que sous-entendre à Elbasan, en Albanie centrale, alors qu’il assistait à un meeting conjoint avec une délégation venue du Kosovo voisin pour discuter de la collaboration entre les deux nations balkaniques. Interrogé par les médias, M. Rama a confirmé que, personnellement, il voterait en faveur d’une fusion du Kosovo dans l’Albanie, si un jour devait se tenir un référendum sur la question, et qu’il espérait d’ailleurs qu’un tel scrutin arrive un jour.
80% des Albanais pour un rattachement
Aucun vote de ce genre n’est actuellement prévu, mais selon un sondage mené par Euronews Albania, 80% des Albanais seraient favorables à une réunion avec le pays voisin. Quant au Premier ministre du Kosovo, Albin Kurti, il a simplement répondu que l’organisation d’un référendum était un long processus qui dépassait les compétences de son seul gouvernement.
Le Kosovo dont la Serbie voisine ne reconnait toujours pas l’indépendance, proclamée en 2008, et qu’elle considère comme une province autonome. Du point de vue de Belgrade, les déclarations du Premier ministre albanais constituent une dangereuse tentative de modifier un équilibre toujours périlleux dans la région. « C’est une nouvelle pierre qui sape la stabilité et la sécurité de la région » prévient la Première ministre serbe Ana Brnabic.
Depuis octobre dernier, des tensions qu’on espérait éteintes se réveillent un peu partout dans les Balkans, et en particulier entre la Serbie et le Kosovo. Ce dernier a voulu imposer des plaques minéralogiques spéciales aux véhicules immatriculés à l’étranger, ce qui visait directement la minorité serbe du pays, majoritaire dans les régions frontalières et qui dépend de Belgrade pour tous les services publics, dont les immatriculations. En quelques jours la zone s’est embrasée, avec l’apparition de barricades et l’attaque de postes-frontière à la grenade.
Des efforts vers la libre-circulation
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, les pays des Balkans semblaient avoir pris le chemin de la collaboration : Albanie, Serbie et Macédoine du Nord travaillaient conjointement à l’élaboration de leur propre mini-espace Schengen, le traité Open Balkan qui assure la libre-circulation des biens et des personnes entre les trois pays. C’est en fait sur un traité similaire que se sont mis d’accord l’Albanie et le Kosovo, avant que cette idée de référendum ne tombe sur la table comme une belle pomme de discorde.
Au cours de la réunion, les dirigeants albanais et kosovar ont convenu de supprimer de facto les frontières entre les deux pays, même s’il devait s’agir de libre-échange plutôt que d’un prélude à une hypothétique réunion. Des accords ont été signés pour assouplir les contrôles des marchandises, supprimer les contrôles aux frontières pour les véhicules et mettre en place des permis de séjour et de travail de cinq ans pour les citoyens souhaitant s’installer dans le pays d’en face.
Les diplômes universitaires seront reconnus tant au Kosovo qu’en Albanie, de même que les cotisations de sécurité sociale. Les personnes bénéficiant d’un congé de maternité, d’un congé de maladie de longue durée et d’une pension d’invalidité en bénéficieront. Un accord somme toute assez complémentaire avec le traité Open Balkan, et qui pousse même plus loin encore la collaboration. Mais dans la région, il reste presque impossible de réunir tous les acteurs autour d’une même table, tant certains ne parvenant même pas à se tenir dans la même pièce.