Le 31 décembre dernier, la Commission européenne a présenté sa taxonomie qui liste les énergies pouvant bénéficier de subside, car considérées comme « vertes ». Y figurent, entre autres, le nucléaire et le gaz naturel, sous certaines conditions. L’Autriche, anti-nucléaire notoire, est bien décidée à empêcher le projet d’aboutir.
Depuis que le projet de taxonomie a été présenté, la Commission consulte les Etats membres et les législateurs européens. A l’issue de ces échanges, qui doivent se clôturer vendredi, un texte final – peut-être modifié, mais probablement pas en profondeur – devrait être publié d’ici la fin du mois.
Ensuite, le Parlement européen aura la possibilité de s’y opposer par un vote à la majorité simple. Le Conseil européen aussi, mais il faudra que 20 Etats se prononcent contre, ce qui semble impossible. Si aucun de ces deux types de contestation n’aboutit, le texte pourrait devenir loi dès 2023.
Parmi les détracteurs du projet, on retrouve l’Autriche, figure de proue de la philosophie anti-nucléaire et anti-gaz au sein de l’Union européenne. « Aucune de ces deux formes d’énergie n’est durable et n’a donc pas sa place dans le règlement sur la taxonomie », a déclaré à l’AFP la ministre de l’Environnement Leonore Gewessler (Les Verts).
Vienne fait pression sur les autres Etats pour qu’ils la rejoignent dans son opposition à la proposition de la Commission, mais elle sait probablement qu’elle ne trouvera pas suffisamment d’alliés. Elle a tout de même une autre carte à abattre: une plainte auprès de la Cour de justice de l’UE (CJE). Et elle n’hésitera pas à la dégainer.
« Si la Commission continue à travailler avec cette proposition et la met en œuvre, il est clair que nous engagerons une action en justice », a assuré Mme Gewessler. D’après elle, son pays dispose « d’arguments très, très solides » pour justifier que l’énergie nucléaire et le gaz naturel ne soient pas étiquetés comme verts. Elle a donc dit être « très confiante » quant au fait qu’une telle plainte aboutira.
Le Luxembourg apporte son soutien… et c’est tout
Jusqu’à présent, seul le Luxembourg a annoncé qu’il soutiendrait l’Autriche dans sa démarche de déposer plainte auprès de la CJUE. Son ministre de l’Energie, Claude Turmes, a qualifié de « provocation » la proposition de la Commission d’octroyer le label vert au nucléaire et au gaz.
Théoriquement, l’Autriche et le Luxembourg auraient pu compter sur le soutien d’autres pays qui sont a priori contre la taxonomie présentée par la Commission, comme l’Allemagne, le Portugal, l’Espagne ou encore le Danemark. Mais pour l’instant, aucun d’entre eux n’est allé jusqu’à brandir une telle menace. A Berlin, la question suscite d’ailleurs un vif débat au sein du gouvernement: les Verts sont fermement opposés à la proposition, alors que les sociaux-démocrates et les libéraux sont plus pondérés, notamment vis-à-vis du gaz. Le porte-parole du gouvernement, Steffen Hebestreit, a même déjà fermé la porte à une plainte.
Qu’ils trouvent des alliés ou non, l’Autriche et le Luxembourg devront de toute façon se montrer très convaincants pour espérer que la CJUE leur donne raison. En 2020, rappelle Euractiv, la Cour de justice des Communautés européennes avait rejeté l’appel de l’Autriche, qui estimait que les subventions du gouvernement britannique pour la centrale nucléaire de Hinkley Point étaient contraires aux règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État.
L’Autriche ne possède qu’une seule centrale nucléaire, à Zwentendorf. Mais elle n’a jamais été mise en service, du fait de l’opposition de la population à l’atome exprimée lors d’un référendum organisé en 1978. L’installation produit de l’énergie depuis 2009 grâce à des panneaux solaires.
Le pays alpin s’est fixé pour objectif que toute l’électricité qu’elle produit provienne de ressources renouvelables d’ici à 2030. Plus des trois quarts en proviennent déjà. Ses importations d’électricité incluent toutefois toujours une petite part d’origine nucléaire.