La Vivaldi se donne de l’air après un accord flou sur les droits d’auteur : 5 accords majeurs sont attendus pour mars, mais l’esprit d’équipe fait défaut

Après plusieurs heures sous haute tension, la Vivaldi a fini par conclure un accord sur les droits d’auteur : l’intervention du Premier ministre, la volonté de Vincent Van Peteghem (cd&v) d’engranger un accord, et une série d’appels téléphoniques entre Georges-Louis Bouchez (MR) et Sammy Mahdi (cd&v) l’ont permis. La Vivaldi se donne de l’air, mais pour un temps seulement. Le texte juridique qui a vu le jour dans le cadre de ce processus est la définition même de la mauvaise gouvernance : il excelle dans le manque de clarté et ne peut qu’entraîner des conflits avec les autorités fiscales par la suite. C’est typique de l’équipe fédérale : on ne fait que botter en touche. C’est le sentiment qui prévaut chez les partenaires du gouvernement, qui ont maintenant marqué le mois de mars comme le dernier grand moment du calendrier. En amont, le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld) tente à nouveau, par le biais des bilatérales, de donner un dernier souffle à son équipe. Le premier gros obstacle qui se dresse devant cet espoir s’appelle Engie. « De Croo a une fois de plus sauvé les meubles. Mais quelque chose est cassé dans l’équipe », dit un initié.

Dans l’actualité : Le calumet de la paix autour des droits d’auteur, après tout.

Les détails : La Vivaldi a recours à une technique déjà utilisée de nombreuse fois : le brouillard sémantique. C’était le seul moyen de conclure un accord et de repartir de l’avant.

  • « Interprétation restrictive ». Ces deux mots magiques ont fait l’objet de plusieurs heures de discussion hier, au sein de la Vivaldi. La nouvelle loi sur les droits d’auteur, qui durcit le régime des avantages fiscaux, juste avant le début de l’année prochaine, doit-elle être interprétée de manière stricte ou non ? En langage commun : les groupes professionnels, tels que les secteurs de l’informatique et de l’architecture en particulier – qui ont eu recours de plus en plus à ce régime favorable ces dernières années – pourraient-ils encore en faire partie ? Ou la loi doit-elle être interprétée de manière « stricte » ou « restrictive » par le fisc ?
  • Finalement, la phrase rédemptrice est venue, lors d’une intervention un peu avant midi à la Chambre, juste après le débat marathon sur le budget. Le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) y a prononcé la phrase suivante : « Je vous confirme que les mots ‘interprétation restrictive’ ne figurent pas dans l’exposé des motifs des textes juridiques. »
  • Immédiatement, le MR pouvait revendiquer une victoire. A la Chambre, le chef de groupe du MR, Benoît Biedboeuf, a remercié le ministre. Sur Twitter, Georges-Louis Bouchez (MR) a triomphé : « Vincent Van Peteghem a confirmé qu’aucun secteur n’est exclu du régime des droits d’auteur et que le projet ne comprend pas de notion d’interprétation restrictive. On s’en réfère au droit commun et européen tel qu’interprété par la cour de justice. L’IT est bien intégré! Promesse tenue! », les points d’exclamation ont fusé.
  • La question de savoir si cela est vrai, en pratique, est plus discutable. Car l’accord a créé un flou artistique en matière de fiscalité, a notamment commenté le fiscaliste Michel Maus. « Cette législation excelle dans le manque de clarté et fonctionne avec des concepts clés très flous tels que que l’exploitation, les pratiques professionnelles loyales, la communication publique, la reproduction… Qu’entendez-vous par là ? » Et plus précisément : « Ce nouveau règlement entraînera de nombreuses discussions et constitue donc un exemple type de mauvaise législation. »
  • Car ce qui a été voté noir sur blanc par le gouvernement et imprimé dans le Moniteur belge ne fait lui pas l’ombre d’un doute, dans les chiffres budgétaires : 37,5 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2023 pour la Vivaldi et 75 millions d’euros supplémentaires en 2024.
  • Si ce montant ne vient pas du secteur des technologies de l’information, des architectes ou des avocats, de qui ça viendra ? L’opposition a cité à plusieurs reprises la situation désastreuse des journalistes indépendants, qui utilisent également le système : seront-ils bientôt les victimes de l’accord entre MR et cd&v ? Personne ne le sait : l’incertitude règne sur le secteur. Pas même la secrétaire d’Etat au Budget, Alexia Bertrand, incapable d’expliquer devant les caméras de Villa Politica, à qui s’appliquera clairement le nouveau régime de droit d’auteurs.

L’essentiel : la Vivaldi ne tient qu’à un fil.

  • Des sources confirment qu’en fin de compte, c’est le Premier ministre qui, non sans quelques difficultés, a réussi à ramener à la raison le MR ainsi que le parti du ministre des Finances, le cd&v. Les téléphones de deux hommes ont chauffé en coulisses : les présidents du parti, Bouchez et Sammy Mahdi, qui semblent bien s’entendre. Et c’est à noter, car aucun des deux n’a un grand nombre d’amis dans la rue de la Loi.
  • L’affaire a été déminée à la dernière minute, mais il est un fait que le bateau a tangué, suite à la décision d’un parti de la majorité à s’opposer frontalement à la coalition. « Si ça arrive, et que personne n’a l’air surpris, quelle sera la prochaine étape ? »
  • « De Croo a sauvé les meubles une fois de plus, avec l’aide des présidents de parti. Mais quelque chose est cassé. » Bien sûr, tous les sièges des partis démentent aujourd’hui devant les journaux qu’ils préparent des élections, mais nos sources restent formelles en coulisses : le plan B est prêt chez certains.
  • Qu’un compromis particulièrement inélégant soit sorti du chapeau de la Vivaldi hier, précisément sur la fiscalité – où le ministre Van Peteghem prêche depuis deux ans pour « plus d’équité », « plus de logique » et « moins de niches » – doit être douloureux pour lui. En effet, au lieu de la simplification et de la réforme qu’il souhaite tant réaliser, les 50.000 utilisateurs du régime des droits d’auteur seront confrontés à une insécurité juridique.
  • En même temps, il faut dire que ce n’est pas le ministre des Finances qui a voulu cette approche : Van Peteghem venait de préconiser l’inclusion des droits d’auteur dans une réforme fiscale plus large. La partie droits d’auteur a été avancée pour des raisons budgétaires. Les indépendants sont donc ici considérés de facto comme une variable d’ajustement.
  • Avec le compromis d’hier, la Vivaldi a utilisé une technique que Bouchez a déjà usitée à maintes reprises : le recours au flou pour sortir d’une impasse. L’exemple type est la sortie du nucléaire, qui a été incluse dans l’accord de coalition lors de la création de la Vivaldi en 2020 et lue comme telle par six partenaires de la coalition. Mais le MR a continué à exploiter le flou du texte, juste pour garder un pied en travers de la porte. Le changement de contexte énergétique en Europe a ensuite fait le reste : Bouchez a ainsi obtenu une grande victoire.
  • C’est loin d’être le seul flou de l’accord de coalition, négocié en seulement 10 jours après plus d’un an de blocage sur la formation du gouvernement, dans un texte peu concluant. Cela conduit à la situation d’aujourd’hui : les grands chantiers de réforme restent ouverts, aucun accord ambitieux n’a jamais été conclu. Un taux d’emploi de 80 % est inscrit comme l’objectif ultime pour mettre le pays en ordre financier. Mais il n’y a pas de route en vue.
  • Du coup, une fois de plus, les délais sont repoussés. La tentative du Premier ministre d’aborder le sujet des retraites, sous la pression de la Commission européenne – qui menace de ne pas verser de fonds de secours – s’est soldée par un échec. Et Van Peteghem n’ose pas non plus lancer sa réforme fiscale dès maintenant. Sur le marché du travail, c’est carrément le silence radio. De la procrastination : le nouveau délai est pour le mois de mars, lors de l’examen sur le budget.
  • En effet, De Croo s’est mis d’accord hier sur un agenda pour 2023, question de tracer un peu l’itinéraire quand même. Les pensions, la fiscalité et un ajustement budgétaire sont à l’ordre du jour. Mais la question de la réduction de la TVA, des accises et des tarifs sociaux doit également être abordée afin de pouvoir travailler avec des chiffres concrets au moment de l’audit budgétaire : la fameuse pierre d’achoppement sur laquelle Eva De Bleeker (Open Vld) est tombée.
  • « Les gens vont retravailler avec les bilatérales, donc le Premier ministre va prendre un café avec tout le monde comme en été. C’est bien joli, mais qu’est-ce que ça a donné au bout du compte ? « , soupire un protagoniste.

À noter : Groen menace désormais Engie. Le PS l’avait fait bien plus tôt.

  • Le maintien de Doel 4 et de Tihange 3 est un autre gros dossier que De Croo et ses collaborateurs auraient vraiment aimé avoir terminé avant la fin de l’année. Mais par l’intermédiaire de son directeur général belge, Thierry Saegeman, Engie a fait savoir qu’elle n’était pas contrainte à cette échéance. L’homme est en tournée médiatique : après les journaux, il est passé hier sur les plateaux de télévision, ce matin en radio, pour mettre une nouvelle fois en avant sa longue liste de revendications. Que des milliards d’euros aient afflué à Paris pendant des années, en provenance de la petite province belge, n’enlève rien au sans-gêne avec lequel le gouvernement fédéral a été ouvertement menacé, hier encore à Terzake.
  • Groen, entre autres, a appuyé sur l’accélérateur dans le dossier, hier, donnant ainsi la réplique à Engie et Saegeman. Leur ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen), forme avec le Premier ministre le duo de négociation. « Nous voulons vraiment faire passer cette prolongation », s’est défendu le co-président de Groen, Jeremie Vaneeckhout à Villa Politica. Remarquable, car pendant longtemps, Groen a suivi une voie très différente, étonnamment similaire à celle d’Engie. Les Verts ont souvent été accusés de faire trainer les choses en longueur.
  • « Ce sera avec Engie si possible, et sans si nécessaire. Il y a des scénarios qui rendent cela possible », a déclaré Vaneeckhout, en reprenant un parcours que le président du PS, Paul Magnette, avait déjà emprunté il y a plusieurs semaines. À l’époque, ce dernier a plaidé de manière tout à fait explicite de forcer la main à Engie, via les règles européennes qui stipulent que les gouvernements peuvent invoquer la sécurité de l’approvisionnement pour imposer des mesures.
  • « Ce n’est pas notre scénario idéal. Parce que cela n’a jamais été fait légalement et que vous êtes coincé avec une entreprise privée qui peut ensuite commencer à vous imposer certaines choses. Notre préférence va donc à une solution négociée. Mais ce n’est pas la seule voie possible », menace maintenant Vaneeckhout.
  • « Je ne sais pas vraiment de quoi il parle », a répondu M. Saegeman sur Terzake. « Notre principal objectif est de trouver une solution et de parvenir à un accord afin que nous puissions clore tout ce chapitre et travailler sur l’avenir », a-t-il déclaré en tournant autour du pot.
  • Engie subit également des pressions pour finaliser l’accord : en bourse, on n’apprécie pas l’incertitude persistante dans le dossier. Le nucléaire ne fait plus partie des activités principales du géant français de l’énergie depuis longtemps, mais ses centrales belges sont restées extrêmement rentables pendant des années. Attendons de voir ce qui en ressort maintenant, et si c’est réalisable avant le 31 décembre.

Here we go again : Encore un rapport de fin d’année désagréable.

  • Mark Horton, le directeur général adjoint du FMI, le Fonds monétaire international, a atterri à Bruxelles pour remettre le traditionnel rapport de fin d’année de son organisation. Et il est assez prévisible.
  • Pour commencer, le FMI est plus pessimiste que la Banque nationale en ce qui concerne l’année prochaine : cette dernière prévoit une croissance du PIB de 0,6 % l’année prochaine et une brève récession au premier trimestre. Le FMI prévoit une croissance d’à peine 0,2 % pour l’ensemble de l’année et une récession qu’il qualifie de « légère », mais qui s’éternisera un peu plus en 2023.
  • Horton demande (vous l’aurez deviné) des « réformes radicales ». Ces mesures doivent être prises avant les élections de 2024. Car, entre autres, le déraillement du budget inquiète le FMI, qui part de l’hypothèse d’un déficit budgétaire qui se creuserait encore pour atteindre 5,5 % en 2023, et suggère à la Belgique d’en retrancher 0,8 %, soit un peu moins de 5 milliards d’euros d’économies ou de réformes. Selon le FMI, le point cible devrait, et ce n’est pas une coïncidence, se situer juste en dessous des 3 %. C’est également le plafond européen pour un déficit budgétaire.
  • Ils félicitent la Belgique de s’être attaquée à la crise énergétique, mais ces mesures doivent être « temporaires et s’éteindre en 2024 ».
  • En outre, ils appuient sur tous les points sensibles :
    • Ils font valoir que la Belgique est l’un des rares pays où les allocations de chômage sont illimitées dans le temps. Ils veulent que ça change.
    • En outre, ils examinent l’indexation automatique pour les contrats permanents. Ils ne veulent pas abolir cette mesure, comme les années précédentes : ils en voient aussi les avantages en période de forte inflation. Mais ils veulent nous faire ajuster l’indice santé, en retirant les produits énergétiques que sont le gaz, le mazout et l’électricité, entre autres, afin de ne pas obtenir de trop fortes augmentations. Le raisonnement est que l’essence et le diesel en sont déjà sortis.
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