La Russie s’approche d’un « scénario cauchemardesque » de défaut de paiement de la dette : que peut-il se passer ?

Ce lundi, les États-Unis ont imposé une nouvelle sanction financière à la Russie : la première économie mondiale ne permettra plus « aucun remboursement de dettes libellées en dollars par le gouvernement russe à partir de comptes détenus dans des institutions financières américaines ». Les analystes estiment que cette action du gouvernement américain augmente considérablement le risque d’un défaut de paiement de la Russie, qui prendrait des proportions « historiques ». Quelles conséquences ce « scénario cauchemardesque » pourrait-il avoir ?

La Russie, qui a un total de 15 obligations internationales en circulation d’une valeur nominale d’environ 40 milliards de dollars, a jusqu’à présent réussi à éviter d’être mise en défaut sur sa dette internationale malgré des sanctions occidentales sans précédent. Mais la tâche devient de plus en plus difficile.

En effet, lundi, le Trésor américain a déclaré qu’il n’autoriserait plus la Russie à effectuer des paiements en dollars sur des comptes issus de banques américaines. Le régime de Poutine dispose encore d’un délai d de 30 jours pour effectuer le paiement. Mais le Kremlin devra donc utiliser des dollars qui viennent d’ailleurs.

Risque

Les analystes estiment que ce geste des États-Unis augmente considérablement le risque de défaut de paiement, voire de faillite, de la Russie. Timothy Ash, économiste chez le gestionnaire d’actifs BlueBay, a été cité par le site économique Business Insider. Il estime désormais la probabilité d’un défaut de paiement à 80 %. Les assureurs attribuent à la Russie une probabilité de 88 % de ne pas rembourser ses dettes ou de ne pas payer ses intérêts au cours des cinq prochaines années, selon CMA, une société d’études du marché de la dette.

Pour l’instant, le gouvernement russe semble avoir suffisamment de dollars pour rembourser sa dette. Selon le ministère russe des finances, le pays a encore accès à environ la moitié de ses 640 milliards de dollars de réserves de devises – malgré les sanctions contre sa banque centrale. La Russie reçoit également des billets verts de la vente de son pétrole et de son gaz.

Toutefois, ces réserves monétaires sont extrêmement précieuses alors que l’économie russe est soumise à d’énormes pressions. La Russie a plus de 2 milliards de dollars de dette extérieure à payer cette année, y compris les 600 millions de dollars qu’elle doit depuis lundi.

Selon M. Ash, la Russie aura probablement du mal à trouver une banque pour traiter les paiements. Le pays pourrait être contraint de se tourner vers des prêteurs nationaux tels que Gazprombank, a-t-il noté. Mais alors les détenteurs occidentaux d’obligations pourraient devenir réticents à négocier.

Longue série de défauts de paiement

Lundi, la Russie a dû effectuer un remboursement de 552 millions de dollars sur une obligation de 2022 et un paiement d’intérêts de 84 millions de dollars sur une obligation de 2042. Le pays a maintenant 30 jours pour effectuer le paiement, faute de quoi il sera mis en défaut.

Si la Russie ne paie pas, cela pourrait être le début d’une longue série de défauts de paiement pour le gouvernement. La banque d’affaires JP Morgan estime que le Kremlin avait environ 39 milliards de dollars d’obligations en devises étrangères en circulation à la fin de 2021, dont environ 20 milliards de dollars pour les investisseurs étrangers.

Cette nouvelle sanction américaine pourrait également entraver la capacité des entreprises russes à rembourser leurs dettes, par exemple en dissuadant les banques occidentales. Cependant, les effets plus larges ne sont pas immédiatement clairs.

Les effets du défaut de paiement de la dette

Selon M. Ash, le défaut de paiement de la dette russe serait un « cauchemar » pour son gouvernement. En raison de la guerre, il est peu probable que la Russie soit en mesure d’entamer les négociations avec les détenteurs d’obligations qui suivent généralement un défaut de paiement.

La Russie n’a pas accès aux marchés internationaux des prêts à cause des sanctions occidentales. Et en cas de défaut de paiement, le pays se voit refuser le plein accès à ces marchés jusqu’à ce que les créanciers soient entièrement remboursés et que toutes les affaires juridiques découlant du défaut de paiement soient réglées.

Bien entendu, les détenteurs d’obligations russes seraient également touchés. Les gestionnaires d’actifs tels que BlackRock et Fidelity figurent parmi les principaux investisseurs étrangers dans le pays.

Toutefois, les analystes estiment qu’il est très peu probable que le défaut de paiement de la dette russe déclenche une crise financière mondiale. Les dettes extérieures de la Russie sont assez faibles par rapport à celles de nombreux autres pays – en partie parce que le pays a déjà fait l’objet de plusieurs vagues de sanctions occidentales depuis qu’il a envahi la Crimée en 2014.

« Je ne pense pas que cela aura un impact énorme, car l’économie est déjà à peu près (complètement) coupée des marchés de capitaux internationaux », a déclaré Andrew Kenningham, économiste en chef pour l’Europe chez Capital Economics, cité par Business Insider le mois dernier.

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