Pour leurs nouvelles sanctions contre Moscou, les États-Unis ont frappé fort, avec un coup qui pourrait mener la Russie vers un défaut de paiement. Désormais, les marchés estiment que la Russie a 94% de chances de ne pas pouvoir rembourser ses dettes en devises étrangères.
Les États-Unis empêchent désormais la Russie de rembourser leurs prêts en dollar via les banques américaines. De la sorte, Washington veut obliger Moscou à puiser ce qui lui reste dans sa réserve en devises étrangères. Mais c’est aussi un moyen d’officiellement déclasser la Russie en défaut de paiement auprès des agences de notation.
Et c’est du sérieux, les marchés estiment maintenant les risques de défaut de paiement à 94% dans les 5 prochaines années. À titre de comparaison, avant le conflit, la probabilité n’était que de 8%.
Le prix des swaps sur défaillance de crédit (CDS) – des produits financiers qui assurent les investisseurs contre le non-paiement – sur les obligations russes a grimpé en flèche, note Market Insider.
À partir de jeudi, pour assurer une obligation russe fictive de 100.000 dollars pendant cinq ans, les investisseurs devraient payer environ 77.500 dollars d’avance. Cela représente une augmentation par rapport aux 29.000 dollars du 24 février.
Market Insider.
Lundi, Moscou n’a pu payer 650 millions de dollars qui étaient normalement dus, après le blocage de la transaction suite à la sanction américaine. Moscou a désormais 30 jours pour trouver une alternative sans quoi elle sera déclarée en défaut de paiement.
Le Kremlin a déjà annoncé qu’il paierait en roubles sur des comptes en Russie, mais selon les analystes, cela équivaudrait à un défaut de paiement. « Un défaut artificiel », estime Moscou, puisqu’une grande partie de sa réserve de 600 milliards de dollars en devises étrangères est actuellement bloquée.
« La Russie dispose de toutes les ressources nécessaires pour assurer le service de ses dettes », a expliqué le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov. « Il n’y a aucun motif pour un défaut réel ».
Éviter la débâcle de 1998
Pourquoi la Russie tient-elle tellement à éviter un défaut de paiement, alors qu’elle est en pleine guerre ? Il faut se replonger lors du dernier défaut de paiement du pays, en 1998. Il a fallu plusieurs années de réformes économiques douloureuses pour que le pays retrouve les bonnes grâces des investisseurs internationaux, se remémore le Wall Street Journal.
Avant cet épisode, il faut revenir à 1918 pour retrouver un défaut de paiement, preuve que ce genre d’épisodes reste rare pour un pays comme la Russie.
« La Russie a prouvé qu’elle ne voulait pas faire défaut. Cela serait très dommageable à long terme », a déclaré Timothy Ash, stratège pour les marchés émergents chez BlueBay Asset Management. En effet, si sa note est dégradée par les trois grandes agences de notations – S&P Global, Moody’s et Fitch – la Russie aura du mal à emprunter à des taux intéressants dans le futur.
Et cela signifie donc, même si c’est impensable à l’heure actuelle, que la Russie anticipe déjà l’après-guerre et la réintégration du système financier international. La Russie a fait tout ce qu’elle a pu pour rembourser ses investisseurs jusqu’à présent.
Si la Russie ne peut compter sur l’entièreté de sa réserve de 600 milliards de dollars en devises étrangères, elle peut par contre se reposer sur la manne financière de la vente de son pétrole et de son gaz. Depuis le début du conflit, rien que l’Europe aurait acheté pour 35 milliards d’énergies fossiles à la Russie. C’est pourquoi il y a autant de pression pour boycotter le gaz et le pétrole en ce moment au sein de l’UE.