La prostitution expliquée aux débutantes

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En Espagne, un groupe de travailleuses du sexe de Barcelone a commencé des cours d’initiation à la prostitution. Ces cours sont une initiative de l’Asociación de Profesionales del Sexo, un groupe de 8 prostituées qui militent en faveur d’une amélioration des droits des prostituées. L’organisatrice, Conxa Borell qui a travaillé 7 ans dans ce secteur, fait remarquer que chaque métier nécessite une formation et que la prostitution n’est pas une exception à ce principe. Les cours peuvent, selon elle, aider à mettre en place un nombre de règles qui peuvent permettre de professionnaliser l’activité. L’initiative a déjà suscité une profonde indignation chez d’éminentes féministes espagnoles.

La formation comprend un entraînement intensif de 4 heures et coûte 45 euros aux participantes. « La situation économique difficile de l’Espagne amène de plus en plus de femmes à travailler dans le domaine du sexe », fait remarquer Conxa Borell. « Ces femmes ont vraiment besoin d’une formation. La première session de formation a attiré 15 femmes de 22 à 50 ans. Une partie des participantes a affirmé entrer dans le métier, alors que d’autres étaient déjà actives dans la profession et souhaitaient plus d’informations. Le métier de prostituée n’est pas facile. Il n’y a d’ailleurs aucune autre profession où l’on partage autant d’intimité avec une autre personne. En outre, les médias créent une image totalement déformée du métier. »

« Une formation de 4 heures n’est en fait pas suffisante pour approcher tous les aspects de la profession », déclare encore Borrell. « Entre autres, il faudrait accorder de l’attention à la stigmatisation de la prostitution, mais aussi aux dangers liés à l’activité et aux questions fiscales et au marketing ». Borrell ajoute que la forte demande de cours a incité les organisatrices à organiser des sessions supplémentaires. Elle dit aussi que ces formations ne peuvent être dispensées que par une prostituée. Les psychologues, les anthropologues ou les politologues n’ont d’ailleurs pas de compréhension du métier qui est créé de toutes pièces par la prostituée elle-même.

« L’Espagne est dans une impasse », dit Conxa Borrell. « La crise économique confronte beaucoup de personnes au chômage, mais il faut payer l’hypothèque et nourrir les enfants. Pour beaucoup de femmes, la prostitution semble un moyen d’échapper à cette situation sans issue ». Elle-même est arrivée dans le métier pour des raisons similaires, mais elle n’a pu trouver nulle part des renseignements sur la manière de recruter des clients ou sur les tarifs en vigueur. Lidia Falcon, fondatrice du Partido Feminista de España, pressent que les autorités espagnoles, en soutenant cette initiative, considèrent la prostitution comme une alternative au chômage.

Lidia Falcon admet que l’Espagne, comme beaucoup d’autres pays, adopte une attitude ambigüe à l’égard de la prostitution. La prostitution n’est pas illégale en Espagne, mais elle n’est pas réglementée légalement. A Barcelone, les travailleuses du sexe et les clients de la prostitution de rue risquent des amendes et des mesures semblables sont mentionnées à Madrid. Selon des évaluations, il y a environ 400.000 prostituées en activité en Espagne. En moyenne, elles pourraient compter sur un revenu de 50 euros par jour. Falcon, elle-même, a lutté pendant 7 ans pour faire déclarer la prostitution illégale. Ce cours de prostitution doit donc, selon elle, être absolument condamné.

Selon Falcon, les organisatrices de ces cours laissent entendre que les femmes se prostituent de leur plein gré, alors qu’en réalité, il est question d’exploitation et d’humiliation. La psychologue Cristina Garaizabal qui a soutenu Borrell dans l’organisation des cours, considère que l’attitude de Falcon est très surprenante. « Les féministes se plaignent que ces femmes sont des victimes, mais d’autre part, elles s’insurgent contre toute démarche qui offrirait aux prostituées la possibilité d’améliorer leur autonomie et leur pouvoir de décision », affirme-t-elle. « Les participantes aux cours ne sont pas forcées de se prostituer. Les femmes qui sont victimes du commerce d’êtres humains ne viennent pas à ces formations ».

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