Elle a traversé l’espace pendant huit milliards d’années avant de nous parvenir : c’est un témoignage unique qui nous proviendrait de la collision de plusieurs anciennes galaxies.
Les sursauts radio rapides (fast radio burst, abrégé FRB) font partie des mystères de l’univers. Ce sont des ondes qui ne durent en général que quelques millisecondes, même si certaines se répètent parfois, et qui nous viennent de vraiment très loin. Et dans l’espace, très loin, ça veut dire aussi très longtemps, car ces signaux mettent des millions, voire des milliards d’années à nous atteindre. Ce qui les a provoqués a donc eu lieu il y a fort longtemps.
Des trous noirs qui se forment et des galaxies qui se percutent
La théorie la plus solide quant à leur origine stipule que ces sursauts radio ont été provoqués par de grands événements cosmiques, comme des étoiles à neutrons naissantes ou mourantes en formant des trous noirs. Mais toutes les pistes sont encore ouvertes. En 2020, on dénombrait une centaine de sursauts radio rapides observés, dont cinq ont pu être localisés avec plus ou moins de précision dans l’amas galactique, et dont deux se produisent par intermittence. Mais on continue à en capter de nouveaux. C’est à chaque fois une question de chance.
Or, celui que l’on nomme FRB 20220610A semble vraiment intrigant. Il a été repéré par l’Australian Square Kilometre Array Pathfinder (ASKAP), un ensemble de radiotélescopes situés en Australie occidentale. Ce signal FRB serait le plus ancien, et donc le plus éloigné jamais observé. Il aurait été émis il y a huit milliards d’années. Rappelons au passage que notre planète n’a que 4,5 milliards d’années, et qu’elle tourne dans un système stellaire qui n’a peut-être que 30 millions d’années de plus.
Cataclysmes cosmiques
« En utilisant le réseau d’antennes de l’ASKAP, nous avons pu déterminer précisément d’où venait l’explosion. Nous avons ensuite utilisé le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO) au Chili pour rechercher la galaxie source, découvrant qu’elle était plus ancienne et plus éloignée que toute autre source FRB trouvée à ce jour, et probablement au sein d’un petit groupe de galaxies en fusion. »
Stuart Ryder, l’auteur principal de la recherche et chercheur à l’Université Macquarie
Il arrive que deux galaxies se percutent et ne finissent par n’en faire plus qu’une. De quoi relativiser toute idée d’apocalypse concevable par un esprit humain. Non pas que les étoiles et les planètes qui les composent entrent forcément en collision ; mais le déchainement gravitationnel que cela provoque chamboule absolument toutes les trajectoires, sur une échelle absolument énorme. C’est comme jouer au billard dans une piscine olympique, avec cent fois plus de boules et en secouant le tout dans les trois dimensions. Et c’est une explication supplémentaire à l’existence de ces sursauts radios mystérieux.
La matière manquante de l’univers
Ce que cette découverte pourrait permettre de mieux comprendre, c’est out bonnement où se trouve la matière manquante de l’univers. En simulant l’univers, du Big Bang à nos jours, les scientifiques ont découvert que la moitié de toute la matière qui devrait être présente dans l’univers ne s’y trouve pas, et on ne sait pas ce qui lui est arrivé. Rien à voir avec la matière noire, que l’on n’arrive pas à observer ; celle-là a véritablement disparu.
« Si nous comptons la quantité de matière normale dans l’univers – les atomes dont nous sommes tous faits – nous constatons que plus de la moitié de ce qui devrait y être aujourd’hui manque » rappelle Ryan Shannon, professeur associé à la Swinburne University of Technology, auprès de Space.com. « Nous pensons que la matière manquante se cache dans l’espace entre les galaxies, mais elle peut simplement être si chaude et diffuse qu’il est impossible de la voir avec des techniques normales. »
Une matière ionisée invisible, mais pas pour les FRB, qui sont réfractés et déviés par cette matière ultra-diffuse. De quoi imaginer qu’on pourrait ainsi trianguler l’univers à partir de nos observations d’une demi-douzaine de sursauts radios. Et ainsi, déterminer la densité de l’univers.
« Plus une explosion radio rapide est éloignée, plus elle révèle de gaz diffus entre les galaxies. […] Bien que nous ne sachions toujours pas ce qui cause ces énormes explosions d’énergie, l’article confirme que les explosions radio rapides sont des événements courants dans le cosmos et que nous pourrons les utiliser pour détecter la matière entre les galaxies et mieux comprendre la structure de l’univers. »
Ryan Shannon