Les médias grand public snobent toujours la crypto: du mépris pour les personnes qui portent ce monde alternatif

Vaste débat que le rôle des médias. Ou l’un de ses pendants, l’action des journalistes face au progrès. Mais il y a un concentré de remarques pertinentes dans la tribune « Crypto is People and Culture » pour nourrir la réflexion.

« La crypto, c’est des personnes, c’est la culture. Il est temps que les médias grand public la considèrent de cette façon ». Voilà le raisonnement que développe dans son édito Matthew Leising, journaliste vétéran de Bloomberg, auteur du livre sur la blockchain Ethereum « Out of Ether » et fondateur du média spécialisé DeCential.

Pour adapter librement son introspection, disons que les médias traditionnels ne comprennent pas encore la crypto, et écrivent seulement quand les chiffres s’affolent. À la hausse comme à la baisse. C’est passer à côté de l’Histoire, qui est celle de la communauté.

La crypto – pour employer ce terme parapluie si large que beaucoup de gens le détestent – est un sujet particulier à couvrir, à la fois particulièrement intéressant, difficile et frustrant.

Mais, à ce stade prématuré de toute industrie ou entreprise, les histoires, récits, témoignages, se révèlent extrêmement importants.

Occasion manquée

Certains journalistes ont commencé à écrire sur les cryptomonnaies en 2015, après avoir lu un article sur l’importance de la blockchain dans The Economist. Le magazine présentait en couverture « la machine à confiance » derrière Bitcoin qui pourrait changer le monde. Jusque-là, les médias considéraient le bitcoin comme un jeu de dupes.

S’ensuivit le débat « Blockchain, pas Bitcoin », qui a fait rage pendant un certain temps. Puis Wall Street y a prêté attention. Ce qui a évidemment changé la donne.

Entretemps, les bases de la crypto ont été expliquées à d’innombrables rédacteurs en chef et journalistes. Mais il en reste beaucoup (trop) dans les rédactions du monde entier qui pensent toujours avoir affaire à une arnaque.

Difficile de surmonter ce dédain, sorte de déformation professionnelle, sous la pression d’une actu qui ne s’arrête jamais. Il faut sans cesse de nouvelles histoires, de nouvelles sagas. Ascensions et dégringolades du bitcoin s’intègrent parfaitement à ce schéma narratif.

Malgré l’euphorie du bitcoin à 20.000$ et le « crypto winter » de 2018-2019 qui a suivi, peu de gens dans les médias ont profité de l’occasion pour s’informer sur cette nouvelle façon d’interagir.

La force de la communauté

Ce qui s’est passé alors avec ces cryptomonnaies, dont certains annonçaient la mort, c’est que d’autres personnes n’ont jamais cessé d’y croire. Ces partisans, enthousiastes, utilisateurs précoces ont continué à faire ce qu’ils pouvaient pour permettre à ce « futur très différent » de devenir réalité.

Cela pourrait paraître évident aujourd’hui avec la traction que gagne la DeFi, la finance décentralisée, et l’exubérance du marché des NFT…

Il s’agit d’une incroyable quantité d’innovations en très peu de temps. Et pourtant, il y a encore beaucoup (trop) de gens dans les médias grand public qui ricanent de la crypto. Et en conséquence, malgré une adoption formidablement accélérée cette année, beaucoup de monde qui snobe les cryptos.

Comme la plupart des sceptiques, la presse a poursuivi son chemin lorsque les prix ont chuté. Ce contexte a confirmé le parti pris médiatique (Ponzi, bulle, tulipes, etc.). Mais l’industrie est revenue en force.

Car les acteurs derrière les blockchains publiques, « les développeurs et les rêveurs », ont continué à travailler.

Où étiez-vous quand tout semblait si fragile ?

Quand le bitcoin et l’ether ont enchaîné les sommets historiques, la demande d’articles dans les salles de presse a inévitablement suivi.

Où étiez-vous, médias grand public, quand tout semblait si fragile ? Vous n’y croyiez pas alors et vous n’y croyez pas maintenant. Ne faites-vous pas que suivre une ligne ascendante sur un graphique de prix boursier ?

En fin de compte, snober la crypto, c’est dédaigner les personnes qui créent cette nouvelle industrie, affirme Matthew Leising. Peut-on totalement lui donner tort ? Qu’ont de dérangeant ces entrepreneurs crypto par rapport aux startuppeurs dont on étale les moindres accomplissements ?

Les entrepreneurs crypto, comme leurs homologues de secteurs plus classiques, ne nourrissent-ils pas la même ambition de résoudre des problèmes et ainsi rendre le monde meilleur ?

La crypto a droit à son propre chapitre médiatique, un chapitre consacré à partager les histoires de ces femmes et hommes qui créent ces nouvelles technologies mais aussi cette nouvelle culture.

Au-delà de la tech, du code, de la réseautique, la crypto peut se comprendre au travers de celles et ceux qui la développent. Leurs tranches de vie, les raisons pour lesquelles ils veulent bâtir un futur alternatif.

C’est une astuce aussi vieille que la littérature: employer des personnages pour transmettre des informations compliquées. Les rendre humains pour partager leurs connaissances.

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