La magie du dollar va-t-elle s’estomper ?

Depuis la fin 2020, le dollar a augmenté de plus de 26% par rapport à l’euro. La monnaie a bénéficié des hausses successives des taux d’intérêt américains et des turbulences sur les marchés financiers. Mais que se passera-t-il lorsque ces forces motrices se tasseront ?

Dans de nombreuses entreprises, l’heure des entretiens de fin d’année approche à nouveau. Imaginez maintenant que l’on vous annonce lors d’une réunion à la mi-janvier que vous n’avez pas encore atteint vos objectifs annuels. C’est à peu près ce qui se passe dans le monde des banquiers centraux.

La banque centrale américaine (Fed) vise le plein emploi et une inflation à long terme d’environ 2%. Actuellement, environ 1 Américain sur 30 faisant partie de la population active est sans emploi. Et l’inflation, à un niveau moyen de 2,7 % au cours de la dernière décennie, n’est pas très éloignée de l’objectif. Pourtant, la Fed fait l’objet de nombreuses critiques.

La Fed n’a pas accompli sa mission

La raison, bien sûr, est que l’inflation est beaucoup trop élevée à court terme. Cette situation est principalement due à toutes sortes de problèmes dans les chaînes d’approvisionnement à la suite de la pandémie de coronavirus, puis à la hausse rapide des prix de l’énergie en raison de la guerre en Ukraine. La Fed ne peut pas faire grand-chose pour éviter que l’inflation à court terme ne s’éloigne de son objectif à long terme.

Certes, la Fed aurait dû agir un peu plus tôt. Mais entre-temps, le feu de l’inflation a été limité par une série impressionnante de hausses des taux d’intérêt, sans pour autant la réduire. Au printemps notamment, l’impact sur le dollar a été perceptible.

Rallye des taux d’intérêt et rallye de la peur

À l’époque, les taux d’intérêt américains étaient déjà en hausse, tandis que la Banque centrale européenne (BCE) était encore à pied d’œuvre pour dénouer son programme de soutien après le coronavirus. En conséquence, le dollar a augmenté de plus de 6% par rapport à l’euro en mars et avril. La devise a ensuite augmenté de 7% supplémentaires pendant les mois d’été.

Cependant, ce rallye avait une cause différente, car pendant cette période, les taux d’intérêt européens augmentaient au même rythme que les taux d’intérêt américains. Au lieu de différentiels de taux d’intérêt, le dollar a été poussé à la hausse pendant cette période par les craintes d’un refroidissement rapide de l’économie mondiale. La devise américaine a constitué un refuge intéressant face à la crise énergétique de l’Europe, tandis que la Chine s’est débattue avec des vagues de coronavirus et des problèmes majeurs dans son secteur immobilier.

Le carburant pour le dollar est épuisé

La grande question est de savoir ce qui pourrait être le moteur de la prochaine hausse du dollar. Un autre choc inflationniste ? Beaucoup de choses doivent encore se produire avant que la Fed ne s’aventure dans des hausses de taux encore plus importantes que les hausses de 75 points de base déjà prévues pour les prochaines réunions. Des inquiétudes encore plus vives concernant l’économie mondiale ? La plupart des indicateurs sont déjà à leur plus bas niveau depuis la crise financière de 2008.

Il semble que le carburant pour la fusée du dollar soit pratiquement épuisé. Plusieurs banques d’investissement américaines ont déjà récemment conseillé à leurs clients de ne plus couvrir le risque de change d’un investissement dans des actions étrangères, afin qu’ils profitent de la hausse de l’euro, du yen et d’autres devises. Pour l’instant, cependant, 2022 est définitivement l’année du dollar dans le monde des devises. Mais cela serait très étrange si cela s’applique encore en 2023.


Joost Derks est un spécialiste des devises chez iBanFirst. Il a plus de 20 ans d’expérience dans le monde de la monnaie. Cette chronique reflète son opinion personnelle et ne constitue pas un conseil professionnel d’investissement.

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