La loi australienne sur les médias est votée: modèle pour l’avenir ou victoire à la Pyrrhus?

Le parlement australien a adopté ce jeudi matin la loi très discutée exigeant des géants de la technologie comme Facebook ou Google qu’ils payent pour les actualités postées sur leur plateforme. Facebook avait d’ailleurs réussi la semaine dernière à changer un point de la loi, suite un blocage de tous les médias sur son réseau social.

Cette loi est examinée par de nombreux gouvernements dans le monde. Elle pourrait en effet servir d’exemple, notamment dans l’Union européenne ou au Canada. Eux aussi, ils cherchent comment faire payer au Big Tech les informations médiatiques qui sont publiées sur leur plateforme.

Après le conflit houleux entre Facebook et le gouvernement australien, les entreprises concernées ont eu un peu plus de temps pour trouver un accord avec les médias, afin d’éviter d’être soumises à la nouvelle réglementation.

Débat sain?

La loi indique qu’un ‘arbitre’ sera désigné pour fixer les prix que payeront les plateformes si elles ne trouvent pas d’accord avec les éditeurs. Facebook et Google espèrent donc pouvoir l’éviter en trouvant des accords avec tous les médias australiens.

Le secrétaire au Trésor, Josh Frydenberg, a déclaré que la nouvelle loi garantit que les groupes de presse soient ‘équitablement rémunérés pour le contenu qu’ils génèrent, de sorte que le journalisme puisse prospérer dans l’intérêt du peuple australien’.

L’interdiction de publication des actualités sur Facebook a provoqué quelques remous parmi les adeptes et les critiques de cette loi. Mais Canberra a finalement réussi à aplanir la situation. Selon Mark Zuckerberg, il était surtout question de changer les termes de la loi, mais les principales dispositions de la proposition initiale restent intactes.

‘Les changements que le gouvernement a apportés sont des choses qui font peu de différence ou servent simplement à clarifier’ – Rod Sims, président de l’autorité australienne de la concurrence (ACCC)

Le président de l’organisme de surveillance australien de la concurrence ACCC sait, grâce aux médias, qu’il ne doit pas rester sur ses acquis. ‘Les changements que le gouvernement a apportés sont des choses qui n’ont pas beaucoup d’importance, ou qui ne servent qu’à clarifier les choses qui, du moins aux yeux de Facebook, ce n’était pas clair’. Frydenberg a ajouté qu’avec son ministère, il surveillerait la loi pour ‘s’assurer qu’elle donne des résultats conformes aux attentes du gouvernement’.

Les médias indépendants tombent à l’eau

Plusieurs grands médias parlent d’un tremplin pour tous les éditeurs dans le monde. Mais est-ce vraiment le cas ? À cause de la transition numérique, les entreprises médiatiques cherchent depuis longtemps un nouveau modèle commercial durable. Les revenus des publicités dans les médias traditionnels ont chuté, alors qu’ils explosent chez Facebook et Google.

Et pour beaucoup, les revenus de ces plateformes sont en partie dus au trafic généré par la publication d’actualité sur ces réseaux. Que ce soit sous la forme d’un post partagé par un utilisateur ou en résumé dans certains résultats de recherche.

La nouvelle loi permettrait d’équilibrer la balance. Mais cela menace le pluralisme des réseaux sociaux. Avant, n’importe quel média pouvait poster leurs actualités sur les plateformes. Aujourd’hui, Les Big Tech peuvent choisir avec qui ils s’associent. Par exemple, Google et Facebook ont ​​déjà signé des projets d’accords avec plusieurs grands éditeurs. On compte notamment News Corp de Rupert Murdoch, ce qui inclut la Fox News ou le média japonais Nikkei, qui publie le Financial Times.

Mais les petits médias d’information indépendants risquent d’en être exclus. Malgré des milliards de bénéfices, Facebook a déjà indiqué de ne pas dépenser plus en contenu d’actualité qu’il ne le faisait déjà. La société ne conclura donc pas d’accords avec tous les médias d’information australiens existants. Bon nombre des petits organes de presse risquent de ne pas être éligibles. Et ce sont précisément ces médias qui dépendent fortement de Facebook pour leur audience.

‘Si vous êtes une petite publication, Facebook peut simplement dire: « Nous ne vous reconnaissons pas en tant que média d’information’ et vous exclure complètement.

Stephen Scheeler, ancien CEO de Facebook Australie

‘Je ne pense pas que ce soit bon pour le journalisme indépendant ni pour les médias d’information régionaux’, a déclaré Stephen Scheeler à la chaîne publique australienne ABC News. L’homme a été CEO de Facebook Australie de 2013 à 2017. Selon lui, Facebook peut maintenant déterminer la valeur d’un éditeur.

‘Si vous êtes une petite publication, Facebook peut simplement dire: « Nous ne vous reconnaissons pas en tant que média d’information C’était un changement voulu par Facebook’, a-t-il déclaré.

Une victoire pour le journalisme? Il est donc possible que ce soit principalement les grands groupes de presse qui bénéficient de la nouvelle loi. Les petits médias indépendants seront victimisés au nom de la liberté de la presse.(ek).

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