La Floride voulait punir les réseaux sociaux qui punissent les politiciens: la justice l’en empêche in extremis

Il y a deux mois, la Floride avait adopté un projet de loi visant à sanctionner financièrement les réseaux sociaux qui sévissaient face à certains responsables politiques, comme Facebook et Twitter l’ont fait en début d’année avec Donald Trump. La justice en a décidé autrement.

Poussé par les républicains et notamment par le gouverneur Ron DeSantis – un proche de Donald Trump – ce projet de loi avait été approuvé par le sénat floridien le 30 avril dernier. Jugée « anticonstitutionnelle » et « dangereuse » par ses détracteurs, cette mesure avait subi un flot de critiques.

Pour rappel, cette loi devait permettre à la Floride d’infliger des amendes jusqu’à 250.000 dollars par jour aux grands réseaux sociaux interdisant ou supprimant le compte d’un candidat politique à l’échelle de l’État, et de 25.000 dollars par jour s’ils supprimaient le compte d’un candidat à un poste local.

Une contestation avait été déposée devant le tribunal fédéral de Tallahassee par NetChoice, une société de lobbying qui représente Twitter, Facebook et d’autres sociétés en ligne, et par la Computer and Communications Industry Association. Les plaignants estimaient que la proposition de loi violait les droits du premier amendement des entreprises privées et nuirait à leur capacité à modérer le contenu de leurs plateformes.

De leur côté, les avocats de la Floride avaient tenté de retourner l’argument du premier amendement en leur faveur, arguant que les plateformes de réseaux sociaux se livraient à la censure et violaient les droits d’expression des utilisateurs.

La décision rendue

Alors que la loi devait entrer en vigueur ce jeudi, un juge fédéral de district, Robert Hinkle, a décidé d’accorder une injonction préliminaire permettant de la bloquer dans sa quasi-totalité.

« La législation actuellement en cause était un effort pour freiner les fournisseurs de médias sociaux jugés trop importants et trop libéraux. Équilibrer l’échange d’idées entre conférenciers privés n’est pas un intérêt gouvernemental légitime », a justifié M. Hinkle.

« La législation oblige les fournisseurs à héberger des discours qui violent leurs normes – discours qu’ils n’hébergeraient pas autrement – et interdit aux fournisseurs de s’exprimer comme ils le feraient autrement… », a ajouté le juge fédéral.

M. Hinkle a également souligné que la nouvelle loi ne visait que les grandes entreprises de réseaux sociaux, et non les plus petites qui fournissent les mêmes services.

La législation prévoyait également une exception pour Disney et ses applications, les propriétaires de parcs à thème n’étant pas visés par la loi. Pour rappel, Walt Disney World, situé à Orlando, est l’un des plus grands employeurs privés de l’État… Le juge fédéral a qualifié cette exception de « problème constitutionnel majeur ».

« La déclaration de signature du gouverneur et les nombreuses remarques des législateurs montrent assez clairement que la législation est basée sur des points de vue. Et certaines parties contreviennent à une loi fédérale », a-t-il précisé.

La loi fédérale visée est l’article 230 du Communications Decency Act, une règle qui donne aux sites Web et aux applications une grande latitude pour décider du matériel qu’ils hébergent. Au-delà de cela, Hinkle a rappelé que les réseaux sociaux utilisent régulièrement le jugement éditorial pour hiérarchiser, supprimer, étiqueter et trier le contenu présenté aux utilisateurs. Et une grande partie de ce jugement éditorial est probablement protégée par le premier amendement, a-t-il estimé.

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