Puisque tout le monde doit rester en confinement, le commerce en ligne est devenu le principal canal pour faire ses achats non-alimentaires. En outre, le nombre de boutiques belges qui vendent leurs marchandises en ligne a explosé. La pandémie a-t-elle permis une telle percée?
Depuis le 18 mars, date à laquelle les magasins non-alimentaires ont dû fermer, le web est devenu le canal de vente privilégié. De nombreux petits commerces se sont vus obligés de passer à la vente en ligne pour survivre. Les ventes en ligne ont d’ailleurs explosé dès la première semaine de confinement.
Un rapport de l’entreprise GfK a montré que les affaires faites sur le web pendant la semaine du 16 au 22 mars étaient 165% plus élevées que celles faites l’année passée à la même période.
L’appel à l’aide des commerçants locaux
En temps de confinement, la population fait principalement des achats pour la nourriture et le divertissement. Les congélateurs (+344%), les écrans (+344%) et les consoles de jeux (+275%) font partie des objets qui ont connu le plus gros succès.
Naturellement, ces ventes ne permettent pas d’absorber entièrement les pertes dues à l’absence de ventes physiques. 2020 est déjà considérée comme une année perdue pour les commerces de détail. Pour aider notre économie à se redresser après la crise, un groupe de commerçants a lancé un appel d’aide. Une coalition de 26 chaînes de magasins belges, allant d’AS Aventure à ZEB, a appelé les consommateurs à acheter directement sur les sites belges.
Entretien avec Cis Scherpereel
Les sites web d’acteurs internationaux comme Bol.com ou Amazon sont-ils par définition mauvais pour l’économie belge? La crise du coronavirus va-t-elle amener à une résurgence des sites commerciaux belges?
BusinessAM a consulté Cis Scherpereel, expert dans l’e-commerce pour Mex United et qui s’est occupé, entre autre, de l’installation du site internet Bel & Bo, Duvel Moortgat et Hubo.
Il répond: ‘L’intérêt actuel, plus élevé, va certainement stimuler l’e-commerce dans notre pays. Bien que le mérite réside principalement dans l’accélération de la digitalisation de nombreuses entreprises. Reste maintenant à savoir si ces nouvelles boutiques en ligne vont voir leurs ventes grimper en flèche. La plupart d’entre elles n’ont pas été créées dans le cadre d’une stratégie mûrement réfléchie, mais plutôt par nécessité précaire, comme une réaction au choc.’
A quoi doivent faire attention les commerces pour développer une activité en ligne durable?
Scherpereel: ‘De nos jours, le choix du logiciel est moins important. La plupart des programmes utilisés offrent une qualité suffisante. Une chose est par contre cruciale pour une boutique en ligne moderne: tenez vos promesses. En termes de délais de livraison, les consommateurs ont été choyés par les principaux acteurs ces dernières années. Il est donc extrêmement important que, dans les coulisses, la logistique fonctionne sans encombre. Assurez également une bonne communication avec le client sur les conditions de vente et sur les retards, car les frustrations dans ces domaines sont rarement tolérées. C’est un défi pour de nombreuses boutiques existantes, et encore plus pour celles qui se sont lancées depuis la crise.
Comment gérer Amazon et compagnie?
Dans la lettre ouverte, les PDG de boutiques belges bien connues demandent aux consommateurs de faire leurs achats sur les sites web locaux. Selon Safeshops, l’organisation qui chapeaute les commerces en ligne belges, les grands commerçants internationaux possèdent aussi une stratégie numérique bien pensée. Sur internet, il existe des marketplace, du type Amazon, Bol.com ou Coolblue, qui – en plus de vendre leurs propres marchandises – proposent des infrastructures de vente aux petits commerçants. Ils peuvent ainsi mettre leurs produits sur ces sites bien connus du grand public, moyennant évidemment une commission de 15%.
Actuellement, 20.000 entreprises vendent leurs marchandises sur Bol.com. Parmi eux, seulement 3.000 sont des commerçants belges. Selon Safeshops, il est important que nos entreprises se concentrent sur leur propre boutique en ligne, mais aussi sur la présence sur ces grandes marketplaces. Plus les entreprises belges sont actives sur Bol.com, plus son chiffre d’affaires revient à notre pays. De plus, les petits commerçants peuvent utiliser ces plateformes pour toucher un plus grand public et donc augmenter leurs revenus.
L’avis de l’expert
Ne devrions-nous pas voir ces sites internationaux comme l’ennemi juré des producteurs locaux?
Scherpereel: ‘Je préconise plutôt un scénario avec de multiples solutions. Ces marketplaces sont là pour rester, alors nous ferions mieux de les utiliser dans le bon sens. C’est l’endroit idéal pour écouler de nombreux produits et augmenter le volume de vente. Ce que vous ne vendez pas là-bas, cela s’inscrit dans l’histoire de votre propre marque. Les grands sites de vente en ligne sont des endroits très rationnels: le prix et la qualité comptent. Sur votre boutique en ligne, vous pouvez par contre mettre en évidence les sentiments qui sont liés à vos produits. Si vous combinez les marketplaces avec une boutique en ligne personnelle, et que vous utilisez les médias sociaux pour faire votre propre publicité et vendre par la même occasion, alors vous avez un beau mélange. De cette façon, vous pouvez offrir aux consommateurs le canal de vente qu’ils préfèrent.’
Faut-il prendre la lettre ouverte d’e-commerces belges avec des pincettes?
Scherpereel: ‘J’applaudis vraiment ce mouvement qui privilégie les achats locaux qu’on peut observer depuis le début de la crise. C’est une réflexion éthique qui a pour but de soutenir les commerçants locaux. Il y avait d’ailleurs un besoin urgent de plus de chauvinisme dans nos comportements d’achat. Je pense de plus qu’il ne faut pas considérer Bol.com comme un projet purement international, mais plutôt comme une locomotive à laquelle vous pouvez accrocher votre wagon. En tant qu’entrepreneur local, vous devez travailler votre stratégie numérique de manière intelligente. Parce que si le client ne trouve pas votre boutique en ligne, ça s’arrête tout simplement.’