La Chine développe ses propres puces informatiques mais reste dépendante de la technologie étrangère

L’Empire du Milieu subit de plein fouet la pénurie de puces, mais se rappelle aussi des sanctions américaines contre Huawei, qui avaient montré sa dangereuse dépendance aux produits étrangers. Les grandes entreprises du pays travaillent sur des microprocesseurs typiquement chinois. Mais ceux-ci ne peuvent être terminés qu’avec des technologies étrangères, alors que le pays vise l’autosuffisance.

Alors que les États-Unis planchent sur un grand plan de financement à 52 milliards de dollars pour stimuler la production de puces électroniques, et que le géant du secteur Intel envisage de s’implanter durablement en Europe, c’est au tour de la Chine de bouger ses pions pour faire face à la pénurie mondiale.

Les grandes compagnies du pays développent chacune leurs nouveaux modèles : en août dernier, Baidu, le moteur de recherche le plus utilisé en Chine, a dévoilé Kunlun-2, un microprocesseur de seconde génération. La semaine dernière, c’était au tour du géant de l’e-commerce Alibaba de sortir son propre modèle. Et le constructeur de smartphone Oppo est aussi dans la course pour sortir sa propre puce, selon le quotidien japonais Nikkei. Dans une pays où les grandes firmes obéissent aux directives du parti unique au pouvoir, nul doute que cette injonction à développer des puces typiquement chinoises vient d’en haut, alors que la production mondiale reste traditionnellement dominée par Intel (USA), TSMC (Taïwan) et Samsung (Corée du Sud).

Un tout petit pas vers autosuffisance

Mais l’Empire du Milieu accuse encore un retard technologique dans ce domaine bien précis, selon ce que Peter Hanbury, collaborateur chez Bain & Company, a répondu à CNBC: «  »C’est un pas vers une plus grande autosuffisance en matière de semi-conducteurs, mais c’est un petit pas. Plus précisément, il s’agit d’exemples de puces conçues localement, mais une grande partie de la propriété intellectuelle, de la fabrication, des équipements et des matériaux proviennent toujours de l’étranger. » La puce Yitian 710 d’Alibaba est basée sur une conception de la société britannique Arm. Elle sera construite sur le processus dit de 5 nanomètres, la technologie de puce la plus avancée à l’heure actuelle. La puce Kunlun 2 de Baidu se base, elle, sur le processus à 7 nanomètres. Oppo, quant à lui, travaillerait sur une puce à 3 nanomètres. La Chine avance, certes. Mais elle doit reposer ses progrès sur des savoirs qu’elle ne maitrise pas.

C’est d’autant plus le cas en amont de la chaine: les puces, ça ne se cultive pas, il faut des machines de haute technologies capables de les assembler. ASML, une entreprise basée aux Pays-Bas, est la seule au monde capable de fabriquer l’équipement nécessaire à la création des puces les plus avancées, et la firme fournit tous les géants du secteur.

Un écosystème complexe

« L’écosystème des semi-conducteurs est vaste et complexe, de sorte qu’il est très difficile de parvenir à l’autosuffisance dans un éventail aussi large de technologies et de capacités » résume Hanbury. « En général, le domaine le plus difficile à atteindre est celui des technologies de pointe. Ici, le défi est que vous avez besoin de dollars à investir, mais vous devez également surmonter les exigences massives en expertise technique et en expérience accumulée. »

Or l’autosuffisance est un des grands objectifs de la Chine, et ce dans tous les domaines. Pour l’instant, elle reste vulnérable à un embargo sur les puces, à supposer que les plus gros producteurs se coordonnent, et cela donne des sueurs froides aux dirigeants communistes. « S’il y avait un effort pour bloquer l’expédition de processeurs de smartphones, Oppo, par exemple, disposerait d’une source de puces de conception nationale », a déclaré Hanbury. « Toutefois, la plupart de ces puces sont toujours fabriquées à l’aide d’une technologie internationale, de sorte qu’ils pourraient toujours perdre l’accès à leurs puces si le partenaire de fabrication de ces puces était bloqué. » D’où ces efforts récents pour développer des microprocesseurs marqués des 5 étoiles nationales, car la Chine a déjà vu les conséquences des sanctions américaines à l’égard de Huawei, qui ont entrainé une véritable pénurie de smartphones de la marque chinoise.

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