Depuis le détournement d’un avion Athènes-Vilnius par la Biélorussie fin mai, les tensions sont vives entre l’ancienne république soviétique et l’Union européenne. Le face-à-face avec la Lituanie s’avère particulièrement nerveux. Plutôt que de céder face aux menaces de Minsk, celle-ci ne cesse de s’en prendre au régime de Loukachenko.
Ces quinze derniers jours, ce sont plus d’un millier de migrants illégaux qui sont passés en Lituanie via la Biélorussie. Quand on sait qu’il y en avait eu moins d’une centaine sur toute l’année 2020, on se rend compte que c’est loin d’être un hasard. Face aux sanctions économiques prononcées par l’Union européenne, Minsk a mis ses menaces à exécution: mettre fin à sa coopération avec le bloc en matière de migration.
Mais pour la Lituanie, qui partage une frontière de 680 km avec la Biélorussie, cette dernière ne se contente pas de ne pas retenir les migrants sur son territoire. Minsk les encouragerait à quitter leur pays (l’Irak, l’Afghanistan, l’Iran, le Congo, la Guinée et le Cameroun, principalement) et mettrait tout en place pour les faire venir sur ses terres avant de les pousser vers la Lituanie et l’espace Schengen.
« Les réfugiés comme une arme »
Dans une interview accordée à Euractiv, le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis, a eu des mots forts envers la Biélorussie. Il l’a accusée de mettre en œuvre tout un système organisé de trafic d’êtres humains, avec la potentielle complicité de certaines entités officielles.
« Nous ne voyons pas de véritables flux de migrants qui fuient pour leur vie et choisissent un radeau qui met réellement leur vie en danger, mais ce que nous voyons, ce sont des agences de tourisme qui vendent des billets pour la frontière européenne, et des billets pas si chers – c’est une situation très différente « , a-t-il dénoncé.
« Nous devons comprendre qu’il existe des compagnies aériennes officielles qui transfèrent des personnes de Bagdad à Istanbul ou d’Istanbul à Minsk, des agences de voyage qui sont enregistrées dans plusieurs pays, ce qui signifie qu’il y a peut-être des organismes officiels qui participent au trafic d’êtres humains », a-t-il ajouté.
M. Landsbergis a qualifié la situation de « sans précédent ». « La différence entre la façon dont Lukashenko utilise les réfugiés comme une arme et la précédente crise des réfugiés en Europe est que dans ce cas, nous avons des organismes officiels qui participent », a-t-il résumé.
D’après le ministre lituanien, si l’UE parvient à prouver que la Biélorussie se livre à de telles pratiques, elle devra lui infliger de nouvelles sanctions.
« Participer à la traite des êtres humains est illégal partout – et si nous pouvons déterminer qui s’y livre, et surtout s’il s’agit d’un organisme officiel, alors il peut faire l’objet de sanctions », a déclaré M. Landsbergis, ajoutant qu’une telle mesure serait encore en phase de réflexion entre les ministres des affaires étrangères de l’Union.
La Russie impliquée ?
M. Landsbergis est ensuite allé encore plus loin, suspectant la Russie d’aider la Biélorussie dans ses opérations. Moscou pourrait jouer un rôle dans l’arrivée de migrants afghans cherchant à rejoindre l’Europe en même temps que le retrait des troupes occidentales de leur pays.
« L’itinéraire est déjà là. À notre connaissance, il a été facilité non seulement par la Biélorussie, mais peut-être aussi par la Russie – c’est une préoccupation de plus en plus grande, car nous savons que depuis que les troupes occidentales quittent l’Afghanistan, il y a une possibilité pour les énormes flux migratoires que nous observons déjà au Tadjikistan et avec la facilitation de la Russie », a-t-il expliqué.
« Ils pourraient atteindre la frontière européenne via la Lituanie ou même la Lettonie, l’Estonie et même la Finlande et d’autres pays avec lesquels la Russie a une frontière », a ajouté le ministre lituanien des affaires étrangères.
Message aux migrants
Afin de décourager les migrants à céder aux propositions biélorusses, M. Landsbergis a tenu à leur adresser un message, au nom de toute l’UE.
« Le message de l’Europe doit être court et précis: les personnes entrant illégalement dans l’UE ne peuvent se voir accorder le statut de réfugié et seront renvoyées dans leur pays d’origine », a-t-il déclaré.
Un discours partagé par Frontex. L’agence européenne de surveillance des frontières est occupée à renforcer sa présence à la frontière lituano-biélorusse. Selon Fabrice Leggeri, le directeur exécutif de l’agence, la situation y est « préoccupante ».
M. Leggeri a déclaré aux fonctionnaires et aux législateurs de l’UE que Frontex se préparait à faire sortir les migrants de Lituanie par un mix de vols commerciaux et de vols charter pour ceux qui n’ont pas obtenu le statut de réfugié à Vilnius.
Notons que la Lituanie a déclaré l’état d’urgence au début du mois suite à l’afflux de migrants provenant de la Biélorussie. Elle a commencé à construire un double mur le long de la frontière, composé de barbelés et d’une clôture physique. Coût total: 45,9 millions d’euros.
Ce mardi, le parlement lituanien se réunira en vue adopter en urgence une loi qui rationalise les demandes d’asile. Cela signifie que tous les dossiers seront traités en maximum dix jours. Et que toute personne qui franchira illégalement la frontière sera maintenue enfermée.
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