« La Banque d’Angleterre est responsable de la chute de Liz Truss, pas les marchés »

Selon Narayana Kocherlakota, l’ancien président de la Federal Reserve Bank of Minneapolis, la Banque d’Angleterre est responsable de la chute de Liz Truss. « Les marchés n’ont pas déposé Truss, c’est la Banque d’Angleterre qui l’a fait, par le biais d’une mauvaise réglementation financière et d’une gestion de crise très subjective », écrit-il dans une chronique sur Bloomberg.

Pourquoi est-ce important ?

Liz Truss a démissionné de son poste de Première ministre britannique la semaine dernière à la suite des vives critiques dont elle a été la cible suite à sa réforme fiscale ratée. Son successeur est connu : Rishi Sunak, l'ancien ministre des Finances.

L’essentiel : les projets de réforme fiscale de Truss menaçaient la stabilité financière du Royaume-Uni. Ils ont fait grimper en flèche les taux d’intérêt à long terme et ont fait plonger la livre. La situation était si préoccupante que la Banque d’Angleterre a dû intervenir. Elle a notamment annoncé un programme d’achat temporaire de 65 milliards de livres. Si elle n’était pas intervenue, certains fonds de pension se seraient effondrés, a-t-elle fait valoir.

  • « Quoi que l’on puisse penser de sa politique, c’était son mandat », écrit Kocherlakota dans un article d’opinion sur Bloomberg. « Je suis d’accord avec de nombreux observateurs qui s’attendaient à ce que ses décisions conduisent à une inflation plus élevée, à des taux d’intérêt plus élevés et peut-être à une hausse du chômage. Mais ces résultats négatifs mettent des mois et des années à se concrétiser. Son gouvernement est tombé en quelques semaines. »

Qu’est-ce qui a mal tourné ?

Selon l’ancien président de la Federal Reserve Bank of Minneapolis, Truss n’a en fait pas vraiment été punie par le marché pour sa « prodigalité fiscale », qui a notamment fait flamber les taux d’intérêt.

  • Dans les trois jours qui ont suivi le 23 septembre, date à laquelle le gouvernement Truss a annoncé son mini-budget, la livre a perdu 2,2% par rapport à l’euro et l’indice britannique FTSE 100 a chuté de plus de 2%. « Des mouvements notables, mais à peine suffisants pour mettre un gouvernement à genoux », analyse l’économiste.
  • « Le changement le plus important est survenu lorsque le prix des obligations d’État britanniques à 30 ans a chuté de 23% », poursuit-il. « Cette chute n’avait rien à voir avec des investisseurs rationnels et leurs attentes à long terme pour le Royaume-Uni. Ce mouvement était principalement dû aux régulateurs financiers qui n’ont pas su préserver la solidité financière des fonds de pension. »
  • « Ces fonds ont acheté des obligations d’État à long terme avec de l’argent emprunté et ils ont conclu des contrats dérivés », explique-t-il. « Lorsque les taux d’intérêt ont commencé à augmenter (et donc la valeur des obligations d’État à chuter, ndlr), ces fonds ont dû mettre sur la table des garanties supplémentaires. Ils ont donc été contraints de vendre des titres d’État, ce qui a poussé les prix encore plus loin dans le gouffre.

La responsabilité de la Banque d’Angleterre

Kocherlakota estime que la Banque d’Angleterre, en tant qu’organisme chargé de surveiller le système financier, est responsable des turbulences de ces dernières semaines.

  • « En raison de certaines erreurs de supervision, la Banque d’Angleterre a été contrainte d’intervenir en urgence, en achetant des titres du gouvernement britannique pour mettre un plancher sous les prix », estime-t-il. « Mais l’institution monétaire a refusé de prolonger son soutien au-delà du 14 octobre – alors même que ses achats d’obligations d’État à long terme ont été intégralement remboursés par le Trésor. »
  • « Il est difficile de voir comment cette décision était conforme au mandat de stabilité financière de la banque centrale, et facile de voir comment elle a contribué à la chute du gouvernement », poursuit-il.
  • Kocherlakota conclut que toute personne « qui se soucie de la démocratie » devrait s’inquiéter de ce qui s’est passé au Royaume-Uni. « La Première ministre voulait tenir ses promesses de campagne. Elle a été contrecarrée non pas par les marchés, mais par une faille dans la réglementation financière », conclut-il.

(OD)

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