“Air Cocaïne” : des jets privés transportent les drogues en Europe

En France, un procès s’est ouvert récemment à la cour d’assises de la ville française d’Aix-en-Provence contre un groupe de trafiquants de drogue. Ces derniers avaient établi une véritable liaison aérienne entre l’Amérique du Sud et l’Europe au moyen d’un jet privé pour faire entrer clandestinement de la cocaïne sur le Vieux Continent. 

En novembre 2013, la brigade anti-drogue de la police dominicaine a empêché un Falcon 50 appartenant au PDG du lunettier français éponyme, Alain Afflelou, de décoller de l’aéroport de Punta Cana. La République dominicaine est en effet connue pour être devenue un centre important du trafic de drogue international. Le jet privé avait été loué à Afflelou par Frank Colin, une figure connue de la jet set de la Côte d’Azur. À son bord, les agents ont trouvé près de 700 kilogrammes de cocaïne.

L’Europe aux prises avec un « tsunami de cocaïne »

L’affaire, surnommé « Air Cocaine » est emblématique des nouvelles méthodes qu’emploient les trafiquants pour apporter la drogue en Europe. Malgré la surveillance étendue du ciel depuis les attentats du 11 septembre 2001, le Vieux Continent est en effet aux prises avec « un tsunami de poudre blanche », selon les termes du journal suisse Le Temps.

Dans leur ouvrage, L’affaire Air Cocaïne (Ed. Fayard), les journalistes Jérôme Pierrat et Marc Leplongeon expliquent que depuis le millieu des années 2000, les trafiquants ont de plus en plus recours à des avions légers, des hélicoptères et des jets d’affaires pour faire entrer la cocaïne en Europe.

Ces aéronefs provenant des Caraïbes effectuent souvent une escale aux Açores pour tromper les contrôleurs du ciel. En effet, seule la dernière escale est connue de ces derniers… et une escale dans un archipel portugais est bien moins suspecte, car elle suggère qu’il ne s’agit que d’un vol intra-Union Européenne. Les trafiquants emploient aussi des hélicoptères qu’ils font voler à basse altitude entre le Maroc et l’Espagne.

Les saisies de drogue sur ces appareils sont moins spectaculaires que les quantités massives détectées sur les cargos en provenance d’Amérique du Sud, et c’est sans doute la raison pour laquelle les médias y accordent moins d’attention.

Un marché de 5,7 milliards d’euros

Mais les saisies cumulées sont révélatrices de l’ampleur de ces trafics : rien qu’en France, on a intercepté 9,2 tonnes de cocaïne en 2017. Cela représente une augmentation de 140 % par rapport à l’année précédente. 

Les brigades anti-drogue françaises ont procédé à l’arrestation de 216 passagers « mules » sur des vols réguliers en provenance de la Guyane et des Caraïbes. Désormais, ils se concentrent aussi sur les vols d’affaires. 

Depuis 2011, Europol surveille des milliers d’aérodromes situés sur le territoire de l’UE et de la Suisse. « Les trafiquants peuvent utiliser des zones agricoles, des routes désaffectées ou même procéder à des largages. (…) Ces petits appareils échappent aux contrôles radar et ne déposent pas de plan de vol. Et, quand ils en déposent, ils sont faux », peut-on lire dans un manuel élaboré par Europol. 

Selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), l’augmentation du nombre de saisies s’explique par la hausse de la consommation de cocaïne. Près de 3,5 millions de personnes goûtent à la substance interdite chaque année au sein de l’UE. Il y a deux ans, l’Union européenne, la Norvège et la Suisse ont effectué 89 000 saisies, correspondant à un volume total de 69,4 tonnes. Au sein du bloc, le marché de la poudre blanche pèse près de 5,7 milliards d’euros, alors que la cocaïne ne représente que 10 % des saisies de drogue en volume.

Des têtes de pont dans des pays réputés pour la corruption de leurs services publics

Il n’est pas facile d’élaborer une stratégie efficace contre ce trafic de drogue, comme le révèle cette affaire. Les narco-trafiquants latino-américains peuvent établir des têtes de pont dans des pays tels que la Roumanie, la Bulgarie ou les Balkans, où la coopération avec la police et les tribunaux est particulièrement complexe.

De même, les gangs exploitent des avions de grande capacité d’occasion. L’acquisiion de ces appareils leur permet d’améliorer leur infrastructure, tout en blanchissant l’argent des trafics, et en minimisant les mouvements de fonds. « Les nuages de coke vont continuer d’assombrir le ciel européen », conclut Le Temps

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