Mitsubishi veut se débarrasser de la culture de la boisson japonaise

Les employés ne sont pas obligés d’aller prendre un verre après le travail avec leur boss dans le cadre d’afterworks : c’est le message que veut faire passer Saiko Nanri, cadre dirigeante du groupe bancaire japonais Mitsubishi UFJ Financial Group.

Au Japon, la pratique des afterworks est appelée « nomination », un mot-valise reliant le terme « nomu », le verbe boire en japonais, à la communication.

Si aujourd’hui des voix s’élèvent contre cette pratique, elle a longtemps été encouragée dans les sociétés japonaises. Pour ses défenseurs, c’est en effet l’occasion pour les employés de faire tomber les barrières avec leurs supérieurs dans un cadre informel et de renforcer les liens au sein d’une équipe, de réduire le stress ou encore de travailler à son avancement professionnel.

Comme de nombreuses entreprises japonaises ne disposent pas de systèmes d’évaluation formels, les responsables utilisent en effet souvent ces afterworks pour évaluer leurs employés. Une absence peut donc entraver le développement de carrière.

Une pratique nuisible pour les familles

Qu’un employé soit pour ou contre, la participation à ces sessions alcoolisées avec le boss est quasi-obligatoire, sous peine de conséquences négatives pour sa carrière professionnelle. Saiko Nanri, elle, a d’ores et déjà prévenu son équipe : elle n’organisera pas ces afterworks, affirmant qu’elles ne sont pas productives et injustes pour les parents de jeunes enfants.

Elle n’est pas la seule à penser ainsi, de plus en plus de personnes sont opposées à cette tradition, surtout les femmes japonaises qui travaillent. faut-il vraiment, après toute une journée passée au travail, divertir ses supérieurs le soir par dessus le marché ?

Comme l’explique Kumiko Nemoto, professeur d’université qui étudie les questions de genre dans l’entreprise : « Cette pratique démodée écarte les mères qui travaillent, ainsi que les pères qui veulent davantage contribuer à la maison, et les étrangers qui ont l’habitude d’un meilleur équilibre entre travail et vie personnelle ».

Les salariées japonaises victimes de fortes discriminations

Or, au Japon, les femmes demeurent largement sous-représentées dans les postes de cadres supérieurs et l’écart salarial femmes-hommes est de 24,5 %, le troisième plus grand écart dans le monde développé après la Corée et l’Estonie.

Face à une grave pénurie de main-d’œuvre dans une nation vieillissante, le premier ministre Shinzo Abe s’efforce de réduire le nombre d’heures supplémentaires et d’offrir davantage de flexibilité au travail afin d’attirer plus de femmes à l’emploi.

Pour Saiko Nanri comme pour d’autres, il vaut mieux améliorer les interactions entre les employés durant la journée. Le soir, elle encourage les membres de son équipe à passer du temps avec leurs amis et familles, et elle qualifie modestement son initiative de « petite tentative » pour encourager des changements dans nos manières de communiquer.

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