L’Inde éternue, préparez vos mouchoirs…

L’Inde serait-elle en train de plonger dans une crise économique ? C’est ce qu’un indicateur cher à Alan Greenspan, l’ex-président de la Federal Reserve, la banque centrale américaine, suggère. Greenspan n’omettait jamais de contrôler le niveau des ventes de slips lorsqu’il voulait se donner une idée de l’activité d’un pays. 

Il avait en effet constaté qu’en temps de crise, les sous-vêtements neufs étaient l’un des premiers postes de dépenses que les hommes décidaient de réduire.

Des baisses drastiques de chiffre d’affaires

Et si l’on en croit cette mesure, l’Inde est en difficulté. Chez Tantex, l’un des grands producteurs de sous-vêtements indiens, les ventes ont chuté de 50 %. Et ce n’est certainement pas anecdotique dans un pays où l’industrie textile, qui emploie près de 45 millions de personnes, est le deuxième employeur de l’Inde après l’agriculture.
Pire, ce n’est pas le seul secteur touché par ce recul. Les ventes de voitures ont décliné de 32 % en août, la plus forte baisse en 20 ans. Les constructeurs automobiles menacent même de mettre un million de salariés au chômage. Macrotech, un grand promoteur immobilier connu pour avoir collaboré avec l’entreprise Trump sur un projet résidentiel à Mumbai, vient de supprimer 400 emplois, suite à l’effondrement de la demande pour de nouveaux logements. Même les ventes de biscuits de la marque Parle, un incontournable des petits déjeuners indiens, ont baissé de près de 8 %. Les familles leur substituent des alternatives moins chères. En conséquence, la société Parle envisage de licencier 10 000 personnes.

L’Inde n’échappe pas aux mauvaises influences

Pourtant, l’Inde avait repris son titre d’économie à la croissance la plus rapide à la fin de l’année 2017, avec une croissance de 7,2 % au cours du dernier trimestre. Cet élan s’était poursuivi en 2018, avec un rythme proche de 8 %. Mais cette année, la croissance indienne ne devrait pas dépasser 5 %, selon le gouvernement. De même, le chômage, qui atteint 8,4 %, devrait augmenter.

Le second pays le plus peuplé de la planète, avec 1,3 milliard d’habitants, n’a pas échappé à l’influence négative du ralentissement économique mondial et de la récente flambée des cours du pétrole.

En outre, il fait partie des pays que le président américain Donald Trump a mis dans sa ligne de mire. A la fin du mois de mai, ce dernier avait décidé de mettre fin aux avantages douaniers dont l’Inde bénéficiait dans le cadre du programme « Generealized System of Preference ». Ce programme, mis en place dans les années septante du siècle dernier, visait à aider les pays en développement en annulant les droits de douane sur leurs exportations vers les Etats-Unis. En représailles, l’Inde avait relevé les droits de douane frappant une trentaine de produits importés des Etats-Unis.

La dépréciation de la roupie n’arrange rien

Au terme de son premier mandat, Modi avait été critiqué pour l’inadaptation de sa politique économique, alors que l’on commençait à entrevoir les signaux avant-coureurs d’un ralentissement. Lors de sa réélection, les analystes s’attendaient à ce qu’il entame un plan de relance pour mettre un terme à des problèmes persistants, comme la pauvreté du monde agricole et la réforme agraire.
Mais le Premier indien a préféré augmenter de façon inattendue certaines taxes sur les investisseurs étrangers, intensifiant leur désintérêt pour les valeurs indiennes. Cette tendance s’est combinée à la désaffection générale des marchés des changes mondiaux pour les devises des pays émergents. La monnaie indienne est en chute libre, et à la fin du mois d’août, elle a atteint son niveau le plus bas contre le dollar, à 71 roupies

C’est une très mauvaise nouvelle, pour un pays qui importe d’énormes quantités de pétrole. En plus de surenchérir les importations, la dépréciation de la monnaie locale a aussi pour effet de creuser encore davantage le déficit de compte courant. De plus, Comme la Chine et l’Indonésie, l’Inde est aux prises avec les retombées d’années de prêts excessifs encouragés par l’État. Les bilans des banques sont grevés de créances douteuses.

L’Inde est un précurseur

La semaine dernière, le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi a finalement admis l’ampleur du problème, et annoncé une série de mesures pour tenter d’aider les entreprises, dont une baisse de la taxe sur leur chiffre d’affaires. Lui-même devrait se rendre à Houston pour y rencontrer son homologue américain, avec lequel il compte négocier pour trouver une solution au différend commercial.

Le ralentissement de l’Inde est aussi de mauvais augure pour d’autres pays en développement d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine qui tentent de faire face  à l’affaiblissement de l’économie mondiale et aux effets de la guerre commerciale initiée par les Etats-Unis. Car le géant asiatique est le précurseur d’une tendance qui touche l’ensemble de la planète, comme le souligne Per Hammarlund, responsable des marchés émergents chez SEB, une banque suédoise.

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