Il est grand temps de revaloriser les mots « gagner de l’argent ». Tandis que le gouvernement émet une obligation d’État sous le prétexte de « faire réfléchir l’épargnant sur ses économies », le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, passe à côté de l’essentiel du problème : la faible culture financière au sein de larges pans de la société. Pourquoi ne pas commencer par une académie financière gratuite pour tous, dès la maternelle ?
« Papa, essaie de gagner beaucoup d’argent aujourd’hui ! », me rappelle mon fils de six ans quand je pars travailler. Ma femme hausse un sourcil et se demande si c’est judicieux d’accorder autant d’importance à l’argent avec nos enfants. Pourtant, en tant que conseiller financier et fiscal, je vois chaque jour des entrepreneurs qui ne savent pas pourquoi ils entreprennent. Ils n’ont souvent même pas une idée claire de leurs objectifs financiers personnels. Mes questions sont souvent perçues comme matérialistes, voire superficielles. Gagner de l’argent est devenu un tabou, en grande partie à cause du climat démoralisant pour les entrepreneurs dans notre pays.
« Avoir un impact positif » ou « rendre le monde meilleur » sont des réponses courantes parmi les entrepreneurs. Malheureusement, celles-ci ne sont souvent rien de plus que de la virtue signalling ; une démonstration de bonne valeur morale. Tout entrepreneur adulte devrait comprendre qu’un flux financier positif est nécessaire pour avoir un impact, ce qui se traduit par l’EBITDA (« Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization »), qui conduit à la croissance financière personnelle. Votre patrimoine est donc intrinsèquement lié à l’impact que votre entreprise peut avoir.
L’obligation d’État de Van Peteghem est à cet égard surtout moralisatrice. L’essentiel du problème est négligé : la faible culture financière parmi de larges strates de la population. Je le vois tous les jours avec des entrepreneurs individuels comme avec des PME : des chefs d’entreprise travaillent dur depuis dix ans sans progresser financièrement. Ils se demandent alors pourquoi ils entreprennent. Combien de mariages échouent parce qu’ils n’ont pas généré assez d’argent ?
J’ai cherché en vain un livre ou un cours sur la gestion financière pour les PME de dix à trente employés. Rien trouvé : pas de livre, pas de formation, même pas dans les écoles de commerce et de gestion de notre pays. Le gouvernement a longtemps débattu d’une réforme fiscale ratée. À quoi sert une réforme si la majorité des personnes concernées n’ont pas les connaissances de base pour la comprendre et l’appliquer ? Éduquer financièrement le Belge moyen est une priorité. Et cela commence par parler d’argent. Pourtant, personne ne s’y intéresse.
Pourquoi ne pas encourager l’esprit d’entreprise et la gestion de l’argent dès la maternelle et l’école primaire ? Pourquoi ne pas apprendre aux enfants de manière ludique des concepts tels que l’investissement et l’inflation ? Trop souvent, dès le plus jeune âge, nous entendons « reste simple, c’est déjà assez fou ». Nous lissons les aspérités et créons un environnement sûr. Mais dans ce monde idéalisé, les enfants n’apprennent pas grand-chose sur le monde réel.
Celui qui dit que la satisfaction, le sens ou le fait de rendre le monde meilleur sont plus importants que de mettre du pain sur la table ne comprend pas la chronologie du jeu entrepreneurial. Un entrepreneur s’assure d’abord d’avoir assez à manger, puis il peut réfléchir à la décoration de la table. Aujourd’hui, il n’est plus de bon ton de se préoccuper trop de l’argent. Cela m’agace énormément lorsque des entrepreneurs prospères déclarent dans des interviews ou des discours que « l’argent n’a jamais été une motivation ». C’est hypocrite, car sans argent, ils ne seraient pas où ils sont.
Ne pas comprendre ce jeu, minimiser l’importance de l’argent et entreprendre, c’est jouer avec le feu. Ce n’est qu’en comprenant la véritable valeur de l’argent et en cessant de le considérer comme tabou que nous pouvons l’utiliser pour créer de la prospérité et avoir un impact dans nos vies.
Un de mes projets futurs est de créer une académie financière pour tous. Quelqu’un doit le faire, et ce n’est pas nécessairement le rôle du gouvernement. Alors, cher Monsieur le ministre Van Peteghem, je crois que nous partageons un objectif commun : faire réfléchir les Belges sur leur argent. Pas seulement réfléchir, mais aussi agir et encourager l’entrepreneuriat. Peut-être devrions-nous discuter de notre stratégie. Pourriez-vous inviter votre collègue et ministre flamand de l’Éducation, Ben Weyts, à nous rejoindre ?
L’auteur, Roberto Musardo, est associé gérant et fondateur de House of Finance.