La COP26, c’est aussi du business ; en marge des discussions politiques, le port d’Anvers a conclu un accord avec le Chili, pour le commerce d’hydrogène. Le gaz est vu comme l’énergie du futur, mais il n’est pas encore sûr s’il est lucratif de le transporter depuis l’autre bout du monde.
Le port d’Anvers est largement considéré comme un des plus importants en Europe. Il souhaite également devenir une porte d’entrée vers l’Europe pour la ressource que de nombreuses voix pointent comme l’énergie du futur: l’hydrogène.
« La fusion prochaine entre le port d’Anvers et celui de Zeebrugge donnera au nouveau port une position de premier plan en tant que centre d’importation de molécules d’hydrogène vertes », a déclaré Jacques Vandermeiren, PDG du port d’Anvers, dans une vidéo montrée lors d’un événement organisé par le port, pour la COP26, reprise par le média Euractiv.
Hydrogène vert? L’hydrogène est produit par électrolyse, c’est-à-dire que l’eau, à laquelle on ajoute des alcalines, est séparée par deux pôles électriques. L’un attire le gaz d’hydrogène, l’autre l’oxygène. La machine qu’il faut, l’électrolyseur, nécessite de l’électricité pour tourner. L’hydrogène est alors vert lorsque l’électricité utilisée pour la production vient d’une source d’énergie renouvelable.
La version plus polluante est l’hydrogène gris: le méthane est séparé, via de la chaleur, ce qui libère de l’hydrogène. Mais cette méthode libère aussi des quantités énormes de carbone, sept à huit fois plus élevées que la quantité d’hydrogène gagnée. Le carbone peut cependant être capté lors de la production, on parle alors d’hydrogène bleu.
Chili, quel parc énergétique?
L’accord entre le port et le Chili intervient quasi en même temps qu’ un accord similaire, entre la Belgique et la Namibie. De nombreuses critiques estimaient que la Namibie, malgré le soleil abondant vanté par la ministre Van der Straeten, n’avait même pas assez d’énergie pour alimenter toute sa population. Quelles sont donc les capacités de production d’électricité, moyennant énergies renouvelables, du Chili?
Ici encore, on parle plus de « potentiel ». Le pays d’Amérique du Sud, compte 4.200 kilomètres de côtes, et des déserts dans le nord. Le potentiel est donc dans l’éolien off-shore et le photovoltaïque. « L’hydrogène vert est le meilleur moyen d’exploiter ces ressources et de les partager avec le monde », s’est exprimé Juan Carlos Jobet, ministre chilien de l’Énergie, lors de l’événement organisé par le port, repris par Euractiv.
Mais aujourd’hui, le renouvelable n’est pas encore grandement exploité au Chili. Selon la commission chilienne de l’énergie, seulement 25,7% de l’électricité sont produits via les énergies renouvelables.
Souci majeur de l’hydrogène: le stockage et le transport
Du Chili, côté Pacifique de l’Amérique latine, jusqu’en Belgique, c’est loin. 25-30 jours, pour être exact. Mais le souci de l’hydrogène est que les experts ne sont pas encore sûrs sur la meilleure manière de le transporter. Pour l’heure, il peut être transporté dans des bonbonnes, mais la pression est très forte: entre 350 et 700 bars, ou par des gazoducs, mais il est plus léger et avance moins bien que le gaz naturel. Les experts cités par Euractiv se demandent si « l’hydrogène peut être transporté d’un continent à l’autre tout en restant compétitif en termes de coûts ».
La question qu’on peut aussi se poser est que si on produit de l’hydrogène vert, pour diminuer les gaz à effet de serre, n’est-il alors pas contradictoire de la transporter à travers les océans du monde entier, sur des bateaux qui polluent énormément? D’autant que l’hydrogène lui-même pourrait déjà avoir un impact négatif sur les gaz à effet de serre.
Gniewomir Flis, expert en hydrogène pour le think tank Agora Energiewende, explique à Euractiv que l’hydrogène est « plus difficile à stocker et à transporter que le gaz naturel liquéfié » et »la plupart des pays peuvent produire localement suffisamment d’hydrogène bon marché ».
Produire localement
En octobre, une usine de production d’hydrogène vert a été ouverte aux Pays-Bas, non loin de la frontière belge. Une première pour le Benelux. Reliée à un parc éolien off-shore, elle produira ainsi de l’hydrogène de manière propre, sans émission de carbone.
Un réseau gazoducs permettra alors de la raccorder facilement aux industries, nombreuses dans le coin (notamment chimique, l’hydrogène sert aussi pour faire de l’ammoniac et des engrais), sans devoir dépenser des tonnes de CO2 dans le transport maritime, et sans créer de dépendances à des pays tiers.