Si une guerre se perd ou se gagne en grande partie selon les quantités de chars, d’avions, de fusils, de carburant, et d’hommes et de femmes pour les utiliser dont dispose chaque camp, le bilan final – y compris devant l’Histoire – dépend aussi de la manière dont chacun informe sur la situation. Et c’est d’autant plus vrai depuis que celle-ci est décentralisée au possible et quasiment instantanée, chaque smartphone sur le terrain devenant une arme supplémentaire pour la cause. Et à ce jeu-là, le président ukrainien semble avoir quelques coups d’avance sur son homologue russe.
Selon The Guardian, si des sanctions aussi drastiques que l’exclusion du SWIFT ont pu être décidées aussi vite à l’encontre de la Russie, c’est en grande partie parce que Volodymyr Zelenskiy a personnellement incité de nombreux chefs d’Etat à passer ce cap. Le président ukrainien a enchaîné les coups de téléphone, encouragé par le soutien populaire que la cause de son pays avait suscité à travers l’Europe. Petit à petit, au fil de ses entretiens avec Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen, Mario Draghi, ou encore Recep Tayyip Erdoğan pour n’en citer que quelques-uns, il a réussi à mettre d’accord une bonne partie du monde à mettre en place des sanctions d’une sévérité presque inédite, tout en obtenant aussi de nombreux soutiens matériels pour continuer la lutte en Ukraine.
91% d’opinion favorable dans son propre pays
Le président ukrainien a aussi su utiliser l’arme qu’est devenue Twitter, prenant grand soin à successivement appeler à l’aide, encourager, ou même remercier chacun de ses alliés, tout en offrant ainsi ses propres faits et gestes au grand flux de l’info dans lequel baigne l’opinion publique. Sur cette guerre-là, chaque photo, chaque citation reprise un peu partout vaut bien autant qu’un chargement de munitions.
Et ça marche. Zelenskiy n’a jamais été aussi populaire, ni même sans doute aucun autre chef d’État ukrainien avant lui. Selon les données compilées à partir de 2.000 personnes interrogées dans toute l’Ukraine, 91% des répondants soutiennent Zelenskiy, seuls 6% disent ne pas le soutenir et 3% restent indécis. C’est trois fois plus qu’en décembre dernier. Les résidents de Crimée et des zones tenues par les rebelles dans l’est de l’Ukraine ont été exclus de l’enquête, selon la BBC. Interrogés sur les chances de l’Ukraine de repousser l’assaut russe, 70 % des personnes interrogées ont répondu qu’elles pensaient que c’était possible.
Le Kremlin communique à la soviétique
Du côté russe, on a visiblement du mal à sortir de ses vieux schémas de gestion de l’information. Le président Poutine se fait discret hors de ses grands discours télévisés, et la communication interne du pays se repose en grande partie sur la télévision officielle, d’ailleurs toujours la principale source d’information en Russie. Des journalistes critiques envers le pouvoir s’organisent pour offrir une info alternative sur des applications comme Telegram, alors que Twitter reste peu utilisé dans le pays.
Ce qui ne veut pas dire que la Russie n’utilise pas les réseaux sociaux ; elle le fait de manière plus insidieuse (mais peu subtile) en tentant de hacker les comptes d’officiels ukrainiens sur Facebook, ou en spammant sur Twitter, tentant de semer le doute dans l’opinion publique internationale. Les deux réseaux sociaux ont d’ailleurs annoncé ce matin qu’ils avaient suspendu de nombreux comptes jugés problématiques.
Piratages et spamming intensif
Un porte-parole de Twitter a déclaré que la société avait également suspendu plus d’une douzaine de comptes et bloqué le partage de plusieurs liens pour avoir enfreint ses règles contre la manipulation de la plateforme et le spam. Il a ajouté que l’enquête en cours indiquait que les comptes provenaient de Russie et qu’ils tentaient de perturber le débat public sur le conflit en Ukraine.
Quant à Meta, l’entreprise a attribué les efforts de piratage à un groupe connu sous le nom de Ghostwriter, qui aurait réussi à accéder aux comptes de médias sociaux de ses cibles. Meta a déclaré que les pirates ont tenté de poster des vidéos YouTube à partir des comptes décrivant les troupes ukrainiennes comme affaiblies, y compris une vidéo qui prétendait montrer des soldats ukrainiens sortant d’une forêt et arborant un drapeau blanc de reddition. La guerre de l’info ne fait que commencer.