Web Analytics

Germany first : les belles paroles d’Olaf Scholz pour l’Europe ne sont pas suivies d’actes

Germany first : les belles paroles d’Olaf Scholz pour l’Europe ne sont pas suivies d’actes
Sean Gallup/Getty Images

La confiance en l’Allemagne s’effrite au sein des États membres. La volonté allemande de tirer l’Europe vers le haut et d’en être le meneur de jeu se heurte à la réalité des faits. La crise énergétique actuelle ne fait que le démontrer.

Au premier rang des reproches, il y a bien sûr ce plan d’aide à 200 milliards d’euros. C’est un fait que Berlin n’est pas la seule capitale européenne à mettre en place un plan de soutien aux ménages et aux entreprises. Mais l’enveloppe accordée est sans commune mesure avec ses partenaires.

Certes, l’Allemagne, dont les finances publiques sont encore en bonne santé, peut se le permettre. Mais les autres États membres voient cette aide comme anticoncurrentielle, agrandissant le fossé déjà béant entre les entreprises allemandes et celles du reste de l’Europe.

Égoïsme

Malgré les larges sourires à Prague, lors du Sommet européen informel de la semaine dernière, tout le monde reproche à l’Allemagne de faire cavalier seul. Ce qu’Alexander De Croo et Mario Draghi ont dit de manière diplomatique, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, l’a répété sans prendre de pincettes. Il accuse l’Allemagne et son chancelier « d’égoïsme » et leur comportement « de menace » pour l’Europe.

« Le pays le plus riche, le pays le plus puissant de l’UE essaie d’utiliser cette crise pour obtenir un avantage concurrentiel pour ses entreprises sur le marché unique. Ce n’est pas juste, ce n’est pas comme ça que le marché unique devrait fonctionner », a déclaré M. Morawiecki, cité par Politico. Il est loin d’être le seul à le penser.

Cynisme

Le plus cynique dans tout ça, c’est qu’Olaf Scholz se pavane devant les caméras, en ne cessant de citer l’Union européenne comme le pivot de sa politique. À la fin du mois d’août, rappelle Politico, il a emmené un avion rempli de journalistes pour prononcer un « discours historique » sur l’Europe, dans la prestigieuse université Charles de Prague.

« Ces dernières années, de nombreuses personnes ont réclamé à juste titre une Union européenne plus forte, plus souveraine et plus géopolitique, une Union consciente de sa place dans l’histoire et la géographie de ce continent et qui agisse avec force et cohésion dans le monde », a déclaré M. Scholz à son auditoire. « Les décisions historiques prises au cours des derniers mois nous ont rapprochés de cet objectif. »

Dans un entretien accordé au journal espagnol El Pais, Scholz est allé encore plus loin, entonnant la « responsabilité spéciale » de l’Allemagne de diriger l’Europe, en tant que grande puissance centrale.

La réalité des faits

Rien n’est moins vrai. Dans les faits, l’Allemagne a longtemps hésité à envoyer de l’armement en Ukraine, au contraire de la plupart des autres capitales. Au printemps, elle n’a pas poussé à augmenter le budget d’une éventuelle sécurité européenne, mais a annoncé un plan à 100 milliards d’euros pour sa défense personnelle.

Actuellement, l’Allemagne bloque toujours un plafonnement des prix du gaz au niveau européen, expliquant qu’un tel plafond pourrait mettre en danger notre approvisionnement.

La semaine dernière, Scholz s’est rendu en Espagne pour y discuter d’un éventuel pipeline qui relierait le Sud de l’Europe à l’Europe du Nord, en passant par la France pour aboutir en l’Allemagne, notamment pour que Berlin bénéficie du gaz algérien. La France y voit un projet coûteux, anti-environnemental, et dont l’utilité est encore à démontrer, les infrastructures existantes ne fonctionnant pas à pleine capacité, selon Paris. L’Allemagne envisagerait maintenant un projet pour contourner la France, par la mer.

Bien avant la crise ukrainienne, il a été maintes fois répété à l’Allemagne que sa dépendance au gaz russe était problématique. Mais là encore, Berlin a fait cavalier seul. Même l’annexion de la Crimée en 2014 n’a pas fondamentalement changé sa politique.

Aujourd’hui, il est peu probable que l’Allemagne recule sur son plan à 200 milliards. La raison en est aussi politique : les sociaux-démocrates (SPD) sont désormais en troisième position dans les sondages, à 10 % des chrétiens-démocrates (CDU). Un abandon du plan porterait sans doute un coup fatal à son parti.

Plus d'articles Premium
Plus