Futur char de combat européen : tergiversations allemandes et crispations françaises

Alors que la France s’apprête à prendre le relai de la présidence du Conseil de l’Europe en janvier prochain, et que l’UE se retrouve de plus en plus confrontée à des enjeux de nature militaire, la ministre française des Armées, Florence Parly, a présenté à l’Assemblée nationale de son pays les priorités que celui-ci devrait se fixer.

Il faut souligner que les grands chantiers européens en matière de défense semblent tous au point mort, ou presque. Le SCAF, ou “système de combat aérien du futur” est actuellement bloqué sur les planches à dessin alors que Dassault Aviation et Airbus peinent à se mettre d’accord au sujet de la charge de travail et de la propriété intellectuelle. Quant au fameux Eurodrone, l’avion sans-pilote polyvalent prévu initialement pour 2019, il accumule les retards : la France et l’Allemagne attendent toujours l’accord de l’Espagne sur la poursuite du programme, attendue normalement pour novembre. Ensuite seulement pourront être rédigés les contrats définitifs.

Nouveau char franco-germanique

Nouvelle innovation militaire européenne pour laquelle rien n’est encore vraiment sur les rails : le Main Ground Combat System [MGCS], qui vise à mettre au point un « système de systèmes » centré autour d’un char de combat franco-allemand de nouvelle génération. Celui-ci sera destiné à remplacer deux machines d’excellentes factures : le Leopard-2 germanique, et le Leclerc gaulois.

Mais alors que le MGCS est envisagé depuis 2012 et que sa mise en service est annoncée pour 2035, rien n’avance. A cause, apparemment, d’une brouille du côté germanique : alors que la France tenait à une répartition des tâches à 50-50 entre le français Nexter et l’allemand Krauss-Maffei Wegmann, Berlin a imposé un troisième acteur, à savoir Rheinmetall. Or, en avril dernier, le Délégué général pour l’armement, Joël Barre, avait expliqué que l’un des points de blocage était dû à un désaccord entre Nexter et Rheinmetall « sur la partie canon du futur char » rappelle le site spécialisé Opex360.

Le problème du fut du canon

La ministre des Armées n’a pas dit le contraire: « La balle est dans le camp des industriels allemands, en particulier dans celui de Rheinmetall. Donc, ces industriels allemands doivent trouver entre eux les conditions d’un accord pour se répartir les tâches et les travaux. En attendant, nous avançons sur l’architecture du système. Ces travaux se poursuivront jusqu’à la mi-2022. Et nous le faisons au niveau des équipes étatiques entre la France et l’Allemagne. La question est d’abord une question entre industriels allemands. »

Il faut dire que les sujets portant sur l’équipement militaire sont vite fort sensibles en Allemagne, où la mémoire de l’histoire du pays durant le XXe siècle demeure douloureuse. Ainsi, l’Eurodrone – un engin d’observation, mais pouvant être converti en bombardier – avait suscité des polémiques dans l’opinion publique.

En octobre, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, avait mis le blocage du MGCS sur le compte de la situation politique en Allemagne, où une nouvelle coalition gouvernementale devait se mettre en place. Le CEMAT estimait à l’époque que « Si le MGCS ne peut pas être réalisé avec l’Allemagne, il faudra soit envisager un programme franco-français, soit s’appuyer sur la communauté SCORPION tournée vers le Benelux », la France ayant mis sur pied un partenariat stratégique avec la Belgique afin d’uniformiser les doctrines d’opérations et faciliter ainsi le travail en commun, l’Armée belge utilisant déjà des véhicules blindés français Griffon et Jaguar.

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