L’Australie et le Royaume-Uni rejoignent un accord de coopération militaire sous l’égide des États-Unis. L’objectif principal en est la modernisation des forces australiennes, en particulier la marine. Une manière de mettre la pression sur la Chine. Mais aussi un camouflet à la France, qui pensait avoir obtenu ce marché.
Alors que la République populaire de Chine renforce régulièrement son potentiel naval ces dernières années et que les tensions montent autour du détroit de Taïwan, Les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni viennent de convenir d’un pacte tripartite de collaboration militaire. Baptisé Aukus, cet accord a pour principal but de convenir sous les 18 mois d’un plan pour moderniser la flotte australienne et la doter de sous-marins nucléaires d’attaque (SNA).
Attention : il s’agit là d’engins à propulsion nucléaire et dédiés à des missions de protection, de renseignement et de projection de puissance ; lutte anti-navire ou anti-sous-marine, voire attaque côtière à l’aide de missiles de croisière, selon les modèles. Mais en aucun cas de vaisseaux dotés d’armes nucléaires. Ce rôle reste dévolu aux SNLE, les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, qui ont pour mission principale la dissuasion atomique.
Parfum de guerre froide
L’accord Aukus, qui prévoit une collaboration accrue dans le développement de sous-marins, mais aussi dans le domaine des intelligences artificielles et dans les technologies de défense, vise fort logiquement à contrecarrer les intérêts chinois dans le Pacifique, les flottes de Pékin se faisant de plus en plus présentes, en particulier autour de Taïwan et de détroits stratégiques d’Insulinde. Et l’Empire du Milieu n’est pas dupe, selon le diplomate Liu Pengyu: « Des pays ne devraient pas construire des blocs d’exclusion ciblant ou nuisant aux intérêts de tierces parties. En particulier, ils devraient se débarrasser de leur mentalité de guerre froide et de leurs préjugés idéologiques. »
L’Australie compte ainsi moderniser sa flotte, qui disposait encore de six sous-marins de classe Collins à propulsion mixte diesel-électrique, des engins de conception suédoise mais produits en Australie sous transfert de technologie, et entrés en service entre 1996 et 2003. Or ceux-ci ont vieilli très vite et ont été victimes de plusieurs incidents: dès 2009, leur profondeur de plongée maximale aurait été limitée à 200 m par précaution.
Affront à la France
Leur remplacement par des submersibles plus modernes est un sujet sensible down under, où différents groupes de pression semblent à l’œuvre pour orienter le pays vers tel ou tel partenaire. Comme l’homme d’affaires Gary Johnston, qui s’est fait le chantre d’un accord avec les Américains, et donc d’une solution nucléaire: « Si le gouvernement veut continuer à déployer des sous-marins […] aux côtés de l’US Navy, le devoir de vigilance de la nation envers les hommes et les femmes dévoués des forces de défense australienne implique que nous devons entamer le long et difficile processus d’acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire. »
C’est finalement pour cette solution qu’a opté le gouvernement australien en rejoignant l’accord Aukus, au grand dam de… la France. Car en optant pour un partenariat entre anglo-saxons, l’île-continent jette de facto à l’eau l’accord qui avait déjà été signé avec l’armateur hexagonal Naval Group. Celui-ci avait remporté l’appel d’offres pour la livraison de 12 engins sous-marins basés sur la classe nucléaire Suffren, mais reconvertis en propulsion mixte diesel-électrique ; une variante nommée Shortfin Barracuda. Un contrat à 90 milliards de dollars qui échappe donc à la France suite à une manœuvre de trois de ses alliés. Un véritable affront même : alors que la France reste une puissance navale très active dans le Pacifique, où elle possède toujours des territoires, la voilà rejetée d’un accord qui fait incontestablement partie de la grande stratégie anglo-saxonne pour mettre un frein aux appétits chinois dans ces eaux.
Le choix de la propulsion nucléaire pour l’Australie pose en tout cas question, car le pays repose encore énormément son approvisionnement énergétique sur les carburants fossiles, et ne dispose pas d’un secteur nucléaire civil très développé. Mais en juin dernier, le pays a redémarré l’exploitation de l’uranium de la mine de Honeymoon, à l’arrêt depuis 2014 car considéré comme plus rentable. Ce n’est peut-être pas une coïncidence.
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