« Évitez les actions européennes »: l’économie du Vieux Continent n’a vraiment plus grand-chose pour elle

Hausse des taux d’intérêt, dépendance au gaz russe, rentabilité maigre et investissement risqué : des experts passent l’économie européenne sous la loupe, et déconseillent d’investir. Une situation qui pourrait faire perdre des financements à l’Europe, alors que la récession se profile déjà.

Un triste constat, mais qui confirme que l’économie ne tourne pas rond en Europe. Pour Willem Sels, Chief Information Officer (CIO) de la banque HSBC, ce ne serait pas le moment d’acheter des actions européennes.

« Je déconseille d’acheter les actions européennes », explique-t-il, cité par CNBC. Les actions européennes sont généralement vues comme des actions dites de valeur, c’est-à-dire relativement peu chères par rapport à leurs fondamentaux, et qui offrent des revenus stables sur le long terme (contrairement aux actions à forte croissance qui offrent des revenus rapides, et qui sont plutôt américaines).

Bénéfices : hécatombe en vue?

Mais en ce moment, il ne faudrait pas se laisser tenter par les prix bas et ne pas buy the dip. Cela ne va pas « compenser le risque supplémentaire que l’on prend », prévient Sels. Il pense notamment au ratio prix/bénéfices (prix de l’action comparé aux bénéfices d’une entreprise), selon lequel l’achat ne vaudrait pas le coup. Autre mise en garde du CIO : les hausses des taux d’intérêt et leurs impacts sur l’économie européenne, que ce soit en Suède, au Royaume-Uni ou dans la zone euro.

Le troisième trimestre touche en plus à sa fin, et dans les semaines à venir les résultats des entreprises vont tomber. Les analystes s’attendent à des baisses générales, à échelle mondiale. « Nous voyons un ralentissement économique, des pressions inflationnistes plus fortes et plus longues, et des dépenses publiques et privées plus importantes pour faire face aux conséquences à court terme et aux causes à long terme de la crise énergétique », explique Nigel Bolton, stratégiste pour BlackRock, cité par CNBC.

Énormes divergences par secteur : qui consomme du gaz, et combien?

Bolton est moins catégorique que Sels dans son analyse sur le bien-fondé d’acheter des actions européennes. Ceux qui savent choisir des actions peuvent s’y retrouver, estime-t-il. Il y aurait de grandes divergences entre les entreprises et entre les différents pays et régions. Il faudrait reconnaître les domaines qui peuvent profiter des hausses des coûts. Il pointe notamment vers les actions des banques, favorisées par les hausses des taux.

Mais pour les actions à éviter, il dresse une règle d’or : observer les factures d’énergie, par rapport aux bénéfices, et voir si les entreprises utilisent de l’énergie renouvelable. Et c’est là que le constat devient douloureux.

« Les besoins énergétiques de l’industrie chimique européenne étaient équivalents à 51 millions de tonnes de pétrole en 2019. Plus d’un tiers de cette énergie est fournie par le gaz, tandis que moins de 1% provient des énergies renouvelables », constate Bolton. Des armes existent contre les prix du gaz, comme le fait de pouvoir reporter les hausses sur les consommateurs, ce qui n’est pas possible pour tout le monde. Ce qui pourrait être un piège si on se réfère aux entreprises qui en temps de croissance faible se débrouillent habituellement mieux que la mêlée. Le secteur de la brasserie, par exemple, note-t-il.

Mais force est de constater que le prix du gaz fait déjà des ravages dans l’industrie. Dans l’automobile par exemple, Volkswagen a annoncé ce vendredi vouloir quitter l’Europe de l’Est à cause des prix insoutenables et à cause de la dépendance au gaz russe. Dans la sidérurgie, 30% de la production était à l’arrêt, début septembre, et les représentants s’attendent à ce que cette part continue d’augmenter.

Voilà le constat pour l’instant. Les réserves de gaz sont actuellement presque pleines, et l’Europe devrait pouvoir passer l’hiver au chaud, sauf en cas d’une vague de froid importante. Mais pour 2023, l’approvisionnement en gaz reste encore à définir, et des rationnements d’énergie seraient envisageables. Les entreprises seraient les premières touchées.

Dans tous les cas, si les investisseurs fuient l’Europe, comme le suggèrent ces analystes, les entreprises voient une porte de financement de plus se fermer, à côté d’une bourse qui est dans le rouge et de prêts qui deviennent de plus en plus chers.

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