L’Europe veut écrémer les surprofits des producteurs d’électricité, mais voici pourquoi certains pourraient en être exemptés

Un plafond de 180 euros le MWh, et au-delà, les profits des producteurs d’énergie bon marché sont récupérés entièrement par les Etats. Une mesure qui pourrait cependant mettre en péril certaines sources énergétiques et le mouvement pour se débarrasser du gaz. Les pays européens demandent à la Commission d’inclure différentes exemptions dans sa proposition.

Le marché européen de l’électricité est distordu. La dernière unité de production, la plus chère (actuellement le gaz), est celle qui fixe les prix. Un système qui, avant, avait son équilibre, mais qui avec la guerre en Ukraine et l’explosion des prix du gaz punit sévèrement les ménages et les entreprises.

L’électricité dont le coût marginal est faible, comme le renouvelable et le nucléaire, est vendue très cher aux consommateurs. Les producteurs réalisent une marge énorme, à laquelle l’Europe s’attaque désormais. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, l’a annoncé mercredi dernier, parmi d’autres mesures, lors de son discours sur l’état de la Nation. Prévu est un « plafond des revenus » de 180 euros le mégawattheure, au-delà duquel les profits seront écrémés, pour être redistribués aux États et aux ménages. Une sorte de compromis entre un plafond des prix et une taxe sur les surprofits. 117 milliards d’euros seraient à la clé.

Premières demandes d’exemptions

Voilà pour les grandes lignes. Les pays européens doivent encore acquiescer le projet, ce qui pourrait avoir lieu au prochain sommet européen, début octobre. Des précisions de la mesure, ou demandes d’exemptions, commencent déjà à voir le jour. C’est ce que montre un document de la République Tchèque, actuelle présidente de l’UE, que Euractiv a pu consulter.

  • Houille

Une première demande concerne le charbon, en particulier la houille, qui a un coût de production supérieur à 180 euros le mégawatt/heure. Avec un plafond, les producteurs seraient obligés de vendre à perte, ou arrêteraient simplement de produire de l’électricité, ce qui peut devenir compliqué dans un contexte où l’approvisionnement en gaz est moins élevé que les autres années. L’idée proposée dans le document est d’instaurer un plafond spécifique à cette source de production d’électricité.

La lignite, un autre type de charbon, n’est pas visée par cette demande, car le coût de production d’électricité avec la lignite est inférieur à 180 euros le MWh.

  • Solutions d’appoint

Autre demande d’exemption : les solutions de stockage, par exemple les batteries, ou les solutions de réponse à la demande, en cas de forte charge du réseau, comme les réservoirs. Ces deux solutions sont les concurrents directs des centrales à gaz, qui sont les dernières du réseau à être appelées pour fournir du jus, selon le fonctionnement du marché.

Or, ces solutions jouent un rôle dans la réduction de la consommation de gaz. Plus il y a de ces solutions, moins il faut brûler du gaz pour couvrir la demande, en somme. Pour que ces solutions restent lucratives et continuent à attirer les investissements, elles devraient être exemptées des plafonds de revenus, estiment les pays.

  • Biométhane

Même argument pour le biométhane, produit à partir de déchets organiques, qui pourrait à terme remplacer le gaz naturel. Un plafond limiterait l’intérêt et les investissements, alors que l’Europe veut pouvoir compter sur toutes les alternatives pour se débarrasser du gaz russe.

Complexité

Pour Bram Claeys du Regulatory Assistance Project, une ONG centrée sur l’énergie et le climat, ces différents amendements ne rendent la proposition qu’encore plus compliquée. « Le niveau de complexité du mécanisme de capture des revenus devient stupéfiant », explique-t-il à Euractiv. « Surtout le nombre de dérogations possibles. Sans parler du travail qu’il faudrait faire pour démêler les revenus des transactions sur le marché day ahead et à plus long terme ».

« On peut se demander si cela justifie la différence d’approche entre les entreprises d’électricité et la ‘contribution de solidarité’ sur les bénéfices imposables des entreprises pétrolières, gazières et charbonnières », ajoute-t-il.

La balle est maintenant dans le camp de la Commission. Reste à voir quelle réponse elle donnera à ces demandes : dans le dossier chaud du marché de l’énergie, la Commission et les pays ne semblent pas toujours s’entendre : les propositions de l’un ne sont souvent pas reprises par l’autre, et vice versa. Comme l’a montré l’exemple du plafond sur le gaz russe qui n’a pas retenu l’attention des 27 ministres de l’Energie, puis leur proposition de plafond sur le gaz et les prix en général que la Commission n’a pas repris dans sa réponse aux ministres non plus.

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