Un tueur de chars à l’affut : les États-Unis vont-ils envoyer des avions d’attaque au sol A-10 en Ukraine ?

Frank Kendall, secrétaire de l’US Air Force, a ouvert la porte à la livraison d’avions Fairchild Republic A-10 Thunderbolts américains à l’Ukraine. Peu de temps auparavant, le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Charles Q Brown, avait déclaré que l’Ukraine devait tôt ou tard se débarrasser de sa flotte d’appareils soviétiques. Un premier pas vers des livraisons d’avions de combat occidentaux ?

Les deux hommes ont été invités à l’Aspen Security Forum, une conférence annuelle sur la défense qui se tient aux États-Unis du 19 au 22 juillet. David Ignatius, journaliste au Washington Post et modérateur du forum, a posé des questions pièges à Frank Kendall, notamment : « De quoi notre armée de l’air devrait-elle se débarrasser ? »

« Du vénérable A-10 … qui n’est plus un avion dont nous aurons besoin contre les ennemis que nous craignons le plus maintenant », a répondu Kendall. L’A-10, développé au plus fort de la guerre froide, est l’avion parfait pour soutenir les troupes au sol à courte distance. Il est doté d’un blindage particulièrement épais et d’un puissant canon à tir rapide capable de tirer quelque 3.900 cartouches de 30 millimètres par minute, dont les pointes sont en uranium appauvri pour percer les blindages. Il dispose également de 11 points de fixation pour des bombes ou des missiles.

Le tueur de chars doit disparaître

Cet avion très lourd n’a plus sa place dans l’US Air Force actuelle, où l’A-10, vieux de 50 ans, doit céder la place à des outils technologiques plus modernes, comme le F-35 de Lockheed Martin. Le retrait progressif des « tueurs de chars » (les projectiles perforants de son canon traversent aisément le blindage du plus solide des chars) est prévu à partir de 2023 ; 21 modèles seront retirés du service cette année-là. Néanmoins, il serait dommage que l’US Air Force se contente de reléguer les A-10 à la casse, ou de les parquer dans un désert perdu, où ils seront progressivement rongés par les ravages du temps.

Ignatius y a d’ailleurs songé: « Une idée en passant : pourquoi ne pas donner ces A-10 à l’Ukraine ? » Le même matin, un autre invité du forum, le général Brown, chef d’état-major, apportait son éclairage sur l’avenir de l’armée ukrainienne. Il a suggéré que, tôt ou tard, elle devrait dire adieu à ses Sukhoi et ses MiG, des avions de combat qui datent encore de l’ère soviétique.

L’officier américain a également immédiatement suggéré qu’à l’avenir, l’Ukraine pourrait passer à « quelque chose de non-russe », laissant entendre que le pays pourrait se tourner vers l’Occident pour obtenir du matériel de guerre. Lors d’une autre conversation avec Ignatius, ce point est revenu sur le tapis : « Ce que l’Ukraine veut dépend uniquement de l’Ukraine elle-même. Mais les anciens systèmes américains (comme l’A-10, ndlr) sont une possibilité. Nous sommes ouverts aux discussions sur les besoins et sur la manière dont nous pouvons les aider », a déclaré le chef d’état-major à Aspen. Toutefois, avec le Gripen suédois, le Rafale de Dassault français et le Typhoon d’Eurofighter, il existe également des avions européens équivalents en option.

« Des nouvelles particulièrement bonnes »

Il y a donc une chance que les A-10 américains arrivent en Ukraine tôt ou tard, même s’il ne semble pas que l’armée de l’air ukrainienne puisse les utiliser dans la lutte contre les Russes. Bien que le pays soit déjà en demande d’avions de chasse occidentaux. Lorsque Kendall et Brown ont été interrogés en mars dernier sur la possibilité de fournir à l’Ukraine du matériel de guerre lourd, c’était absolument hors de question : cela entraînerait une escalade du conflit et pourrait conduire à sa propagation à d’autres pays de la région.

Aujourd’hui, cependant, la situation est différente : plusieurs partenaires de l’OTAN ont livré à l’Ukraine des hélicoptères de combat, des véhicules blindés, des chars et de l’artillerie. La livraison la plus importante de ces dernières semaines concerne les systèmes de missiles HIMARS, fournis par les États-Unis eux-mêmes. Ainsi, éviter l’escalade et les débordements n’est plus autant un enjeu. En outre, le ministre ukrainien de la Défense, Oleksey Reznikov, a annoncé en début de semaine qu’il avait, avec son homologue américain Lloyd Austin, « des nouvelles particulièrement bonnes, mais les détails suivront ». Un message mystérieux qui pourrait bien faire référence aux A-10 ?

Et les rumeurs ne font que s’amplifier ces derniers jours. La semaine dernière, par exemple, la Chambre des représentants des États-Unis a approuvé un budget de 100 millions de dollars pour former les pilotes ukrainiens au pilotage des avions américains. Ces derniers mois, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé à plusieurs reprises aux pays occidentaux de former ses pilotes aux F-15 et F-16, mais il est également possible qu’ils apprennent à travailler avec des A-10. Selon un communiqué de presse de l’armée de l’air américaine publié en 2007, la formation au pilotage des « tueurs de chars » peut durer de six mois à un an. Bien que les pilotes déjà formés sur MiG et Sukhoi ayant déjà une certaine expérience, la formation pourrait être plus rapide.

Si le A-10 est un avion qui a fait ses preuves, il reste toutefois essentiellement destiné à un rôle d’appui au sol. Il n’est pas taillé à affronter d’autres avions, en particulier des chasseurs, et il ne peut donner le meilleur de lui-même que dans un ciel sans danger. Or en Ukraine, c’est plutôt l’aviation russe qui a le meilleur contrôle du ciel. Kiev aurait donc besoin d’abord d’avions de chasse, des F-16 par exemple, capables de reconquérir l’espace aérien avant que des A-10 puissent entrer en scène.

MB

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