Erdogan donne une nouvelle leçon d’efficacité à la diplomatie occidentale

Le président turc Recep Tayyip Erdogan est revenu lundi sur sa menace d’expulser dix ambassadeurs occidentaux du pays. Ce faisant, il a évité une tempête diplomatique qui, selon les analystes et les diplomates, aurait été synonyme de désastre économique pour la Turquie et aurait provoqué une fracture durable au sein de l’alliance de l’OTAN. Pourtant, il sort de l’incident comme le grand vainqueur.

Samedi, Erdogan a ordonné à son ministre des Affaires étrangères de déclarer « persona non grata » dix ambassadeurs de pays occidentaux. Les dix avaient demandé la libération du philanthrope turc Osman Kavala.

Kavala a été acquitté l’année dernière des accusations liées aux manifestations de 2013, mais le jugement a été annulé cette année et combiné avec des accusations dans une autre affaire liée à la tentative de coup d’État.

Osman Kavala est une célébrité en Turquie. Il a fondé une série d’associations pour promouvoir la diversité de la culture et du patrimoine turcs. Erdogan l’a appelé à plusieurs reprises « le Soros turc », en référence au milliardaire américano-hongrois connu pour avoir promu les valeurs libérales dans l’ancien bloc de l’Est.

Selon les groupes de défense des droits, cette affaire est symbolique de la répression menée par Erdogan contre les dissidents.

L’escalade de l’affaire aurait pu conduire à la plus grande rupture diplomatique avec l’Occident depuis les 19 ans de pouvoir d’Erdogan à la tête de la Turquie. En effet, sept des dix ambassadeurs concernés représentaient des alliés de la Turquie au sein de l’OTAN.

Article 41 de la Convention de Vienne

Mais dans ce qui semble être une action coordonnée, les dix ambassades concernées ont fait des déclarations identiques lundi, confirmant leur adhésion à l’article 41 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Ce traité stipule que les diplomates ne doivent pas s’ingérer dans les affaires intérieures du pays qu’ils visitent. Ces déclarations ont, bien entendu, été saluées par Erdogan.

« Notre volonté n’a jamais été de provoquer une crise, mais de protéger les droits et la loi, l’honneur, les intérêts et les droits souverains de notre pays », a-t-il déclaré lors d’une allocution télévisée. « Ainsi, aujourd’hui, ces mêmes ambassadeurs ont renoncé à leur diffamation de notre système judiciaire et de notre pays par une nouvelle déclaration. Je crois qu’à partir de maintenant, ils seront plus prudents dans leurs déclarations. »

En ne mettant pas sa menace à exécution, Erdogan n’a pas aggravé l’incident et a évité à son pays des retombées qui auraient ravagé l’économie turque, déjà fortement affaiblie.

Un activiste allemand tient une photo d’Osman Kavala. (Photo : Christophe Gateau/dpa)

Kavala est le grand perdant

Tout le monde est soulagé parce que chacun peut retourner à ses activités habituelles. Erdogan a une fois de plus montré qui est le patron en Turquie. Un jeu audacieux et risqué qui devrait distraire la population turque de la misère économique quotidienne causée par une inflation galopante.

Le grand perdant est Osman Kavala. Une action qui visait à aider un homme emprisonné depuis quatre ans sans aucune condamnation ni preuve s’est transformée en une épreuve de force internationale remportée par l’homme qui a ordonné son arrestation.

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