En pleine crise sanitaire, la crise politique à l’échelon fédéral n’est jamais loin. Georges-Louis Bouchez, le président du MR, ne veut pas entendre parler de négociations avant septembre. Mais la pression de la N-VA, ‘et d’un autre parti qui ne veut pas assumer’, s’intensifie.
Tous les yeux sont rivés sur le Conseil national de sécurité qui se réunira ce vendredi. L’enjeu est double: assurer une bonne communication et donner une lueur d’espoir aux citoyens. Le confinement se fait long, les critiques se multiplient, il est temps d’envisager une stratégie de déconfinement.
Le gouvernement (MR-Open VLD-CD&V) en est conscient. Le fiasco des visites en maisons de retraite a été douloureux, même s’il n’est pas totalement imputable au gouvernement Wilmès II. Les Régions ont aussi leur part de responsabilité.
Il faudra trancher: le déconfinement de certains commerces et pas d’autres engendrera des frustrations. Outre les conséquences économiques, le déconfinement sera aussi politique. La pression s’intensifie. Sur LN24, le CEO de Comeos, Dominique Michel, a appelé à une réouverture globale des magasins. En tout cas s’ils peuvent faire respecter les mesures de sécurité. Dans le cas contraire, certains magasins pourraient subir une ‘discrimination’, ce qui engendrerait ‘des distorsions de la concurrence’. Le gouvernement devra viser juste.
La comparaison avec ce qui se fait à l’étranger n’est pas inutile. En Allemagne, la décision est claire: les magasins de 800 mètres carrés peuvent rouvrir cette semaine. Aux Pays-Bas, tous les magasins sont désormais ouverts, du moment que la distanciation sociale de 1,50 mètre est respectée.
Pouvoirs spéciaux et confiance
Mais au-delà de ces mesures très concrètes, se joue une crise politique qui a été mise au frigo. Mais pour combien de temps encore? Bart De Wever, le président de la N-VA, a déclaré publiquement qu’il voulait remettre les négociations fédérales sur la table. Ce qu’a confirmé Georges-Louis Bouchez ce matin sur La Première, lui qui dit avoir été sollicité. Il aurait également été sollicité par un autre parti, qui ne l’a toutefois pas annoncé publiquement, suggère le président du MR. Les yeux se tournent naturellement vers le PS.
Quoi qu’il en soit, le MR n’est pas pressé. Avec une Première ministre et 6 autres ministres, 11 portefeuilles fédéraux pour 14 députés sur 150 à la Chambre, cela peut largement se comprendre. Le MR est aux responsabilités.
Mais les pouvoirs spéciaux sont valables jusqu’au mois de juin, après évaluation de la crise sanitaire. En parallèle se joue la confiance au gouvernement Wilmès II qui vaut en principe pour six mois. Et qui est rendue possible grâce au Parlement et aux partis d’opposition, à l’exception de la N-VA.
‘Ce sont deux choses différentes’, a insisté Georges-Louis Bouchez. Il veut clairement distinguer les pouvoirs spéciaux des négociations. Ce n’est évidemment pas le cas de tout le monde. Une fois qu’on y verra un peu plus clair dans la gestion de l’épidémie et du déconfinement, le politique s’invitera obligatoirement à la table, avec de potentielles négociations durant l’été.
‘Irresponsable’, juge le président du MR. Il ne veut pas de négociations fédérales avant septembre, tant que la crise sanitaire n’est pas réglée. Mais Bart De Wever a une stratégie. En posant le débat sur les dégâts économiques, et l’appartenance ou non de la Belgique ‘au club des pays de l’Europe du Nord’, il veut former un nouveau front flamand, entraînant avec lui les partis de l’actuel gouvernement fédéral. Le CD&V certainement, l’Open VLD dans le meilleur des cas, et par ailleurs, le sp.a, fâché avec son parti ‘frère’ francophone.
Car ce qui se joue derrière le déconfinement, c’est une stratégie économique. Il s’agira de facto de mesures idéologiques. Le PS a d’ailleurs déjà communiqué là-dessus la semaine dernière. Son président Paul Magnette veut mettre la barre à gauche.
Cette question n’est pas propre à la Belgique. Par contre, contrairement à ailleurs, notre pays ne dispose pas d’un gouvernement de plein exercice. La situation y est donc plus complexe.
Les discussions pourront-elles attendre septembre?
Pour disposer d’un gouvernement de plein exercice. Il faut discuter. Et il parait difficile d’attendre le dernier moment, c’est-à-dire en septembre. Ce matin, sur Radio 1 en Flandre, le probable successeur de Gwendolyn Rutten à la tête de l’Open VLD n’était pas sur la même longueur d’onde que son homologue francophone: ‘Nous devrons probablement faire une évaluation de ce gouvernement en mai’, a expliqué Egbert Lachaert.
‘Il est clair que les 10 partis (réunis dans un superkern en difficulté dans son fonctionnement) qui se voient chaque samedi ne peuvent pas être la base d’un gouvernement (…). Il n’y a pas encore de plan prévu. On doit parler, en coulisses.’ Le candidat à la présidence du parti libéral flamand ajoute que les responsables politiques doivent ‘travailler sur les relations humaines. Les freins ont été mis entre les partis et les personnes, nous devrons travailler sur cet aspect de manière constructive.’ Il est vrai que le dernier épisode de la formation d’un gouvernement fédéral, qui s’est joué au début de la crise sanitaire, a laissé beaucoup de traces et d’amertume, en particulier au sein des partis du nord du pays.
S’invitera nécessairement la question ultime: une Vivaldi ou une alliance PS-N-VA? Egbert Lachaert s’est montré prudent et a botté en touche: ‘C’est impossible de savoir quelle coalition finira par aboutir. Mais s’il vous plaît, ne faisons pas un remake des précédentes discussions.’
Au nord, les relations entre la N-VA de Bart De Wever et l’Open VLD de Gwendolyn Rutten sont arrivées à un point de non-retour. Mais la situation pourrait être différente avec Lachaert. Le candidat n’a jamais caché, à l’époque, sa méfiance vis-à-vis de l’Arc-en-Ciel (socialistes-libéraux-écologistes).
L’élection présidentielle au sein de l’Open VLD se jouera entre le 18 et le 22 mai prochain. Le nom du successeur sera connu au plus tard le 29 mai. Les quatre candidats sont toujours les mêmes: Egbert Lachaert, Stefaan Nuytten et Bart Tommelein, ainsi que la Bruxelloise Els Ampe. Le vote se fera bien entendu à distance: si l’un des candidats atteint les 50%, il deviendra président. Si pas, les deux premiers candidats repartiront pour un tour du 25 au 29 mai prochain.
Mais quel que soit le candidat qui sera déclaré vainqueur, et tant que la N-VA et le PS ne s’entendront pas, c’est le MR qui a la main. C’est le parti du gouvernement, et peu de chances qu’une nouvelle coalition se fasse sans lui. Georges-Louis Bouchez le sait, mais pourra-t-il freiner les discussions éternellement?