En Autriche, la relance du charbon est finalement bloquée: « Ce sont ceux qui ont gagné des milliards dans la crise qui doivent payer »

Il y a deux ans, la fermeture de la dernière centrale encore en activité a permis à l’Autriche d’éliminer totalement le charbon de sa production électrique. Au vu de la crise actuelle, le gouvernement aurait pourtant souhaité y revenir, temporairement. Mais pour l’opposition, c’est non. Du moins pour l’instant.

Ces derniers mois, au vu de la flambée des prix du gaz et de potentielles pénuries, plusieurs pays européens ont décidé de miser sur une plus grosse production d’électricité via les centrales au charbon en vue de garantir leur approvisionnement énergétique. C’est notamment le cas, par exemple, de nos voisins allemands et néerlandais.

Cette semaine, l’Autriche aurait pu rejoindre la liste des pays se tournant vers le charbon à cause de la crise. C’était en tout cas la volonté de la coalition turquoise-verte (conservateurs et écologistes, ÖVP et Grünen) au pouvoir.

Mardi, un projet de loi visant à revenir temporairement sur l’élimination du charbon a fait l’objet d’un vote. Pour être avalisé, il devait obtenir le soutien des deux tiers des membres du parlement autrichien. Mais les partis d’opposition ont voté contre, expliquant notamment que, pour eux, il faut d’abord que le gouvernement garantisse que les coûts supplémentaires liés à cette relance du charbon ne seront pas supportés par les contribuables.

« Ceux qui ont gagné des milliards dans la crise énergétique actuelle devraient payer », a ainsi déclaré Joerg Leichtfried, le vice-président des sociaux-démocrates (SPÖ), le principal parti d’opposition.

Les Verts pestent: « Je les tiens responsables si des foyers restent froids »

En juin, le gouvernement avait prié le groupe Verbund, le principal fournisseur d’électricité du pays, d’entamer le redémarrage de la centrale au charbon de Mellach, située au sud de Graz, mise en veilleuse en 2020. Objectif: « sécuriser l’approvisionnement énergétique du pays », avait indiqué le chancelier Karl Nehammer, désireux de « de remplacer le gaz russe manquant par d’autres sources ou fournisseurs afin de pouvoir continuer à constituer des réserves ».

La réactivation de la centrale devait, techniquement, prendre plusieurs mois. Mais voilà donc qu’elle n’en reçoit pas l’ultime feu vert politique. De quoi provoquer le courroux de la ministre (verte) de l’Énergie, Leonore Gewessler. « Je trouve le comportement du SPÖ complètement irresponsable. Je [le] tiens pour responsable si des appartements de familles et d’enfants restent froids », a-t-elle déclaré à la télévision publique, soulignant le fait que la centrale pourrait alimenter jusqu’à 260.000 foyers en électricité et en chaleur en cas d’urgence.

Les écologistes et les conservateurs au plus mal

Comme le souligne Euractiv, ce blocage constitue un nouveau coup dur pour la coalition au pouvoir, dont les décisions sont de plus en plus impopulaires. Un sondage réalisé dimanche a révélé que 21% des électeurs voteraient encore pour les conservateurs, tandis que 11% ont déclaré qu’ils continueraient de soutenir les Verts. Lors des élections législatives de 2019, ces deux partis ont respectivement réuni 37,5 et 13,9% des suffrages.

Notons que la croix faite sur le charbon par l’opposition n’est toutefois pas définitive. Le SPÖ a fait savoir qu’il restait ouvert aux négociations. S’il venait à soutenir la relance du charbon, cela suffirait à obtenir les deux tiers nécessaires à son feu vert.

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