Un mea-culpa. Interrogé sur ses petites phrases qui ont marqué son quinquennat, Emmanuel Macron disait regretter « des propos blessants ». C’était le 15 décembre dernier, lors de son grand entretien avec TF1 et LCI. Les regrets ont été de courte durée pour celui qui expliquait vouloir garder sa « volonté de bousculer ».
« Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie ». Cette phrase est issue d’une interview du Parisien de ce jour. Le président de la République française répond à l’attitude à adopter face aux derniers réfractaires, les 10% de non vaccinés.
« C’est une toute petite minorité qui est réfractaire. Celle-là, comment on la réduit? On la réduit, pardon de le dire, comme ça, en l’emmerdant encore davantage. Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder », poursuit-il.
Il n’en fallait pas plus pour déchainer toutes les passions et les éditorialistes, dès hier soir, quand cette partie de l’interview a fuité. Pourtant, la veille, beaucoup se sont indignés des propos d’anti-vax, franchement menaçants à l’encontre du journaliste de LCI, Paul Larrouturou, venu les interroger lors d’une manif’.
« Impossible à convaincre », réagissait-on. Et si la seule solution était de les emmerder ? « Un président ne devrait pas dire ça », s’est empressée de réagir Marine Le Pen, candidate RN à la présidence. « Le président maîtrise-t-il ce qu’il dit? » s’interrogeait l’insoumis Mélenchon. « Président, j’arrêterai d’emmerder les Français », a enchéri Éric Zemmour.
Le souci n’est pas tant le propos mais celui qui le porte. Emmanuel Macron, outre sa fonction qui le tient à une certaine retenue, est coutumier des petites phrases.
- « Je traverse la rue je vous en trouve du travail. »
- « Une gare c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. »
- « Je ne céderai rien ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes. »
Après coup, le chef de l’État français regrettait le 15 décembre dernier ne pas « mesurer suffisamment les choses » dans ses propos. « Il y a des mots qui peuvent blesser et je pense que ce n’est jamais bon et même inacceptable. Le respect fait partie de la vie politique et donc j’ai appris. »
Le mal ce n’est pas de ne pas tenir ses promesses : c’est d’abord d’avoir fait des promesses impossibles à tenir. Cette phrase que l’on doit au poète Claude Roy peut aussi s’appliquer ici. Emmanuel Macron peut-il vraiment se décrotter d’un trait de caractère qu’il traine avec lui depuis le début de son mandat, et sans doute même avant ?
À court terme, la petite phrase assassine s’est ajoutée à un débat parlementaire bruyant sur le pass vaccinal. Alors que la France a enregistré 300.000 cas en 24 heures, la séance a été interrompue à minuit après huit heures de débats intenses, plus de 500 amendements devant être examinés. Si le texte devrait passer au bout du compte, il aura du retard. Et dans tous les cas, il ne se transformera pas en victoire politique ou médiatique pour Emmanuel Macron, à quatre mois des élections présidentielles.
À plus long terme, est-ce la petite phrase de trop ? Si le président pense connaitre les Français, il doit savoir qu’ils détestent être pris de haut. Emmanuel Macron s’adressait peut-être à une infime minorité de Français mais il est parvenu à se mettre à dos l’immense majorité d’entre eux.