Donald Trump et ses coups de téléphone ‘délirants’ aux dirigeants étrangers

CNN a rapporté de nombreux témoignages proches de Donald Trump. En ressort un portrait peu flatteur pour le président des États-Unis. Mais toutefois l’image que l’on s’en faisait.

La chaîne d’information américaine n’est pas très amie avec le président des États-Unis, ce n’est un secret pour personne. CNN a toutefois mené une enquête minutieuse qui pénètre ‘dans des centaines d’appels téléphoniques hautement classifiés’. Amers, de nombreux anciens proches de Donald Trump ont déjà délié leur langue à ce sujet. Parmi eux, les ex-conseillers à la sécurité nationale, H.R. McMaster et John Bolton, l’ancien secrétaire à la Défense James Mattis, l’ex-secrétaire d’État Rex Tillerson ou encore l’ancien chef de cabinet de Donald Trump John Kelly.

Si ces témoignages doivent être pris avec des pincettes – celles d’une légitime frustration et d’un esprit de vengeance -, il faut toutefois clarifier que l’enquête CNN ne s’est pas arrêtée là, et a fait parler des sources anonymes issues des rouages de l’administration. Une douzaine en tout qui ont pu soit entendre ou lire les conversations présidentielles, en tout ou en partie.

Dans l’actu

Dans ses appels téléphoniques, Donald Trump se laisse aller à la séduction, à l’intimidation ou à la bêtise, mais pas toujours envers ceux que l’on croit. Avec des conséquences toutefois bien réelles dans notre réalité. Par exemple, les témoins laissent entendre que le milliardaire se montre particulièrement docile vis-à-vis de Vladimir Poutine. Pourtant, le New York Times nous apprend ce lundi que l’homme à la tête de la plus puissante armée au monde était au courant – ‘dès début 2019’ – du versement de primes russes aux talibans pour le meurtre de soldats américains. Le contexte est le retrait des troupes américaines d’Afghanistan. La Russie tente d’étendre son influence dans la région. Là encore, ce n’est un secret pour personne.

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Dur, voire irrespectueux avec ses alliés, docile et flatteur avec les dictateurs de ce monde, Donald Trump joue selon ses propres règles, voulant se démarquer de ses prédécesseurs, Barack Obama et George W. Bush, dont il taille le portrait à outrance auprès de ses interlocuteurs.

Avant publication de l’enquête, CNN précise avoir demandé une réaction de la Maison Blanche. Voici sa réponse : ‘Le président Trump est un négociateur de classe mondiale qui n’a cessé de promouvoir les intérêts de l’Amérique sur la scène mondiale. Le président Trump a montré sa capacité à faire avancer les intérêts stratégiques de l’Amérique.’ Voilà pour le côté face.

Du côté pile, les témoins parlent de conversations ‘délirantes’, ‘d’abominations’ voire ‘d’insultes’.

Concrètement

À propos de ses alliés, en particulier les femmes, son agressivité est quelque chose qui revient systématiquement. Le président n’aurait pas manqué de dire à Theresa May qu’elle était ‘faible’ ou à Angela Merkel qu’elle était ‘stupide’. Les témoins décrivent ses conversations avec les femmes dirigeantes comme ‘quasi sadiques’, ‘très agressives’, ‘humiliantes et intimidantes’, ou accusant par exemple Merkel ‘d’être à la solde des Russes’, qui restait toutefois imperturbable en toutes circonstances, au contraire de Theresa May. En Allemagne, des mesures supplémentaires ont dû être prises pour restreindre l’accès à ces conversations, explique un témoin.

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Tour à tour, Emmanuel Macron, Justin Trudeau ou le Premier ministre australien Scott Morrison en ont également pris pour leur grade. Après Erdogan, le président français serait celui qui est entré le plus en contact avec Donald Trump. Souvent en vue de le faire changer de cap. Notamment sur la question environnementale et le nucléaire iranien. Ce qui avait le don d’énerver le président américain qui répondait par des piques contre la France.

Sur ses conversations avec Erdogan, Poutine ou ben Salmane, plusieurs sources indiquent que le président n’était pas assez préparé, se laissant manipuler. Donald Trump mettait plutôt l’accent sur ses propres réussites, ‘comme jamais auparavant’ selon la formule consacrée. Avec le président russe, les discussions sonnaient parfois ‘comme deux gars dans un bain de vapeur’, rapporte une source.

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Plus stratégiquement, certaines sources relativement élevées dans la hiérarchie regrettent que le président Trump ait mis la Russie sur un piédestal (pour un État totalitaire qui ne représente que 4% du PIB mondial), parlant avec le président russe comme d’égal à égal: ‘Il trahit l’avantage qui a été durement gagné pendant la guerre froide’, a déclaré l’un des responsables, ‘donnant à la Russie une bouée de sauvetage – alors qu’il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un pouvoir déclinant’. Le milliardaire qui est un fin négociateur commercial manquerait de subtilité en ce qui concerne la géopolitique.

Dans le même sens, son choix de retirer ses troupes en Syrie a renforcé non seulement le président Poutine, mais également le président Erdogan. Certains collaborateurs à la Maison Blanche s’étonnaient de voir le président turc savoir à quel moment précis appeler Trump pour être le plus efficace. ‘Avait-il accès au calendrier de Trump ?’, s’interrogent certains. Jusqu’au terrain de golf, où Trump interrompait volontiers sa partie le temps d’une discussion. De manière plus problématique, là encore, certaines sources se disent consternées par le manque de connaissance du milliardaire dans le conflit syrien, se laissant mener par le bout du nez. Les forces kurdes, abandonnées par les troupes américaines et attaquées par les turques, s’en souviennent.

Trump s’est parfois énervé contre Erdogan, notamment pour un évangéliste retenu prisonnier puis libéré en décembre 2018. Il aurait également parlé d’affaires révélées dans le livre de l’ancien conseiller à la sécurité, John Bolton, qui pourraient causer du tort au président, sans toutefois que les sources interrogées sur le sujet n’évoquent l’éventualité d’une destitution. Ces conversations ont bien sûr été conservées. Le temps nous dira un jour jusqu’à quel point est allé le président de la première puissance mondiale.

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